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Côte d’Ivoire, l’écrivain Tiburce Koffi raconte le baptiste Jean octracisé par les Écritures canoniques et l’Église (?)

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Tiburce Koffi, intellectuel ivoirien résident aux Usa/Ph Valérie Koffi

Tiburce Koffi, écrivain, journaliste et cinéaste ivoirien, résident aux Etats Unis, aborde la problématique de Jean Baptiste, le précurseur de  l’annonce de Jésus, dans une analyse s’appuyant sur son expérience personnelle et la Bible.  (1ère Partie).

Une réflexion dédiée au philosophe ecclésiastique James Wadja. Pour saluer la pertinence de son discours socio-clérical et politique (1).

S’il y a, après Jésus, un personnage biblique qui a amplement touché mon attention, c’est bien celui du baptiste Jean. Frappantes sont les similitudes dans le parcours de ces deux hautes figures du « nouveau Testament » : leurs naissances (par grâce divine (2), leurs liens de parenté, leurs ministères (consacrés à la proclamation de la Vérité — au nom de Dieu), leur mise à mort. Mais paradoxalement, le baptiste ne me semble pas suffisamment s’offrir aux églises comme une icône à célébrer ; ou du moins, l’importance à lui accordée ne me paraît pas vraiment à la hauteur du rôle qu’il a joué dans l’Avènement du Christ.

Jean et Jésus (il est utile de le rappeler) sont issus de la même famille ― Elisabeth, la mère de Jean, étant la cousine de Marie, mère de Jésus ; et toutes les deux sont des mères porteuses, selon les Écritures. Jean et Jésus ont, tous les deux, prêché pour le salut du peuple hébreux en se faisant les voix de Yahvé le dieu de leurs ancêtres Abraham, Isaac et Jacob. Comme Jean, son aîné, Jésus a connu l’épreuve du désert. Comme le sera plus tard Jésus, Jean a été tué de manière atroce : décapité sur ordre d’Hérode-roi. Jésus, on le sait, fut quant à lui crucifié avec le désengagement irresponsable de Ponce Pilate.

Le baptiste Jean. Quel fascinant personnage — de lui, ce n’est point sur-dire que de dire cela. C’est en effet lui qui annonce l’avènement du ministère de Jésus. C’est lui qui le baptise ; il l’oint en réalité ou, du moins, consacre-t-il officiellement son initiation au monde du Sacré car, par ce geste, il offre Jésus à la grâce du Saint Esprit. La Parole dit :

« (…) Jésus arriva de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Aussitôt, comme il remontait de l’eau, il vit les Cieux entrouverts : l’Esprit Saint descendait sur lui comme fait la colombe, et du ciel venaient ces paroles : « Tu es mon Fils, le Bien-aimé. C’est toi qu’il m’a plu de choisir. » Marc I ; 9-11.

Voici donc qui dit et souligne le rôle et le statut particulier de Jean dans l’histoire de Jésus. Et les quatre évangiles canoniques tiennent le même discours à propos du baptiste. Questions et observations sensées donc : pourquoi tant de timidité quand il s’agit de magnifier le baptiste ? Pourquoi, dans les liturgies chrétiennes, magnifie-t-on (ou amplifie-t-on les noms) d’autres personnages d’envergure moindre ? Je pense à Pierre (qui a renié Jésus à trois reprises), à Barrabas (un brigand), à Judas (le supposé traître), à Thomas qui a douté de Jésus. Au cœur des récits de la Passion, figurent en bonne place tous ces personnages. Avec l’évangéliste Jean, Marie mère porteuse de Jésus et Marie de Magdala, ils constituent un ensemble de vedettes du « Nouveau Testament. »

Subséquemment : pourquoi, au détriment du baptiste (dont l’avènement fut même prophétisé), ces personnages de stature moindre ont-ils pu, tous, acquérir tant d’importance dans la Bible ? Finalement, quelle place est-il réellement laissée à Jean dans l’histoire de Jésus ? On a même fini par l’appeler Jean-Baptiste ― du nom de l’exercice de son ministère ; pourtant, la Bible mentionne le nom de famille (ou l’origine) de Judas : Iscariote. Le baptiste a-t-il été canonisé ? Je ne le sais pas. En revanche, Pierre (lâche et renégat), Thomas (le sceptique) et Paul (qui persécuta les chrétiens) sont, tous, saints. Les évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean, sont saints. Marie est sainte, Elisabeth, de même. Joseph (le présumé époux de Marie) est saint, sans aucun mérite. Zacharie, présumé père du baptiste, est sans doute saint, lui aussi. Tant de saints dans cette histoire sainte autour de la sainteté de Jésus, mais où celle du baptiste ne semble pas offrir suffisamment de visibilité pertinente.

