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Déguerpissement à Abidjan : « Les démolitions ont créé un choc émotionnel terrible au sein de la population. Je comprends ce choc », Bacongo Cissé

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Cissé Bacongo ministre gouverneur du District autonome d'Abidjan/Ph DR

C’est une première. Il rompt le silence. Cissé Bacongo a décidé de s’ouvrir dans le cadre d’un entretien à Fraternité Matin, depuis le début de l’opération de déguerpissement. Le ministre-gouverneur affiche sa détermination à agir pour le bien des populations, contre vents et marrées.

L’actualité sociale et principalement à Abidjan est marquée par le déguerpissement. On peut dire que vous n’y allez pas du dos de la cuillère et que vous y allez très vite. Pourquoi ?

Je ne sais pas si j’y vais autrement qu’avec le dos d’une cuillère mais en tout cas, j’ai bien noté mes attributions, les missions qui m’ont été assignées et je les ai déclinées depuis que je suis en fonction aux différents maires du District autonome d’Abidjan, de façon individuelle et à l’occasion des certaines rencontres que j’ai eues avec eux. Je leur ai fait savoir que la mission générique qui m’a été confiée par le Président de la République se décline en deux volets.

Le Président de la République m’a fait confiance en me nommant à ce poste. Je dois mériter sa confiance

Il s’agit d’abord de la lutte contre le désordre urbain ensuite, l’assainissement sur l’ensemble du territoire du District autonome d’Abidjan. Pour accomplir cette mission, je n’ai pas un délai particulier à observer et je n’ai pas une date à me fixer comme date fétiche. Je dois tout simplement me mettre au travail.

Pour ceux qui me connaissent, je ne me fais pas prier pour faire ce que j’ai à faire. Le Président de la République m’a fait confiance en me nommant à ce poste. Je dois mériter sa confiance. Il m’appartient de déployer mon intelligence, avec les hauts responsables de l’Etat pour faire le travail qui m’a été confié. Les déguerpissements ont créé un choc émotionnel terrible au sein de la population. Je comprends ce choc.

Et donc…

Tant qu’on est sûr et certain que ce qu’on fait contribue à l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations, c’est au résultat qu’on juge. Ce que nous avons fait, il fallait le faire. Nous avons commencé par l’autoroute. Vous convenez avec moi que l’entrée d’Abidjan du côté de Gesco n’est pas digne de la réputation de notre capitale économique.

On peut mettre deux heures d’horloge pour parcourir la distance entre Yamoussoukro et Gesco. Mais une fois à Gesco, on peut aussi mettre deux heures de route pour rallier la baie du Banco. Cela n’est pas acceptable. Par ailleurs, quand on rentre dans notre capitale, on a l’impression de rentrer dans un village. Et pourtant, il s’agit bien de la capitale économique de notre pays, cette ville qui a fait rêver le monde entier et l’Afrique en particulier, à la faveur de la récente Coupe d’Afrique des nations (Can 2023) qui s’est déroulée du 13 janvier au 11 février 2024.

Face à ce constat, il fallait commencer notre travail par l’autoroute du Nord, en faisant en sorte que cette voie importante qui mène dans certaines grandes villes du pays, soit dégagée de tout ce qui l’encombre, et qu’elle soit débarrassée de tout ce qui se trouve sur les emprises. En fin de compte, il faut faire en sorte que les normes relatives aux emprises, soient respectées.

Ce n’est pas tout

Ensuite, il y a deux autres sous-quartiers à Abidjan, dont tout le monde se plaint en permanence. Toutefois, personne n’ose le dire publiquement. Il s’agit de Boribana et de Banco 1, communément appelé Mossikro. Notamment, la partie située à Locodjoro et l’autre partie, en face de la station, au pied du Banco. A Abidjan, tout le monde a honte de ces deux endroits. Je dis bien honte ! En venant de Yamoussoukro, quand on fait son entrée à Abidjan et qu’on regarde ce quartier, véritablement, on a envie de voir autre chose.

