Nicodème Esbey Attoubou est prêtre catholique du diocèse de Yopougon depuis 11 ans. Il vit en Europe, précisément en Bretagne, où il est Administrateur de la paroisse Saint Luc de Bretagne dans le diocèse de Nantes (France). Docteur en Théologie morale et écrivain depuis presque 4 ans, Nicodème Esbey Attoubou aborde des thématiques telles que la drogue, la famille, la paix dans ses livres.
Depuis 2019, vous écrivez des œuvres littéraires et spirituelles. Qu’est-ce qui vous motive à écrire tant de livres pour le public ?
J’ai décidé donc de me lancer dans l’écriture pour la simple raison que je voulais partager un certain nombre de convictions, de savoirs au peuple de Dieu, aux hommes de bonnes volontés. J’ai écrit un roman, après d’autres. J’ai eu envie, chaque année, de publier des œuvres selon mon inspiration. Chaque fois, j’ai des intuitions, et avec l’aide de Dieu. Avec des thèmes diversifiés sur lesquels j’écris.
Dans vos livres, vous abordez le coté spirituel et non spirituel. Concernant le spirituel, est-ce vos homélies de vos célébrations dominicales que vous retracez dans votre livre…
On peut donc distinguer mes écrits d’une part spirituelle et une part réflexive, intellectuelle et scientifique. C’est en tant que prêtre, j’écris ces bouquins, ça participe aussi de ma foi. Ce qui est de recueil des homélies, c’est un condensé de mes homélies sur 10 ans de ministère ; c’est ce que les uns et les autres ont pu percevoir.
Comment cela est venu ? Certains paroissiens me demandaient, père puis-je avoir votre homélie, après la messe ? Je leur disais que je n’étais prêt de le faire parce qu’une homélie, elle est toujours en construction.
A la faveur de mes 10 ans de sacerdoce, j’ai trouvé le moment de le faire. J’ai voulu partager cette expérience avec le peuple de Dieu. Après 10 ans d’expérience, j’ai donc proposé les années A et B de ces homélies dans un écrit.
Dites-nous ce que vos fidèles ont pu percevoir dans vos homélies ?
Je pourrai dire que j’ai parlé toujours avec mon cœur
Je pourrai dire que j’ai parlé toujours avec mon cœur. Mes textes et propos les rejoignaient. Ils voulaient toujours avoir mes textes pour les approfondir. Je ne saurai expliquer qu’est-ce qui les marqués. Mais je sais qu’il y a eu des échanges : le cœur du prêtre que je suis et les laïcs qu’ils sont.
Alors quelles sont les thématiques que vous abordiez dans vos homélies, qui pourraient les intéresser au point de réclamer vos homélies ?
Selon mon professeur d’homélitique, qui est le père Raymond Koutouan du diocèse d’Abidjan, qui disait que l’homélie doit être fidèle au texte. Je lis le passage, et par celui-ci, j’essaie de me construire. La particularité de mes homélies est la fidélité au texte du jour, le contexte d’émergence de ces textes et une explication du texte du jour, qui nécessite une actualisation.
Quand je finis d’expliquer, je donne des pistes et je formule une prière, qui puisse aider les chrétiens à avancer sur les questions ou des difficultés qu’ils rencontrent jour après jour.
Quelles sont les thématiques que vous abordiez dans vos homélies ?
C’est toute la difficulté. Comme je vous l’ai dit, en fonction du texte, il y a une thématique qui s’en dégage. Par exemple, selon le texte lu, il y a la question de la foi, la prière, de l’espérance etc. Des thèmes phares du chrétien et de l’Eglise. Il y a aussi des thèmes en rapport avec la société de l’évangile de Matthieu. Par exemple, si je tombe sur une lecture, sel et lumière, c’est de dire comment les chrétiens et ce que les textes me disent que je ferai.
Un de vos romans intitulés, « le Trésor de la vie » dans lequel vous soulignez les ressorts et les subtilités de la famille. Une explication à ce niveau.
C’est mon premier livre. C’est un roman qui a voulu mettre un point focal sur la famille. Du point de vue chrétien, il s’agissait de retracer la vie quotidienne d’une famille aussi bien dans les difficultés que dans les moments de joie. Dans cette famille, il y a un personnage phare qui est Samuel, intelligent, a perdu son père. Il a voulu donc noyé son chagrin et cela l’a perdu sur le chemin de la perdition.
Je rappelle dans ce roman que la famille est le trésor de la vie de chacun
Il a consommé la drogue etc. Malgré cela, sa mère était à ses chevets. Malgré ce chemin d’égarement, à la fin de l’histoire, il revient à de meilleurs sentiments, en voulant devenir prêtre par exemple.
Je rappelle dans ce roman que la famille est le trésor de la vie de chacun. Il y a des ressources et des ressorts pour aller de l’avant.
En Côte d’Ivoire, depuis un certain moment, des familles sont disloquées par la faute de leurs enfants. Ceux-là consomment la drogue, l’alcool etc. Est-ce que votre ouvrage traite aussi des cas-là, qui pourrait aider ces familles à surmonter ces difficultés ?
