La Plateforme des organisations et syndicats des enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire (Posec-Ci) organise une Assemblée générale des enseignants à l’université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan. Cette assemblée est prévue, ce mercredi 29 mars 2023. Les responsables des 6 syndicats de la Posec-Ci veulent se faire entendre sur les différentes revendications.
Le 29 mars 2023 aura lieu l’Assemblée générale de votre organisation, Posec-CI. Au cours de cette assemblée, qu’est-ce que les syndicats vont annoncer à leurs membres ?
Le Comité d’organisation et certains membres préparent ce grand jour. La trêve sociale, qui a été reconduite l’an passé, a vu les décisions qui ont été prises par l’ensemble des fonctionnaires de Côte d’Ivoire. Le gouvernement, étant conscient qu’il y a des spécificités, s’apprête à initier des négociations ou discussions dites sectorielles. Evidemment, en tant qu’enseignant-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire. Nous avons nos difficultés, les défis qui se présentent à nous. La Posec CI se veut être le creuset de tous les syndicats, qui aujourd’hui, compte 6 syndicats sur les 8 qui existent sur la place, a une autre approche du syndicalisme, aujourd’hui.
Nous sommes d’ailleurs un syndicalisme collectif et solidaire. Depuis 2019, nous faisons notre bonhomme de chemin. Pour cette 4è Assemblée générale, donc à la veille des discussions sectorielles, nous voulons faire le point à nos syndiqués et sympathisants de ce que nous avons eu comme discussions, avant même le dialogue sectoriel. Nous voulons aussi remobiliser nos troupes, parce que depuis 2018, avec les sanctions prises dans le milieu syndical en Côte d’Ivoire, il y a eu une certaine démobilisation, peur. Force est de constater que chacun a son rôle à jouer.
Le droit de faire des activités syndicales est constitutionnel. En plus de ça, au niveau professionnel et social, rien ne peut remplacer le syndicat. Donc nous avons le choix soit en croisant les bras, continuent de désagréger ou enseignants chercheurs et chercheurs, on se remet à tache pour donner un souffle nouveau au syndicalisme en milieu universitaire. C’est cette prise de conscience, ce moment de renouveau que nous voulons relancer au cours de cette assemblée générale, en plus de bien aiguiser notre Plateforme pour le dialogue sectoriel.
De quoi avez-vous parlé, lors des négociations sectorielles ?
Il s’agit d’instruire l’ensemble des ministères techniques à avoir des négociations sectorielles. La trêve sociale a été signée, après des négociations d’envergure générale. On a déjà constitué les différents délégués. Les négociations sectorielles n’ont pas encore eu lieu, mais ça aura lieu.
Nous ne parlons pas en tant que comité d’organisation mais plutôt des enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire. Au cours de cette discussion, nous donnerons la parole à la base. Des comités techniques ont travaillé, fait du travail à la base, des réunions préparatoires. Voilà ce que nous avons comme résultats et que nous voulons soumettre au gouvernement. Ils y apporteront des additifs et correctifs, c’est fort de cela que nous allons à la table de négociations.
Pouvons-nous avoir une idée de quelques une de vos préoccupations ?
Bien entendu. On sourit à cette table. Le général et le spécifique ne peuvent être confondus, même si l’un inclut l’autre. Tous les pays qui ont mis un accent particulier sur l’éducation en général et la recherche en particulier, dis-je, ont émergé ou se sont développés. Les meilleures ressources sont les ressources humaines. Ce n’est pas le pétrole, ni le café, ni cacao. Ce sont les ressources humaines de qualité, qui se construisent et se forgent, à travers l’éducation, la formation et la recherche.
Au niveau de l’enseignement supérieur, la Côte d’Ivoire est entrée dans le système Lmd, en 2012. A l’époque, il y a eu un débat. Fallait-il faire un basculement intégral ou progressif ? Les autorités politiques ont décidé de faire un basculement intégral. Malheureusement, ça donné ce que ça donné.
Aujourd’hui, on parle de 3.000 docteurs chômeurs. C’est le fruit de ce basculement intégral. Vous entrez dans un système Lmd, sans les outils, la police qui accompagnent le système. Au niveau financier, infrastructurel, il y a un manque d’accompagnement. La Côte d’Ivoire, qui est signataire des Accords de Resao, n’a pas encore honoré ses résolutions vis-à-vis des enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire.