Par ailleurs, lorsqu’on emprunte le boulevard en provenance de Sebroko et qu’on jette un coup d’œil à gauche, il y a le quartier Boribana. En langue Malinké, Boribana signifie «fin de parcours». En réalité, Boribana, comme son nom l’indique si bien, était la fin de course de tous les dealers, de tous les grands bandits et délinquants d’Abidjan. A Boribana, il se jouait, tout simplement, une tragédie humaine, au vu et au su de tout le monde, sans que personne ne lève le petit doigt.

C’était un endroit où il y avait des fumoirs à ciel ouvert, des lieux de prostitution, de cimetière à ciel ouvert, en pleine lagune. A ce niveau, les nouveaux nés qui, hélas, n’avaient pas eu la chance de voir le jour, ou perdaient la vie en couche, étaient carrément balancés dans l’eau.

Donc, ce quartier qui, de surcroit, se trouvent aujourd’hui sous le quatrième pont qui fait rêver tout le monde, se présente comme un contraste terrible.

Au surplus, les populations vivant dans cette localité (Boribana), propriétaires des espaces qu’elles occupaient, ont été, en grande majorité, dédommagées et relogées à Songon. Pis, ils mettent la vie de biens et de personnes en danger, en leur louant les maisons dont ils sont propriétaires dans ce quartier, alors qu’eux-mêmes sont bien logés dans la commune de Songon.

Et ça, tout le monde le sait, tout le monde en parle, tout le monde s’en plaint mais personne n’osait dire haut et fort ce qu’il fallait faire. Des mises en demeure ont été servies. Alors, je n’ai pas été nommé ministre gouverneur pour me tourner les pouces dans un bureau.

Il y a au total 176 sites que vous avez identifiés. Quel est le mode opératoire pour déguerpir les populations qui occupent ces sites à risque ?

Je voudrais faire quelques précisions. La liste de 176 sites a été élaborée bien avant que je sois nommé ministre gouverneur dans le cadre d’un comité mis en place par l’Etat de Côte d’Ivoire. Et dans ce comité se trouvent l’Onpci, Onad, les 13 communes, le District, la Sodexam, le ministère de la Solidarité, le ministère de la Sécurité etc.

Il ne s’agit pas de 176 quartiers précaires, il ne s’agit pas de 176 habitats précaires, il ne s’agit pas de 176 quartiers à éradiquer

Ce sont donc toutes ses entités qui se mettent au travail dans le cadre du plan Orsec, lequel est déclenché pendant les saisons des pluies. Il ne s’agit pas de 176 quartiers précaires, il ne s’agit pas de 176 habitats précaires, il ne s’agit pas de 176 quartiers à éradiquer, à démolir systématiquement. Il s’agit de 176 sites sur lesquels il y a des risques. Par exemple un bâtiment qui est construit sur un ouvrage public qui empêche l’eau pluvial de circuler, il peut s’agir de caniveaux qui n’ont pas les bonnes sections et conséquence, quand l’eau arrive à flot, elle ne peut pas circuler.

Que faut-il faire alors ?

Pour bien évacuer, drainer l’eau, il faut un caniveau qui a une profondeur d’au moins 100 mètres. Malheureusement, quand le fond de certains caniveaux ne fait pas plus de 20 mètres, cela pose problème. La conséquence de cette situation aboutit généralement à des inondations, d’autant que le flot de l’eau qui arrive ne peut être contenu dans les caniveaux. Pour sauver des vies face à ce genre de réalité, l’on a procédé à la démolition, si vous vous souvenez, de l’entreprise Orca Deco au niveau du carrefour de la Riviera 3. L’on a aussi détruit la clôture de la méga star, Alpha Blondy. Depuis que nous avons engagé des travaux d’aménagement de ces deux espaces, il n’y a plus de souci.