Effectivement, à travers ce roman, c’est un plaidoyer que je fais pour la consolidation des familles. Dans une famille, on a tout. On a des familles, où il y a des enfants qui s’adonnent à l’alcool etc. Il revient donc aux familles de les aider à revenir sur le droit chemin. Pour que ces enfants, jeunes, qui traversent des difficultés puissent préserver l’unité, il leur faut vraiment un amour fort. C’est l’amour qui peut aider. C’est un peu ce que j’ai relaté dans ce roman.
Dans une autre œuvre, vous abordiez un thème qui est « l’amour par-delà des barrières ». Est-ce une allusion qui est faite à l’éducation nationale par l’entremise de l’enseignant ou que voulez-vous évoquer ?
D’abord, je veux mettre, en avant l’amour des enfants pour l’enseignement
Ce roman intitulé « L’amour par-delà les barrières » parle d’un amour qui embrasse plusieurs dimensions. D’abord, je veux mettre, en avant l’amour des enfants pour l’enseignement. Comme vous le saviez, de plus en plus, d’aucuns disent que le milieu des enseignants, c’est à défaut qu’ils enseignement. C’est de former les jeunes et leur permettre de se réaliser, de devenir des responsables demain.
Mon personnage Onésime dans ce roman, c’est un homme, qui avait la possibilité de faire d’autres études mais par l’amour de l’enseignement, il s’est consacré à la formation des enfants de la nation. Deuxièmement, l’amour pour le Christ. En allant dans cet univers qu’il découvrait, il a voulu être lui-même chrétien et vivre au milieu de ses frères.
Ainsi, il va se battre pour qu’il ait une chapelle, plus tard une église. L’amour pour le Christ l’a emmené à négocier et ainsi l’amour pour une tierce personne, qui sera donc son épouse à la fin. C’est la fille de l’imam, qu’il avait rencontré, qui se trouve être cette enseignante catholique.
En Côte d’Ivoire, depuis un certain nombre d’années, le niveau scolaire a pris un coup. A travers cette œuvre littéraire, est-ce des pistes que vous proposez à l’enseignant ou à l’éducation nationale ?
Ce livre je l’ai écrit, pour que depuis la classe de 6è, on puisse le parcourir. Le style est fait pour cela. Mais en même temps, c’est de rappeler que les enseignants, d’aujourd’hui, ont un très grand devoir. Ils doivent approfondir leur vocation, tout ce qu’ils font comme enseignements, éducation auprès de ces enfants, c’est d’investir dans leur avenir.
Au niveau de l’éducation nationale, c’est de trouver des voies et moyens ou améliorer le cadre de vie des enseignants, qui sont des ces localités reculées. Leur donner les moyens de pouvoir se réaliser et inculquer donc un savoir et savoir-être à ces enfants. Ce sont les fils de la nation, ils sont appelés à prendre les reines demain, s’ils sont bien formés. Je pense que ce serai bien, demain, pour le pays.
En quelle année est paru ce livre ?
Il est paru en 2022 aux Editions Harmattan.
Le niveau scolaire a baissé depuis des années comme je l’ai souligné. La fraude, la tricherie est devenue la nouvelle gangrène du pays.
Comme on le dit dans notre jargon, les évangiles le disent. Les grands chemins sont donc des perditions. Si jamais, aujourd’hui, beaucoup éprouvent la facilité, c’est parce qu’il y a une démission. Je pense que c’est un travail anthropologique, comme il a été constitué à travers la culture. Qu’est-ce qu’on sert aux hommes d’aujourd’hui ? C’est la formation, l’éducation qui fait qu’on peut prendre les décisions etc. Pour moi, il y a un vrai travail à faire dans les familles.
Je pense que nous devons dénoncer toutes ces tracasseries, campagnes qui pullulent autour de la tricherie. Si on triche pour…
C’est la culture de l’excellence. En tant que chrétien, prêtre on peut donc cultiver la vérité, le travail bien fait. Je pense que nous devons dénoncer toutes ces tracasseries, campagnes qui pullulent autour de la tricherie. Si on triche pour avoir des notes, demain, pendant qu’on travaille pour être médecin, professeur, on devient un danger pour la société. Chacun doit tenir compte des dangers que nous encourons à travers ces pratiques.
Dans l’église, et particulièrement dans la théologie morale, il y a les structures de péchés. Cette thématique rappelle lorsqu’il y a un ensemble de faits. Cela se transforme en nébuleuse. Aujourd’hui, il y a des structures de péchés, qui font qu’on conçoit des choses, on encourage les enfants à tricher ou faciliter l’acquisition des diplômes. Ce n‘est pas possible !
Il y a aussi un de vos livres dans lequel vous abordiez, « la cryptocratie du flux migratoire ». Vous évoquiez l’immigration africaine en Occident. Quelles sont vos solutions pour endiguer ce mal en Afrique ?