Quand vous prenez les primes de recherches, les collègues du Bénin et ceux du Niger, comme on le dit à Abidjan « y a pas match »
Les salaires des enseignants Ivoiriens par rapport aux enseignants des autres Etats de la sous-région. Je veux citer, par exemple, le Sénégal, le Togo etc. Quand vous prenez les primes de recherches, les collègues du Bénin et ceux du Niger, comme on le dit à Abidjan « y a pas match ». En dépit de toutes les difficultés et déficits financiers dont souffrent les enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire, depuis des années, ils font toujours honneur à leur pays (Côte d’Ivoire), lorsqu’ils vont concourir au Cames. Même pour les prix régionaux, nous avons eu des compatriotes, qui ont été récompensés. C’est l’équipe nationale scientifique. Ils n’ont pas de moyens pour se préparer. Ils y vont avec les propres moyens. Le chef de l’Etat, au cours de la fête du travail de 2017, avait promis revoir les salaires ainsi que les primes de recherches.
Nous savons que son agenda est très chargé. Il est le père de beaucoup de fils, mais si nous le rappelons qu’il a avait dit ça, il tiendra sa promesse. Il faut qu’il tienne sa promesse, car, il y va de l’avenir de ce pays. Des enseignants motivés, qui ont le minium pour travailler donneront le meilleur d’eux-mêmes. Nous avons un document cadre de négociations que nous leur avons soumis. Que celui-ci soit regardé avec la plus belle attention.
Donc vous fondez beaucoup d’espoir sur les négociations sectorielles…
Le gouvernement, lui-même est conscient du fait que lui-même, n’a pas satisfait au besoin sectoriel, spécifique à chaque corps. Ainsi, il a demandé aux différents ministères techniques d’initier ces rencontres. C’est une bonne opportunité qu’on nous donne et nous osons croire que ne sera pas un dialogue de sourds. Plutôt un dialogue constructif pour approfondir ou donner des piliers à la trêve sociale, qui a été signée. Parce que vous n’allez pas décréter une trêve sociale, alors que socialement, le peuple souffre.
Il y a vraiment beaucoup de besoins au niveau sectoriel et dans les départements à satisfaire. Si cela est fait, cela va pérenniser et solidifier l’ordre social. Ce n’est pas un décret qui fait la trêve sociale. En 2017, après la trêve sociale, il y a eu beaucoup de grèves. Malheureusement, beaucoup de nos collègues ont été emprisonnés, leurs salaires suspendus. Ce n’était pas la bonne réponse. Nous mettons beaucoup d’espoir en ce dialogue social. Nous pensons qu’il sera un dialogue constructif, franc et direct.
Pour revenir à la vie syndicale, pouvez-vous nous faire un bilan ?
Avant cela, je voudrais revenir sur les conditions de travail. Quand on le dit, certains pensent qu’on exagère. Après la crise, alors que beaucoup d’édifices ont subis des destructions. L’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody Abidjan s’est vu fermée pendant deux ans. Au cours de ces deux années, le gouvernement a fait des travaux de réhabilitation. Quand nous sommes revenus, après ces travaux, nous avons constaté que c’était de la réhabilitation puisqu’il n’a pas eu de constructions nouvelles. Alors que depuis 2012, à aujourd’hui, il y a eu plusieurs recrutements.
Nous avons des collègues, qui aujourd’hui, sont sans bureaux. Peut-être la moitié des collègues. Dans d’autres universités, c’est encore criant. A l’université de Bouaké, c’est criant ! Vous imaginez quelqu’un, qui a un Bac+4, il dit qu’il travaille dans une société au Plateau. Il quitte la maison et se rend au Plateau, mais il n’a pas de bureau pour travailler. C’est le cas des enseignants-chercheurs. Tout docteur, enseignant, il y a plein qui viennent enseigner, et s’en vont à la maison. Sinon, ils squattent le bureau d’un collègue.
Il n’y a pas de recherches sans laboratoires
Les conditions de travail sont difficiles. Lorsque vous prenez, par exemple, les laboratoires, ils sont là depuis l’éclatement de la crise. Il y avait des laboratoires, et on se plaignait que les éléments étaient vétustes. Quand nous sommes revenus, après la crise, ces labos ont été dévalisés, détruits. Lorsque on a fini de construit, il n’y a plus. Ceux qui existent, aujourd’hui, sont dans un état délabrement. Il n’y a pas de recherches sans laboratoires.