Un ouvrage construit pour drainer l’eau jusqu’à la lagune a donc permis de résoudre le problème d’inondation en ces lieux. Les sites à risques, je le dis et le répète, ne sont pas des quartiers et des habitats précaires à raser. Ce sont, en revanche, des sites sur lesquels, il y a un problème, un risque. C’est justement ce problème qui doit être attaqué et résolu. Il peut s’agir d’un immeuble, d’un bâtiment construit sur un domaine non autorisé.

Parlant du cas des sites d’Anono à détruire, une alerte a été donnée par le Curé Nobert Abekan. Qu’en est-il en réalité ?

C’est à dessein que j’ai pris l’exemple d’Anono. Lorsque j’ai vu la publication faite par cet homme de Dieu, je me suis dit comment on peut s’imaginer un seul instant qu’on puisse aller raser le village d’Anono. Pour mieux être situé, j’ai convoqué mes services pour voir si Anono était concerné par les sites à risques. On m’a répondu par l’affirmative, précisant toutefois que le risque portait sur la section d’un ouvrage qui n’était pas érigé dans les normes. Ce qui engendrait des inondations dans le périmètre de la Riviera Allabra.

Dans nos échanges, je lui ai fait comprendre que j’ai été surpris par sa publication. Mais que je comprenais sa réaction

Mais mes collaborateurs m’ont dit que depuis peu, ce problème avait été réglé. C’est ainsi que je suis allé voir le Curé Nobert Abékan qui a bien voulu me recevoir. La chefferie d’Anono a pris part à notre rencontre. Dans nos échanges, je lui ai fait comprendre que j’ai été surpris par sa publication. Mais que je comprenais sa réaction.

Cissé Bacongo ministre gouverneur du District autonome d’Abidjan/Ph DR

Je lui ai donc expliqué ce dont il s’agissait. Au terme de notre entretien, il a été rassuré par les arguments que nous lui avons présentés. Il nous a promis de vulgariser les informations reçues auprès de sa communauté afin de dissiper la peur dans l’esprit de ces hommes et femmes, à l’idée de la démolition de leur habitat. Nous nous sommes donc compris. Il n’y a plus de risque à Anono.

Vous dites travailler avec les municipalités. On a du mal à vous comprendre lorsqu’on voit la réaction de la mairie de Yopougon, se désolidarisant de l’action que vous avez menée dans ladite commune, notamment à Gesco.

Le gouverneur de District autonome d’Abidjan que je suis, de surcroît juriste, ne peut pas s’affranchir du respect de la loi et des textes réglementaires.

Les textes réglementaires disent qu’il y a trois types de voies. Les voies nationales ou d’intérêt national, les voies urbaines ou d’intérêt urbain et les voies communales ou d’intérêt communal. Les voies nationales relèvent du ministère de l’Equipement et de l’entretien routier, les voies urbaines relèvent du District autonome d’Abidjan et les voies communales relèvent des mairies.

La voie sur laquelle, il y a eu des réactions épidermiques, relève de la compétence du ministre gouverneur du District autonome d’Abidjan. Il s’agit de la voie presque nationale qui passe à l’arrière de l’École nationale de gendarmerie, en passant par l’arrière du camp d’Agban, jusqu’à l’autoroute du nord. Cette voie a une emprise de 100 mètres de chaque côté qui doit être respectée. L’autorité qui doit faire respecter cette emprise est le District autonome d’Abidjan, donc le ministre gouverneur.

C’est le travail que nous avons engagé, bien sûr qu’en pareille situation, nous travaillons tous pour le même objectif, pour les mêmes populations, le ministre gouverneur informe les autorités municipales qui peuvent être concernées par les actions qu’il mène. Mais, cela dit, le travail à faire sur cette voie relève du gouverneur du district. Et le gouverneur de district que je suis, a fait le travail qu’il a fait en son âme et conscience, conformément à la loi et aux textes en vigueur.

