Mort dans des conditions non élucidées après trois mois et quelques jours, précisément le 24 avril, Richard Bilé, prêtre du diocèse de Grand-Bassam, dont sa mort reste à ce jour un mystère, une énigme. Dans cette lettre ouverte d’un laïc catholique à Mgr Raymond Ahoua, évêque du diocèse de Grand-Bassam, il lui demande de lever le voile, en publiant le rapport de l’enquête.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise catholique de Côte d’Ivoire, un prêtre se suicide. Il s’agit du père Richard Bilé, prêtre en service à la paroisse Saint François d’Assise d’Affiénou (Maferé) dans le diocèse de Grand-Bassam. Le mercredi 24 avril 2019, l’Office diocésain de la communication annonce par un media catholique Radio Espoir, la mort par pendaison du père Richard Bilé, expliquant que celle-ci est liée à une accusation de pédophilie. Poursuivant, père Lambert Lath Yedo, dans le même communiqué, avait indiqué l’ouverture d’une enquête de la police pour situer les causes exactes du décès du père vicaire d’Affiénou. Cela fait exactement trois mois quelques jours que le peuple de Dieu attend en vain les conclusions de l’enquête comme annoncée et promise par la curie diocésaine de Grand-Bassam.
Des supputations et rumeurs des plus folles et accusatrices sont répandues sur les réseaux sociaux, parfois alimentant les débats et causeries entre prêtres et laïcs. Des non chrétiens s’y invitent quelquefois en jetant un discrédit le moins surprenant mais (aussi justifié) sur notre Eglise. Des fidèles catholiques, qui après la mort lamentable et infâme d’un prêtre et contraire à la foi, s’interrogent sur l’enquête promise par le diocèse. Qu’est-ce qui se passe après quatre mois ? L’Eglise de Grand-Bassam a-t-elle bloqué l’enquête, et si oui, pour quelles raisons ? Où n’est-elle pas encore en possession de l’enquête de la police ?
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Le suicide brandit par l’église est-ce un vernis pour dissimuler la vérité d’un assassinat ou meurtre programmé contre un homme de Dieu ? Pourquoi l’église et son premier responsable se taisent sur un suicide d’un prêtre, qui faut-il le dire haut, gravissime au point de la morale et de l’entendement humain, surtout d’un homme de Dieu) bien qu’étant lié à l’église et rattaché premièrement à sa famille biologique ?
Mgr Ahoua, vous êtes notre fardeau !
Excellence, dans votre diocèse, vos collaborateurs prêtres vous considèrent comme étant un homme intègre, intransigeant et courageux dans la prise des décisions de la vie pastorale. Ils vous décrivent généreusement parce que vous incarnez ces valeurs mais aussi vous êtes éduqué et façonné depuis longtemps à un système anglo-saxon. Depuis que vous avez été nommé évêque, vous avez chamboulé la marche pastorale du diocèse, en nommant des vicaires curés et des curés devenus des vicaires cohabitant et travaillant pour l’œuvre de Dieu. Ce qui fait de vous un homme à cheval entre une éducation française et anglaise. D’ailleurs, votre attitude de pasteur le démontre si bien. Les fidèles qui vous connaissent bien depuis des années, pour avoir succédé à Mgr Paul Dacoury-Tabley, il y a peu près neuf ans, n’en doutent guère.
En écrivant ces douloureuses, dramatiques et ignominieuses pages qui ont vu verser sur l’autel de la foi et de la vérité la tragique mort du père Bilé, la famille du défunt voudrait aussi comprendre les mobiles de ce suicide de leur fils…mais aussi les Ivoiriens.
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Excellence, il y a trois mois et quelques jours, le père Richard Bilé est mort par pendaison. L’avez-vous inhumé sans faire de funérailles et sans informer sa famille, le peuple de Dieu, afin que nous nous joignions modestement à ce recueillement douloureux ? Où se trouve sa dépouille ? Dites-nous ! Excellence !
Excellence, vous êtes un pasteur de la vérité évangélique. Vous ne pouvez pas vous taire sur un suicide qui a défrayé la chronique et créer un choc énorme pendant l’Octave pascal à toute la Côte d’Ivoire voire le reste du monde.
Excellence, trop de commentaires ont été dits au lendemain de la mort de votre collaborateur. Entre autres, un détournement de fonds estimé à des milliards de Francs Cfa pour la construction de la future cathédrale du Saint Esprit de Grand-Bassam ; une difficile relation avec ses autres confrères sur la vie en communauté, un prêtre qui dénonçait l’injustice pour rétablir selon les préceptes de Dieu la vérité dans la société, etc. Etaient-ils les véritables mobiles de son assassinat programmé, là où certaines langues se délient, en écartant la liste d’un suicide n’épousant pas totalement les signes visibles de ce genre d’acte ? Alors que le diocèse évoque un acte de suicide qui serait à l’origine de cette pendaison.
Ce que l’Eglise dit sur le suicide
Excellence, pendant combien de temps, comptez-vous gérer cette affaire grave de suicide, dont on ignore les causes exactes aujourd’hui ? Il n’y a pas longtemps, un journal de la place avait titré à sa Une : Suicide du père Bilé, le Vatican exige une autopsie avant son inhumation. Cet article de journal avait semé le trouble dans l’esprit du clergé au point que le père Lath Lambert a fait une mise au point dans un média catholique. Celui-ci avait promis, les jours suivants de situer l’opinion et l’Eglise sur l’enquête ouverte. Rien n’y fit à ce jour.
Excellence, je ne vous apprends rien. Le suicide est interdit par l’Eglise catholique. En effet, le Catéchisme de l’Eglise catholique fait remarquer (Cf 2.325) : « Le suicide est gravement contraire à la justice, à l’espérance, et la charité. Il est interdit par le cinquième commandement ». Toujours selon le Catéchisme « le suicide est contraire à l’amour de Dieu ». A propos d’une personne qui a attenté à sa vie, l’Eglise affirme qu’il faut lui accorder des prières et célébrer ses obsèques. Car selon le catéchisme 2 283, « on ne doit pas désespérer du Salut éternel des personnes qui se sont données la mort. Dieu peut les ménager par les voies que lui seul connait… ».
Excellence, dits-nous, où en est l’enquête sur le suicide du père Richard Bilé ? En décidant de publier les résultats de cette enquête de la police, certainement en votre possession depuis des mois, vous vous libérez d’un énorme fardeau et vous le faites aussi pour la famille et chrétiens catholiques.
Excellence, vous avez une grande responsabilité dans cette affaire du suicide du père Richard Bilé, celle de rendre public l’enquête pour que les cœurs meurtris s’apaisent pour toujours mais que pareille situation ne se reproduise plus dans le diocèse ni ailleurs.
Excellence, la Côte d’Ivoire et le monde vous regarde. Ils vous observent depuis trois mois, avec amour, justice et vérité. Des valeurs enseignées par la Mère Eglise, puisse vous pénétrer et faire porter en vous, la responsabilité d’éclairer tous les Ivoiriens et les fidèles catholiques. Ces derniers, tout comme vous, portent en eux un fardeau très pesant, dont ils ne peuvent pas se décharger ou se débarrasser tant que vous vous refuserez de publier le rapport de l’enquête de police.
Yves Charles YAO
Un fidèle laïc