Aujourd’hui, à cause de manque de salles, on entend les Cmpv. C’est-à-dire qu’on peut mettre plus de 200 étudiants dans un endroit, et dire que c’est un Cmtd. Quelle est la plus-value en matière de rendement pédagogique ? Nous voulons dire que les conditions de travail sont difficiles. Les enseignants chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire sont en concurrence avec les enseignants du monde entier. Lorsqu’il s’agit de faire des séminaires à l’étranger, c’est un chemin de croix. La prime de recherche que nous avons aujourd’hui, si n’est pas pour aller au Ghana ou Burkina, qui sont près de nous, elle ne peut payer un billet d’avion.
Or, nous sommes obligés de partir au-delà de la sous-région, en Afrique du nord, en Europe, aux Etats unis ou même en Asie. C’est très difficile pour nous de résoudre cette équation-là. Quand nous partons, nos collègues disent qu’ils ont été financés par leurs différentes universités. En réalité, c’est vous le professeur de l’université de Côte d’Ivoire, qui payez. Certains dorment avec les étudiants ou dans des chambres d’hôtels moins chers…Tout ça, ne fait pas honneur à la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire, dans la sous-région, est la locomotive de l’Umeao. Nous pensons que le traitement qui est fait aux enseignants doivent aussi suivre.
La Posec-Ci est l’espoir et la seule voie, qui s’impose à nous. Il faut savoir lire le contexte, conjuguer le texte et le contexte. Il fut des années, où un seul syndicat mobilisait et se faisait entendre au niveau du gouvernement, le Synares. Les années Synares, Senec…sont passés. A cause des déceptions, trahisons, qui sont arrivées au cours du cheminement syndical de notre pays. Aujourd’hui, nous pensons que seule l’union fait la force. Nous ne demandons à aucun syndicat de se dissoudre. Non. Chaque syndicat garde son autonomie, mais accepte de venir conjuguer ses efforts avec les autres syndicats pour aller plus loin. Nous avons vu des groupements syndicaux, des fédérations qui ont portés leurs fruits. Pourquoi, au niveau de l’enseignement supérieur, on ne ferait pas pareil. Voilà, d’où est venue la naissance de la Plateforme.
A la naissance, tout le monde y était, mais d’autres sont partis d’eux. Il s’agit de deux syndicats. La Posec Ci continue de tendre la main, parce que nous pensons que, toute autre voie que l’union, n’est que perte de temps. Aujourd’hui, la Posec CI se porte bien. Un exemple et une voie qui montrent à ceux qui pensent le contraire. Entre le syndicalisme et la politique, le pont n’est pas loin.
La Posec CI est en bonne voie. Après 4 ans d’existence, des structures sont nées. Après 2 ans, elles ont disparu. Nous, après 4 ans, nous sommes encore là, en dépit des difficultés. Je pense que l’espoir est permis.
Vous êtes des professeurs de rang A et B. Est-ce qu’on peut dire socialement que vous êtes épanouis ?
Le titre et le grade que certains ont, ils ne sont pas appelés ainsi. C’est quelque rare fois qu’on vous appelle par vos grades docteur. Ça fait beau mais ce n’est pas ce grade. Aujourd’hui, chaque enseignant doit chercher à répondre à cette question. Est-ce qu’avec mon titre de docteur, de professeur titulaire ou maitre de conférences, est-ce que je suis épanoui ?
Nous pensons que l’épanouissement, ce n’est pas le grade ou tes productions. Il mesure au niveau social. Quelle est la place que nous occupons et notre impact social ? L’épanouissement se mesure au niveau financier. Quel est notre pouvoir d’achat aujourd’hui ? Aujourd’hui, au regard de la réalité, de l’inflation continue en Côte d’Ivoire, alors que les salaires sont stabilisés, depuis un bon nombre d’années. Nous pensons que nous ne sommes pas épanouis.
Professionnellement, on n’est pas épanoui. Parce que quand vous venez au cours, vous vous débrouillez pour faire le cours. Or, on ne doit pas le faire. Nous formons des hommes. On peut se débrouiller un jour parce qu’il y a eu coupure d’électricité etc. Se débrouiller toujours, ce n’est pas professionnel. De ce point de vue-là, on n’est pas épanoui.
Aujourd’hui, les enseignants rasent les murs. Socialement et professionnellement, nous ne sommes pas épanouis.