Les gens pensent que la politique c’est toujours suivre les mêmes paradigmes. Or, les paradigmes évoluent. Moi, je refuse de faire la politique avec des contre-vérités, des rêves irréalistes, avec la main sur le cœur quand on n’a plus de cœur. Je fais la politique en étant sincère d’abord avec moi-même et en étant sincère avec ceux et celles qui sont sous mon autorité. Alors, ce qui s’est passé à Yopougon a été fait conformément à la loi, conformément aux textes en vigueur et les réactions je les comprends, mais je ne les partage pas.

 Y a-t-il des dispositions prévues pour les populations qui sont déguerpies de ces zones ?

Si. Nous avons lors de la rencontre avec les députés de Yopougon, ici-même, dans ce bureau, évoqué cette situation et nous avons donné toutes les clarifications pour ne pas dire tous les éclaircissements. Nous avons également laissé cette lueur d’espoir à savoir que nous sommes en train de travailler à trouver un espace de dix hectares environ dans la zone de Songon, pour pouvoir reloger ou recaser ces populations, qui étaient malheureusement dans l’emprise de l’autoroute. Parce qu’il y en a qui se sont installées avec des complicités, ou par complaisance.

 Est-ce que ce sera ainsi pour les autres sites qui pourraient être détruits à grande échelle ?

J’ai bien dit tout à l’heure que les 176 sites à risque ne sont pas des sites à déguerpir, à démolir mais des sites sur lesquels se trouvent des obstacles

– Nous n’avons pas, je dis bien en vue de sites à déguerpir ou à démolir. J’ai bien dit tout à l’heure que les 176 sites à risque ne sont pas des sites à déguerpir, à démolir mais des sites sur lesquels se trouvent des obstacles qu’on va enlever. Donc des difficultés, des problèmes qu’on va résoudre.

Est-ce que vous être en train de dire qu’on n’aura pas de sites ou de points à traiter de l’envergure de Gesco ou Boribana ?

A Yopougon, il n’y a rien eu pratiquement. On a eu juste à nettoyer les emprises. Pour le reste, il n’y a pas de déguerpissement de quartier précaire, il n’y a pas de démolition d’habitation précaire, par contre si des caniveaux sont bouchés à des endroits parce que quelqu’un aurait construit une maison et que cela relève du District, cette bâtisse sera détruite.

En revanche à l’intérieur des communes, cela relève de la responsabilité des maires. Si un maire a laissé faire, a laissé s’installer des gens sur un espace public, un espace réservé à une école, un espace de détente, etc., c’est sa responsabilité. Le District n’a rien à avoir dans ce qui se passe à l’intérieur des communes.

Sur les 176 sites, est ce qu’il y en a qui relèvent directement des mairies pour lesquels vous n’aurez pas d’intervention ?

Anono par exemple se trouve, certes, dans le district d’Abidjan mais relève de la commune de Cocody. Il va falloir que le maire prenne ses responsabilités.

Si ce n’est pas le cas, allez-vous intervenir ?

 Lors de la rencontre que nous avons eue avec l’Office national de la protection civile (Onpc), une question s’est posée. Le fait que les sites identifiés comme sites à risques ne sont pas traités parce que les autorités municipales qui en ont la responsabilité, ne prennent pas d’initiatives.

Le District ne peut pas se substituer à ces autorités, d’où l’importance de ce que nous avons arrêté au cours de notre rencontre. Les maires et le District sont d’accord pour la mise en place d’un cadre permanent de discussion. Nous allons nous réunir de façon périodique pour évoquer les différents cas. Lorsqu’il y a des problèmes qui surviennent ou des difficultés qu’ils ne peuvent affronter pour ne pas se mettre à dos leur électorat, on peut s’accorder sur le mode opératoire et la façon d’agir. Si c’est le gouverneur qui agit alors ce sera sous mandat des maires. Si nous conjuguons nos efforts, on parviendra à un jeu de rôle.

Quel est l’avenir des sites dégagés. A quoi faut-il s’attendre ?

