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Côte d’Ivoire, Covid-19 : des paroisses catholiques de la province ecclésiastique d’Abidjan s’adaptent aux mesures à leur manière avec des ressentiments

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La Cathédrale saint Paul d'Abidjan Plateau/Ph Credo

Trois jours après les mesures de l’épiscopat ivoirien de suspendre catéchèse, chemins de croix, pèlerinage, salutations manuelles dans les églises, et peut-être les célébrations eucharistiques, comment les paroisses et fidèles catholiques respectent, appliquent et vivent cette panoplie de mesures contre le Covid-19 prises par la province ecclésiastique d’Abidjan.

La journée de jeudi 19 mars 2020 n’a pas été du tout repos pour le Secrétariat de la paroisse Saint François d’Assise de Koumassi dans le diocèse de Grand-Bassam. Des paroissiens nombreux et déterminés, à faire la messe les jours ouvrables et dimanches, font le pied de grue devant le bureau du Secrétariat pour s’en procurer les tickets de participation aux célébrations eucharistiques.

Deux personnes font leur entrée au Secrétariat. Une fois à l’intérieur, les noms et les contacts sont pris par la secrétaire du Curé. Ceux-ci doivent aussi indiquer l’horaire de la messe à laquelle ils souhaitent y prendre part sur les trois sites définis par le Conseil pastoral paroissial.

Le même ballet de tickets continue en respectant le rang d’hommes, de femmes, de jeunes et vieillards. « La Conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire a donné des indications et notre évêque, Mgr Raymond Ahoua, nous a invités à respecter les mesures du ministère de la Santé et celles de l’épiscopat. Je me suis tenu à cette batterie de mesures », explique père Eric Arnaud Assoumou, curé de la paroisse Saint François d’Assise de Koumassi.

Sur cette paroisse salésienne de Don Bosco, comptant plus de 3500 fidèles, après la prise des mesures édictées, aussitôt, le père Assoumou a réuni ses confrères pour des  « nouvelles dispositions ». Désormais, les messes sont organisées sur trois sites du territoire paroissial (église, Centres Village Don Bosco et Marie Dominique), avec un nombre de 50 fidèles, d’une distance raisonnable d’un mètre.

« On ne dit pas que ceux qui ne veulent pas faire de messes ne prient pas mais nous croyons à cette option prise », fait-il savoir. « Comme on nous permet de faire des rencontres, en ne dépassant pas les 50 personnes et aussi le respect des distances d’un mètre, donc nous appuyons sur les deux dispositions, avec le service d’ordre de la paroisse pour organiser ces messes de 50 fidèles », indique-t-il. Cette mesure d’offrir des messes jours ouvrables et dimanches, aux heures 6h15 et 12h15 a été prise, le mercredi 18 mars.

  • Les messes de 7h30 et 12h seront diffusées sur le réseau social Facebook, afin que ceux qui sont restés à la maison ou en confinement puissent la suivre en direct.

Le dimanche 22 mars, trois messes sont organisées sur les sites sus-indiqués aux heures connues. Les messes de 7h30 et 12h seront diffusées sur le réseau social Facebook, afin que ceux qui sont restés à la maison ou en confinement puissent la suivre en direct. Bertin Guebo venu prier au Saint Sacrement n’est pas informé de la nouvelle mesure de ticket pour assister aux messes sur sa paroisse. « C’est une décision sage de nos pères évêques d’interdire toutes activités pastorales. Sachez aussi que dans l’église, il est question d’obéissance », dit-il.

Les dernières célébrations eucharistiques

A la paroisse Sainte Bernadette de Marcory Est du diocèse d’Abidjan, des paroissiens assis dans la cour échangent sur le phénomène du Covid-19. Pendant ce temps, les dévots de Marie font le chapelet, dans la discipline et le silence, ponctués de chants, à la grotte mariale. Un autre groupe de mouvements vêtu dans leur pagne uniforme éloigné des uns et des autres, par une chaise, dans la cour, fait sa réunion.

A l’intérieur de l’église, le silence de Dieu y règne ! Le Saint Sacrement est exposé depuis matin. Ces quelques chrétiens assis à une bonne distance l’un de l’autre, en prière dans l’église, confient au Seigneur, sans doute leur vie de famille, projets et cette pandémie, qui ravage des milliers de personnes dans le monde.

A cet effet, tous les chrétiens qui pénètrent dans l’église aperçoivent un sceau d’eau mélangé au Jabel pour le lavage des mains. Un exercice pratiqué avec joie et un peu d’humour par tout chrétien qui franchit le grand portail. « C’est une bonne chose. Il est évident que le Coronavirus n’a plus droit de résister longtemps. Sa messe de requiem a été dite par le lavage des mains », ironise une fidèle venue prier.

15 minutes après, débute la messe. Une fidèle catholique Rachelle nous informe que ce midi (mercredi 18), il y a eu célébration de l’eucharistie dans cette église. Plusieurs personnes y ont assisté. Avec de potentiels risques de contamination, surtout que l’église était pleine à craquer. « Toute à l’heure, la messe de 18h va commencer. Ce midi, l’officiant a souligné que la décision prise par les évêques de Côte d’Ivoire est récente. Ce n’est qu’aujourd’hui, que les curés ont reçu le document de l’évêché de l’archidiocèse d’Abidjan les informant qu’il n’aura pas de messes sur les paroisses mais l’exposition du Très Saint sacrement, à compter d’aujourd’hui jusqu’au 2 avril 2020 », nous confie Rachelle.