Je pense qu’il y a quelques années, certains étaient épanouis. Mais, aujourd’hui, avec l’inflation, qui est autre nom de la diminution des salaires, du pouvoir d’achats. Nous sommes dans un monde capitaliste. Lorsqu’au niveau financier, vous n’êtes pas capable, vous devenez faible. Nous avons besoin d’être épanouis, c’est pourquoi, nous allons porter cette voie au niveau du gouvernement pour qu’il regarde avec attention nos revendications. Si rien n’est fait, les conséquences seront dramatiques pour la Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire a formé des ressources humaines de qualité, qui vont faire valoir leurs compétences à l’étranger. Que la Côte d’Ivoire donne un peu d’équité dans le traitement salarial.
De plus en plus, on évoque une mutuelle de santé. Est-ce une idée de la Plateforme ?
C’est une idée générale. Les enseignants chercheurs sont comme la plupart des Ivoiriens. Lorsqu’il y a des problèmes, chacun en parle dans son bureau, mais personne ne veut prendre l’initiative. Donc depuis quelques années, cette question est récurrente. Nous sommes comme l’ensemble des fonctionnaires de Côte d’Ivoire, dans une mutuelle générale. De plus en plus, il y a des gens qui sont insatisfaits, mécontents.
Nous avons vu, au fur et à mesure, dans divers secteurs. Même dans les ministères, des mutuelles ont été créées et apportées du bien à ces groupements-là. Nous sommes dits qu’il est temps de passer à une mutuelle de santé mais faire du social, qui prendra en compte quatre axes. Le volet santé, le foncier, la locomotion et l’assurance-voyage d’études. Chaque deux ans, il faut aller en immersion, dans les colloques, aux séminaires etc. Parce que quand vous voyager, vous vous cultiver.
Cela a existé en Côte d’Ivoire…
Par exemple, au Burkina Faso, cela se fait. Il vous donne de l’argent de poche et un billet d’avion
Cela a existé, il y a très longtemps. Mais aujourd’hui, quand vous parlez de ça, on vous regarde…Par exemple, au Burkina Faso, cela se fait. Il vous donne de l’argent de poche et un billet d’avion. Même après la retraite, pour ceux qui aurons cotisé continueront leur voyage. Voici les 4 axes qui vont être pris en compte dans cette mutuelle.
Quels sont vos rapports avec le ministre Diawara Adama, votre ministre de tutelle ?
Chaque entité pris à part a des rapports avec le ministre Adama Diawara. Au sein de la Posec CI, nous avons des rapports de ministre. Ce sont des rapports entre collaborateurs purement professionnels que nous avons lui. Depuis son arrivée, nous avons des échanges avec lui. Souvent, à notre demande ou à sa demande. Tant que nous dialoguons, c’est bon. Nos rapports avec lui sont bons pour le moment.
L’Assemblée générale est pour ce mercredi…
Cette Assemblée générale, nous la voulons historique. De mémoire, c’est la première fois que de telles dispositions sont prises pour toucher le maximum de personnes. Cette assemblée générale n’est pas celle des journalistes, des avocats mais plutôt des enseignants-chercheurs et chercheurs. Les premiers concernés sont eux, les enseignants. Qu’ils viennent nombreux à cette Ag. Leur présence vaut plus que mille mots.
Nous demandons aux enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire, de toutes les universités publiques de Côte d’Ivoire, quelles que soient leurs préoccupations, ce jour-là, d’avoir une excuse sérieuse pour s’absenter. Ceux de l’intérieur du pays, qu’ils viennent, instituts et centres de recherche qu’ils viennent à l’Ag. C’est d’abord leur affaire. S’ils ne prennent pas au sérieux leur affaire, personne ne le fera à leur place. Ceux qui vivent sont ceux luttent.
Vous dites que vous êtes un creuset de syndicats. Et pourtant, lorsque vous organisez vos assemblées, on ne voit personne. Nous voulons un syndicalisme responsable. C’est à dire que les camarades prennent leurs responsabilités. Personne n’a pas passé son concours pour être recruté à l’université avec son doctorat pour faire du syndicalisme. Nous sommes recrutés sur la base du doctorat à l’université. Donc il faut que chacun vienne à l’amphi Lorougnon Guédé de l’Université FHB de Cocody Abidjan, à 14h.
Réalisée par Magloire Madjessou