Laissons-nous d’abord retrouver nos esprits. Le choc des émotions suscité fait qu’il nous faut respirer juste un peu. Mais, rassurez-vous, comme nous l’avons fait ailleurs pour ne pas dire à Koumassi, les sites seront aménagés en conformité avec le but ultime de notre mission qui est de faire en sorte que les populations vivent bien mieux. Nous avons déjà des idées précises de ce qu’il y a à faire. Nous attendons de gérer complètement la situation actuelle et vous allez voir tous les projets d’aménagement qui sont prévus.

Cissé Bacongo, candidat Rhdp à Koumassi/Ph Credochristi

A quand la fin de cette opération ?

Pour ce que nous avions prévu, nous sommes au bout de l’opération. Il ne nous reste plus qu’à nettoyer les voies, enlever les gravats etc. et à apprêter les sites à recevoir les aménagements prévus.

Il y a quand même 77 sites critiques, les concernant, l’opération prendra fin quand ?

 Les 77 sites à risque, en situation critique ne sont pas des sites à raser. Ce ne sont pas des sites à déguerpir systématiquement. Ce qui constitue le risque là-bas c’est soit un bâtiment qui est construit là où il ne doit pas être construit.

Peut-on dire donc que le gros œuvre est achevé ?

Le gros œuvre est terminé. Là où les populations meurent à l’insu de tout le monde et par dizaine, il fallait mettre fin à cette hécatombe

Oui si on peut le dire ainsi. Le gros œuvre est terminé. Là où les populations meurent à l’insu de tout le monde et par dizaine, il fallait mettre fin à cette hécatombe. Mossikro a été traité, tout comme Banco 2. Boribana a été traité. Nous avons libéré les emprises de l’autoroute du côté de la Gesco, maintenant il reste à aménager. Cet aménagement se fera dans les semaines ou les mois à venir.

Au regard de tout ce qui se passe, beaucoup de personnes se disent que vous êtes en train de mener à une échelle plus grande ce que vous avez réussi à Koumassi en faisant de cette commune, l’une des plus enviées par les institutions internationales comme modèle de développement local. Qu’en pensez-vous ?

Je vous dirai tout simplement qu’on ne peut pas récolter sans avoir semé. Ce que nous avons fait à Koumassi nous a valu les trophées dont le prix d’excellence. Ce travail lorsque nous l’avons commencé, nous avons essuyé les volées de bois verts, comme maintenant. Nous étions à la une de tous les journaux, nous étions traités de tout. A la limite, on trouvait que nous étions des abrutis, qui ne comprenons rien du tout.

Aujourd’hui, après que nous avons fini de faire tout ce que nous avions prévu pour nettoyer la commune et la débarrasser de tout ce qui faisait d’elle un Koumassi Pôtô pôtô, de tout ce qui lui donnait la réputation qu’on lui reconnaissait, nous avons entrepris l’aménagement et nous avons obtenu tous ces prix.

Pour ce qui concerne le district, il faut donner une image digne de son rang. C’est la capitale économique de notre pays. Après ce que nous avons vu à la faveur de la Can, les images qui ont circulé sur le pont à haubans Alassane Ouattara, sur le 4e pont, nous ne pouvons pas continuer à s’accommoder avec un certain nombre de choses qui pouvaient constituer un grave contraste.

Nous faisons ce que nous faisons avec détermination. Avec une conscience aigüe du devoir bien accompli. La suite vous verrez ! Les mêmes qui nous maudissent aujourd’hui nous béniront demain, parce qu’ils seront fiers de ce qui sera fait, j’en suis sûr.

Vous avez été nommé le 16 décembre par le Président de la République. Cela fait un peu plus de deux mois. Comment vous projetez le District d’Abidjan ?

J’ai dit aux maires que j’ai horreur de certaines choses. Les commerçants ambulants, les mendiants…Il faut une capitale qui soit débarrassée de ce que j’appelle « fléaux ». Nous respectons la dignité des mendiants. Mais, dans aucun des livres saints, il n’est dit que la mendicité constitue une activité à mener. Ces mendiants que vous voyez détiennent des cartes professionnelles sur lesquelles c’est écrit « profession mendiant ».