Effectivement, ce livre est un cri de cœur vis-à-vis des drames humains qu’on enregistre, chaque jour, semaines, mois des cascades de morts dans la Méditerranée. Ces jeunes, hommes, femmes, qui veulent regagner donc ce continent. Dans ce livre, je ne suis pas naïf. C’est pour une prise de conscience de ce phénomène, qui nécessite un travail de collaboration. Je pense donc il faut une collaboration au niveau de pays riches et pauvres. Parce qu’il y a ce qu’on appelle une transhumance, un départ des pays pauvres vers les pays riches.
Ceux qui partent, ils ont des raisons de le faire, mais une fois arrivé, est-ce qu’ils sont accueillis ? Ils sont ballotés entre les deux. C’est pourquoi, ils doivent avoir un travail. Cela doit se faire autour des discussions, de dialogue afin de trouver des solutions.
Les Africains seuls ne peuvent pas trouver des solutions pareilles aussi pour les Occidentaux. Quels que soient les barrières qui seront dressées. Dans mon bouquin, à la fin, je donne des pistes et d’aucuns parleraient donc d’un programme de gouvernement mais pour moi, il y a 4 défis à relever vis-à-vis de ce phénomène.
Selon vous, quels sont les défis à relever ?
Il y a aussi un autre aspect, qu’est l’alternance démocratique. Parce que c’est le nid de l’instabilité entre les pays pauvres et le dernier, l’éducation à la paix
Il y a la lutte contre la corruption, parce que si le développement n’est pas de mise, c’est parce que les aides sont souvent dilapidées. Le deuxième phénomène concerne la réconciliation. Il y a tellement d’inimités entre les peuples. Il y a des guerres, des conflits et cela poussent les populations à aller ailleurs. Il y a aussi un autre aspect, qu’est l’alternance démocratique. Parce que c’est le nid de l’instabilité entre les pays pauvres et le dernier, l’éducation à la paix. C’est à dire enseigner, inviter les uns et les autres à être des artisans de paix. Et quand on dit on veut la paix, c’est la paix avec soi-même, avec les autres et c’est une paix qui nous est offerte par Dieu.
Vous parlez de la paix. Le 2 septembre prochain aura lieu les élections locales en Côte d’Ivoire. Certains partis politiques pensent qu’il faut repousser les élections, d’autres estiment que la Commission électorale indépendante (Cei) n’est pas digne d’organiser ces élections. Quel est votre avis sur le sujet ?
De vous à moi, je ne suis pas dans le pays. Je ne maitrise pas trop ce qui se passe. Pour moi, il s’agit de respecter les textes. Dans l’Eglise pour aller à la paix, il y a ce qu’on appelle les 4 piliers de la paix : la vérité, la liberté ; l’amour et la justice. Effectivement pour qu’il n’y est pas de contestations, de cycle infernal, il faut donc intégrer ces 4 thèmes. Ce que je peux donc dire, c’est ce que dit l’Eglise. C’est aussi bien de se référer de ce que nos pères évêques et archevêques viennent de proposer comme pistes de route pour une réconciliation et une paix durable en Côte d’Ivoire.
Vous évoquiez une collaboration entre les pays pauvres et riches pour endiguer ce phénomène qu’est l’immigration clandestine. Il y a là toute une batterie qui est faite pour éviter de part et d’autres des problèmes. Vous, en tant que prêtre et intellectuel, est-ce que cette collaboration sera possible un jour ?
Pour moi, c’est mon espérance. Aujourd’hui, quand un pays acquiert une forme de reconnaissance internationale, dans les rapports bilatéraux et multilatéraux etc, on est tous solidaires des problématiques internationales. J’ose croire que ça se fera. Jadis, il y a eu donc des rêves, qui étaient portés par des personnes. Il faut débuter et petit à petit, cela va prendre. Aujourd’hui, on parle de l’Europe des 28. Comme on le dit, il ne faudrait pas faire les choses expéditives.
J’ose croire que ça se fera
Avec le temps, les gens comprendront plus tard. A ce niveau, il y a des Ong, des organisations qui travaillent à cela et il ne faudrait pas nier ce souci. Au niveau des Etats, il n’y a pas encore un travail qui est fait à grande échelle. Je pense qu’il faut saluer, encourager et espérer qu’un jour ça puisse être une réalité au niveau des Etats.
« L’amour par-delà des barrières ; la cryptocratie du flux migratoire ; Trésor d’une vie ». Toutes ces œuvres que vous présentez, qu’est-ce que vous attendez des Ivoiriens et Africains en général ?
Je les invite à les acheter, lire et à nourrir des réflexions autour. Une œuvre littéraire est un patrimoine de l’humanité. Je dirai, j’ai rempli ma part. J’apporte ma vision, qui est d’ailleurs discutable. Je n’aimerai pas que cette œuvre reste dans les bibliothèques, mais elle doit être lue, travaillée et faire le chemin. En tout cas, c’est ce que j’espère.
Réalisé par Magloire Madjessou