« Cette messe du soir est la dernière que nous célébrons avec les fidèles. Après quoi, il n’y aura plus de messes à la paroisse sainte Bernadette », rapporte notre interlocutrice, avec dépit.

 

Exposition du Très Saint Sacrement à l’église St François d’Assise Koumassi

Pour elle, même si des mesures sont prises contre le Covid-19, mais elles ne doivent aucunement altérer notre foi en Dieu. Nous devons plutôt redoubler dans la prière pour bouter hors de nous, ce danger permanent et dramatique.

L’entêtement des fidèles, malgré le Covid-19 !

De nombreux chrétiens ne sont pas informés encore des mesures arrêtées par la Conférence épiscopale contre le Coronavirus. Ils sont venus participer à la messe à l’église saint Mathias Kalemba de Yopougon, dans le diocèse de Yopougon, ouest d’Abidjan. A leur grand étonnement, pas de messes depuis la déclaration des évêques, mardi. D’ailleurs, une note de l’évêché de Yopougon, en date du 17 mars 2020, conforte cette décision et interdit la célébration eucharistique durant 15 jours.

  • « La messe est le sommet de toute vie chrétienne. Certes, il y a le problème de Coronavirus (Covid-19), mais on ne peut donc interdire systématiquement la messe aux fidèles », se plaint un fidèle de la paroisse.

Par contre, il est recommandé, rapporte cette note, que la prière privée et l’exposition quotidienne du saint Sacrement dans l’église. « La messe est le sommet de toute vie chrétienne. Certes, il y a le problème de Coronavirus (Covid-19), mais on ne peut donc interdire systématiquement la messe aux fidèles », se plaint un fidèle de la paroisse.

Père Patrick Ossein, curé de la paroisse Sainte Thérèse d’Avila de la Cité Maca de Yopougon, lui, estime que les mesures sont respectées sur sa paroisse pour éviter le risque de propagation du virus. Il n’y a pas de messes depuis la déclaration des évêques de Côte d’Ivoire, suite aux mesures complémentaires édictées par le Conseil national de sécurité (Cns).

« Les paroissiens sont découragés par ces mesures, au point de nous interpeller sur la dangerosité, témoigne-t-il, à laquelle nous les invitons à ne pas avoir de célébration eucharistique. Si nous ne rentrons pas dans cette discipline, chacun devient fautif de ce risque de propagation du Covid-19 ». C’est pourquoi, pour la prière au Saint Sacrement, à la grotte mariale, des chaises sont disposées à une distance d’un mètre, pour éviter la contamination du virus.

Deux dames, presque des septuagénaires ont approché le curé Michel Mobio de Saint Mathias de Yopougon pour en savoir davantage sur le maintien ou non des célébrations eucharistiques. « Mon père, vous partez en réunion  pour décider de la conduite à tenir sur les mesures des évêques. Je vous en prie, ne revenez pas nous voir, en annonçant qu’il n’y aura pas de messes sur la paroisse. Faites tout ce qui est à votre pouvoir pour que nous ayons la messe », insistent les deux mères.

A son corps défendant et scrutant la souffrance des fidèles, et qui ont soif de Dieu, l’abbé Mobio est sans voix. « Le prêtre, c’est quelqu’un qui est obéissant. L’évêque ne peut prendre de décision sans l’inspiration de l’Esprit. Si l’esprit lui a donné cette inspiration de deux semaines, on ne peut qu’obéir »,  indique le père Mobio. 

Les charges mensuelles ?

Si la planète entière assiste impuissamment à une crise sanitaire et économique mondiale du Covid-19, les églises ne sont pas non plus épargnées. Les diocèses de Yopougon et d’Abidjan ont formellement interdit les célébrations eucharistiques pour une période de 15 jours. Quant au diocèse de Grand-Bassam, situé à l’Est d’Abidjan, pour l’heure, aucun communiqué. Des sources indiqueraient que le diocèse demande que les paroisses appliquent les recommandations des évêques. Des décisions des évêchés qui entrent en vigueur, dès jeudi. Pourtant, les paroisses de Côte d’Ivoire ne vivent que des quêtes, des offrandes et de la générosité des fidèles chrétiens.

  • « Certes, nous ne faisons pas de messe, selon le communiqué. L’évêque demande que le prêtre fasse sa messe privée, au cours de laquelle, les chrétiens sont amenés à faire des demandes de messe et des offrandes », a souligné père Ossein.

Avec la difficile situation du virus mortel, le clergé est inquiet sur des charges mensuelles. Il estime tout de même que des mesures compensatrices ont été prises soit au niveau du diocèse soit mettre à contribution des fidèles pour parer à ces éventualités financières auxquelles seront confrontées des églises, dès la fin du mois.

« Certes, nous ne faisons pas de messe, selon le communiqué. L’évêque demande que le prêtre fasse sa messe privée, au cours de laquelle, les chrétiens sont amenés à faire des demandes de messe et des offrandes », a souligné père Ossein. Par contre, un autre père très pessimiste, qui mesure déjà les conséquences financières du Covid-19 sur les activités pastorales, envisage plutôt les célébrations eucharistiques, avec un groupe réduit de fidèles dans des sites bien définis sur le territoire paroissial.

Magloire Madjessou

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