Accueil A la une Rameaux-Covid-19 : Des familles et fidèles obligés à la célébration d’une fête...

Rameaux-Covid-19 : Des familles et fidèles obligés à la célébration d’une fête à relent d’auto-confinement

PARTAGER
De nombreux fidèles levant le rameaux dans l'église Ste Bernadette de Marcory-Est/Ph Credo

5 avril 2020, dimanche des Rameaux. Des millions de chrétiens catholiques ne célébreront pas comme à l’accoutumée cette célébration liturgique très importante-par procession dansant aux cantiques du répertoire du jour munis d’olivier, de buis, de palmier jusqu’à leur paroisse- qui précède la Pâques, en raison du Coronavirus. En Côte d’Ivoire, des familles et fidèles catholiques expriment leur ressentiment face à cet auto-confinement qui les obligent à rester malgré eux, à la maison, pour vivre la foi messianique.

Depuis une semaine, sur les réseaux sociaux, forums et autres moyens de diffusion, des communiqués et messages par téléphone sont envoyés aux personnes, aux chrétiens quant aux médias catholiques et la Rti, qui feront la retransmission de la célébration de Rameaux. La célébration d’une fête liturgique sur ces canaux, qui n’est pas du goût de nombreux fidèles, découragés et parfois dont l’incrédulité vient renforcer le sentiment d’un pays qui n’a plus d’âme spirituelle devant une maladie qu’est le Coronavirus.

« La préparation est spirituelle. Je médite donc la parole de Dieu pour que le Roi  des Roi qui rentre à Jérusalem soit aussi le Roi de ma vie », prit Flore, chrétienne catholique à Notre Dame de l’Annonciation de Yopougon nouveau quartier. Lors des décisions prises par la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire, le peuple de Dieu a été invité de s’organiser de manière responsable pour prier ou entrevoir ensemble des activités pastorales. Certaines Communautés ecclésiales de bases (Ceb) des quartiers d’Abidjan y ont déjà pensé. L’ordre est ainsi clair. Pas plus de 20 personnes dans cette petite église du quartier. « Notre Ceb veut-nous organiser à la préparation spirituelle de la fête des Rameaux. Mais je ne sais comment cela va se dérouler dans la pratique. Par ailleurs, pour le dimanche des Rameaux, mes enfants et moi suivront la messe sur la chaîne Kto ou la Rti1 », a-t-elle fait savoir avec joie.

A lire aussi: Côte d’Ivoire, Rameaux célébrés dans la ferveur et l’allégresse dans les paroisses d’Abidjan

Foi confinée dans le Covid-19

La famille Niamké, forte de 5 personnes, est catholique, il y a des années à l’église Notre dame de l’Assomption de Koumassi. Le confinement ou l’auto-confinement auquel vit les Ivoiriens, depuis le 23 mars dernier, lors de l’adresse à la Nation du Chef de l’Etat décrétant l’état d’urgence remet en cause tous les acquis de l’homme, et de tout homme de foi, à en croire la famille Niamké. Mardi 17 mars, les évêques avaient décidé, à leur tour d’entériner les mesures prises par le Conseil national de sécurité (Cns) sur la propagation et la contagion du Covid-19.

« De ces recommandations de nos pères évêques, toutes les activités pastorales étaient de ce fait mises en veilleuse. Les chemins de croix, les pèlerinages, les réunions de groupes ou mouvements, sacrement pénitentiel, les célébrations eucharistiques sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. De là, notre foi en Jésus était confinée dans un Covid-19, que la foi peut battre lamentablement », déplore la famille Niamké.

  •  Comment une maladie dite Coronavirus peut-elle remettre en jeu la foi des chrétiens ? C’est inacceptable du point de vue catholique.

Demain, l’Eglise universelle célèbre la solennité des Rameaux. Fête précédant la Pâques. Une grosse inquiétude que partage difficilement la famille Niamké. « Comment une maladie dite Coronavirus peut-elle remettre en jeu la foi des chrétiens ? C’est inacceptable du point de vue catholique. Rameaux, célébration par excellence, ou procession, chants, récit évangélique de l’entrée de Jésus à Jérusalem, la bénédiction des rameaux etc, des gestes de foi que nous n’allons pas voir par la foi ni témoigné nous affecte grandement », s’est effondrée dame Niamké.

Dans cette même veine, père Emmanuel Wohi Nin, Secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire, est confus et désemparé face à la situation sanitaire mondiale du Covid-19. « C’est effectivement la mort dans l’âme que les chrétiens resteront en dehors des églises paroissiales », se désole-t-il. Poursuivant, il affirme que pasteurs et fidèles ressentent la même douleur. « « Mais ne dit-on pas que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ? ». Sur note d’espérance, soutiendra que « demain, il fera jour ».

A lire aussi: Covid-19 : Un médecin rassure : « des expérimentations médicamenteuses sont en cours… »

Les médias catholiques ?

Ces médias catholiques que sont Radio nationale catholique (Rnc) et radio espoir sont mis à contribution selon la décision de l’épiscopat ivoirien de pouvoir être des canaux de retransmission des messes et autres activités durant l’épidémie du Covid-19. Ce dimanche des Rameaux, des millions de fidèles suivront en direct la célébration de cette solennité, présidée par des prêtres ou évêques. Même si cette manière de célébrer cette importante fête liturgique pourrait friser le ridicule ou soulève des critiques acerbes comme laissent entendre des chrétiens. Pour d’autres, il faut maintenir le cap de la foi.

« Ma famille et moi voulons fêter les Rameaux comme d’habitude. Mais la situation du Covid-19 oblige et retient en camouflet notre foi familiale. Au-delà de la foi, même si ces canaux des moyens de communications existent, ils ne sont pas capables de pouvoir nous faire vivre intensément la foi, que nous avons depuis des siècles vécu en présentiel à la messe ou toute autre célébration », confie Koffi, catéchiste et père de famille.

  • (…) Une célébration de Rameaux qui peut m’emballer puisque je vois celui qui officie, qui prêche, qui bénit, qui fait la paix du Seigneur etc. A ce niveau ma foi peut bouger.

En plus de ces radios confessionnels, il y a la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti 1), qui selon toute vraisemblance pourrait retransmettre la célébration de Rameaux en direct sur les antennes, dès 9h. « La télévision et les radios jouent presque le même rôle, celui de retransmettre ou diffuser des informations. A contrario, à la télé, on voit les intervenants et gestes effectués. Une célébration de Rameaux qui peut m’emballer puisque je vois celui qui officie, qui prêche, qui bénit, qui fait la paix du Seigneur etc. A ce niveau ma foi peut bouger », juge Arnaud Michel.

A Port-Bouët, une commune d’Abidjan, une octogénaire engagée dans l’église Sainte Anne, malgré la cécité qui l’a éloignée des bancs de la paroisse reste déterminée à suivre cette fête de Rameaux sur la radio communautaire du diocèse de Grand-Bassam.

« Je suis frappée de cécité depuis bientôt trois ans. Je ne démords pas lorsqu’il s’agit de vivre ma foi au moyen de la radio. Je ne vois, certes, pas les prêtres ou intervenants. Mais par la foi, je suis persuadée que leurs messages venant du Seigneur, atteindront les abymes du cœur de tout fidèle qui les écoute», confesse la mémé Djidjé.

Magloire Madjessou et Jacques Sibah (Stg)

PARTAGER