Après la consécration de Jésus en « messie » (sauveur), qu’est-il advenu de la mémoire testamentaire du célèbre baptiste mort sur l’autel de sa fidélité à la loi des Ancêtres de la tribu, notamment à la loi de Moïse sur l’adultère, et qu’il a su défendre au prix de sa vie ? A mon avis, pas grand-chose. Qu’est devenue l’école ésotérique des Essonniens à laquelle il appartenait ? Silence total. Que devient, aujourd’hui, dans la conscience spirituelle et la gnostique théologale des chrétiens, le tragique et austère personnage de Jean, le premier « Agneau du sacrifice » ? Rien. Tout ce qui se rapporte à ce personnage, qui aurait dû être l’une des plus grandes figures héroïques du Nouveau Testament, semble mis à la marge et frappé d’un ostracisme suspect. Or non seulement Jean est le plus illustre des parents de Jésus, mais il est l’Annonciateur privilégié de son Avènement.

Jean est un fondamentaliste de l’orthodoxie éthique des Hébreux. Jésus est, lui, un propagandiste de l’Amour et de la paix universelles. Tous les deux professaient au nom du même dieu, Yahvé, « Dieu des Hébreux » (3) puisqu’ils procédaient et émanaient de Lui. Sur cette dimension du personnage de Jean (héraut et défenseur de l’éthique hébraïque), les Ecritures disent :  

« Tout le pays de Judée et tout le peuple de Jérusalem venaient à lui et se faisaient baptiser dans le Jourdain en même temps qu’ils confessaient leurs péchés. » Marc I, 5. En Marc I, versets 77 et 79, il est dit aussi : Jean est venu pour « donner à son peule la connaissance du salut par le pardon de ses péchés (…), éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort (…) ».

Précieuse donc fut la mission du baptiste. Et il l’a accomplie au péril de sa vie. Sa mort, brutale, cruelle, fut l’œuvre exclusive des hommes. Celle de Jésus s’inscrit, quant à elle, dans l’accomplissement d’une mission divine sur la base d’une parole paternaliste, protectrice et hautement rassurante : la promesse de la résurrection de la chair — sa résurrection. Alors, pourquoi ces ‘‘ timidités’’ des églises sur Jean dont la place est pourtant fondamentale dans cette poignante épopée de la quête spirituelle du peuple hébreu qui, comme tous les peuples anciens, s’est hautement célébré dans une fantastique mythologie génésiaque qui a franchi les millénaires et les espaces ?

 Notes :

(1)      Texte extrait d’un court essai (inédit) sur les Ecritures canoniques, dédié au philosophe ivoirien James Wadja.

(2)      Consulter Luc I, versets 5-17 ;  Marc I, 1-11.

(3)      J’insiste sur cette précision de haute importance, qui se trouve d’ailleurs au cœur de la Bible. Lire notamment les versets relatifs à l’Exode, comme en témoignent ceux-ci : « Je suis le Dieu de ton père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob* (…) Va, réunis les anciens d’Israël et dis-leur : Le Seigneur, Dieu de vos pères, Dieu D’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, m’est apparu en disant : « J’ai décidé d’intervenir en votre faveur, à cause de ce qu’on vous fait en Egypte* (…) Ils entendront ta voix et tu entreras, toi et les anciens, chez le roi d’Egypte ; vous lui direz : Le Seigneur, Dieu des Hébreux, s’est présenté à nous* (…)». Exode 3-7 ; 3-17 ; 3-19. Oui, Yahvé est bel et bien le dieu des Hébreux et non celui d’autres peuples, encore moins celui des Africains.  

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