Le quartier Bramakoté de la commune d’Attecoubé de nouveau sous la furia des machines. Objectif : détruire toute habitation de plus de 160 familles et permettre la réalisation du 4e pont devant relié Plateau-Adjamé-Attecoubé et Yopougon. Une opération qui suscite déjà des grincements de dents des riverains.
Il est 10h 25 mn. Nous sommes à Bramakoté, un quartier précaire de la commune d’Attecoubé, ce mercredi 8 juillet 2020. Une foule compacte composée d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants assistent avec impuissance à la démolition de leurs logis, magasins et autres lieux.
Cette opération de déguerpissement créé une situation inhabituelle sur la voie. Les véhicules et usagers de la route arrivent à se frayer difficilement le chemin pour accéder à une autre voie. Heureusement que l’action des forces de l’ordre permet d’assurer leur sécurité dans les environs.
- Apparemment, cette adolescente est une riveraine en détresse, qui a vu son domicile familial devenu vite un détritus, en moins d’une dizaine de minutes.
Une adolescente, vêtue dans une tenue de confession islamique est en pleurs. Ses camarades autour d’elle, la console, la conseille, apaise sa douleur, son émotion. Apparemment, cette adolescente est une riveraine en détresse, qui a vu son domicile familial devenu vite un détritus, en moins d’une dizaine de minutes. Il est évident qu’elle et ses parents dorment à la belle étoile. A défaut d’avoir un toit ou d’être recueillis par une personne charitable. En ces temps de la Covid-19, où le risque de contamination est perceptible et grandissant, surtout si des déguerpis doivent dormir en des endroits inappropriés et insalubres.
Les précisions de l’Ageroute
L’opération de déguerpissement pour certains acteurs n’a pas été brusque. Les populations ont été au préalable informées et sensibilisées sur l’action de déguerpissement en cours. A cet effet, l’Agence de gestion des routes (Ageroute) rassure que les propriétaires et locataires ont été indemnisés pour cette opération de déguerpissement, afin de démarrer les travaux du 4e pont.
« Pour cette action de démolition, nous n’avons pas été confrontés à des heurts de la part des populations puisqu’elles ont été au préalable sensibilisées et par la suite indemnisées. Les indemnités des propriétaires résidents ont été en espèce ou en nature. C’est-à-dire qu’ils ont fait un choix. Soit l’indemnité est en espèce ou bien le résident choisi d’être relogé temporairement par l’Etat. Il y a des logements qui sont présentement en cours de construction à Anyama et à Songon, où ils seront relogés plus tard », a expliqué Diarra Arouna, ingénieur à l’Ageroute.
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Un groupe résident est totalement mécontent puisque n’a pas été dédommagé comme promis par le gouvernement. D’autres prétextent qu’ils n’ont pas été informés de l’opération de déguerpissement à temps. « Il y a un côté de ce quartier qui a été dédommagé et un autre pas encore. Mais à notre grande surprise, la partie qui n’a pas été dédommagée est aussi l’objet de cette brusque démolition », a déploré Sow, Secrétaire de la prédication de l’école confessionnelle islamique Nour Al Yaghine.
Des institutions de formation religieuses et mosquées ont été détruites à la grande surprise des autorités islamiques. « Nous n’avons pas été véritablement prévenus de l’opération de déguerpissement. Nous avons une école reconnue par le gouvernement et voilà que les bâtiments de l’école sont en train d’être détruits. Or, l’école n’a pas encore fermé ses portes et nous avons des élèves candidats à l’examen du Cepe, confie le Secrétaire de la prédication de l’école confessionnelle. La mosquée également n’a pas été dédommagée et est aussi en destruction. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas reçu de dédommagement qui nous cause un pincement au cœur, mais c’est le fait que nous ne soyons pas avertis le plus tôt possible ».
Pour certains résidents, ils ont été informés et sensibilisés de l’opération de déguerpissement. « Nous avons reçu l’information de déguerpissement du Secrétaire général de la préfecture d’Abidjan, qui demandait que les riverains prennent des précautions. Il semblerait que l’information n’est pas vite parvenue aux propriétaires de maisons, au point qu’ils n’avaient pas encore perçu leur dédommagement. Me concernant, par exemple, jusque-là, je n’ai pas encore perçu mon dédommagement », fait savoir Konaté Siaka.
Pour lui, son bâtiment a été épargné pour l’instant. « Aussi, avons-nous été informés que l’Etat va reloger les riverains qui sont victimes du projet de construction du quatrième pont mais présentement, nous n’avons pas perçu une action concrète de l’Etat qui nous rassure quant à nos relogements », poursuit-il.
La construction du quatrième pont n’est pas une fiction mais un projet en cours de réalisation qui va de pair avec de grandes opérations de déguerpissements, avec son cortège de mécontentements et de soucis.
30 mois pour construire ce pont qu coûtera 142 milliards de francs Cfa. 31 milliards de Cfa pour l’indemnisation des populations d’Adjamé, Attécoubé et de Yopougon.
Jacques Sibah (Stg)