J’ai les preuves, car j’ai vu des cartes à Koumassi. C’est pourquoi à Koumassi, il n’y a pas de mendiants. J’ai dit également à nos frères, parents, amis qui disposent des charrettes (pousse-pousse) que j’ai beaucoup de respect pour leur dignité, pour ce qu’ils représentent dans notre société, mais je pense qu’en 2024, nous pouvons trouver une alternative à ce mode de transport de marchandises.

Il faut quand même, dans le District d’Abidjan, qu’il y ait des jardins, des parcs. Et que ce ne soit pas seulement une affaire du Plateau. Où on a des lieux brillants qui sont devenus d’ailleurs des lieux de déambulation. Il faut donc restaurer ces deux parcs et en faire des lieux de vie où chacun de nous peut aller se reposer à ses heures perdues. Ce sont des choses que nous avons initiées à Koumassi. Nous avons réalisé un jardin à la Sicogi, parce que tout simplement ce sont des maisons qui ont été construites sans beaucoup de confort, pour des populations d’un certain niveau et malheureusement qui manquaient de tout.

Nous avons fait des aires de jeux un peu partout à Koumassi

La journée, on étouffe. Les enfants font des enfants dans les maisons des parents. Conséquence, à un moment donné, les maisons n’arrivent plus à contenir toute cette population. Sur cette base, on a réfléchi qu’il faut faire des jardins où les populations peuvent venir se retrouver prendre de l’air la journée comme la nuit. Nous avons fait des aires de jeux un peu partout à Koumassi.

C’est ce rêve que nous voulons étendre sur le territoire du District d’Abidjan. A Koumassi, nous avons des terrains avec tribunes et vestiaires. Avec les maires, j’ai dit qu’il m’arrive de faire des promenades sociologiques, juste pour voir ce qui se passe dehors. J’en ai fait un jour à Port-Bouët, j’ai pu comptabiliser cent sept personnes en train d’uriner en pleine rue. Mais c’est très loin d’être rigolo, de trouver des pères de famille à ces lieux. Heureusement, que nos mamans le font à des endroits plus conventionnels. D’où la nécessité de construire des toilettes publiques un peu partout dans le District. A Koumassi, nous en avons réalisé une trentaine.

Je rêve d’en avoir plus dans chacune des communes du district autonome d’Abidjan. Quant aux marchés, précisément des marchés de proximité, nos mamans, nos sœurs et nos filles sont dans les rues partout avec des bâches noires qui enlaidissent nos communes. Nous, à Koumassi, on a construit un marché au quartier 05, appelé Yoraud Narcisse. Nos sœurs, nos filles vendent les lingeries en ce lieu bien aménagé. Elles font des manucures et pédicures et autres soins de beauté. Des femmes vendent aussi du vivrier.

Ce sont des marchés thématiques ?

Des marchés de proximité que nous avons construits. L’objectif était de sortir ces femmes de la précarité. Nous rêvons de voir ces marchés de ce genre dans les communes d’Abidjan. Nous avons aussi des rêves pour les troisièmes âges. Le jour où vous allez à la retraite, vous avez l’impression que c’est le début de la fin de votre vie. Or la retraite, c’est le début de la vie, une vraie vie. Le moment est venu de profiter de la vie. À Koumassi, nous avons organisé des foyers pour que les personnes du troisième âge se retrouvent afin d’échanger les souvenirs récents.

Parmi eux, on retrouve des ingénieurs, des juristes, des philosophes, des enseignants… Quand il n’y a pas de foyers, ils n’arrivent pas à partager leurs expériences. Les intellectuels sont comme des œuvres d’art. Plus, ils vieillissent, plus ils deviennent précieux. Avec ces foyers, on a réussi à les mettre ensemble afin de bénéficier de leur science. Voilà les rêves que nous avons pour le district d’Abidjan. Dans les mois qui arrivent, tout va se mettre en route. Nous mènerons ces actions avec les maires. On fera toutes ces actions avec l’implication de tous.

Source : Fraternité Matin

N.B: Le titre est de la rédaction

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