PENDANT QU’ON Y EST… Akwaba dans le piège ! Quand l’hospitalité africaine devient un sport de glissade diplomatique.
Akwaba, cette douce promesse d’accueil ivoirien… gravée sur les murs de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, récitée à chaque sommet régional, et là, servie tiède à un réfugié politique dans un salon d’honneur devenu salle d’embarquement vers l’abîme. Dans le grand théâtre ouest-africain de la fraternité entre États, voici venu le numéro de haute voltige diplomatique : l’art de faire glisser un invité dans un jet privé comme on renvoie un colis encombrant.
voici venu le numéro de haute voltige diplomatique : l’art de faire glisser un invité dans un jet privé comme on renvoie un colis encombrant
Une invitation officielle, un hôtel militaire, une arrestation feutrée à l’étage climatisé, et un vol Beechcraft tout confort direction Cotonou, sans escale ni avocat. Quelle classe ! L’Afrique du dialogue a encore innové : l’extradition version cinq étoiles. Pendant que certains rédigent des lois pour protéger les réfugiés, d’autres rédigent des programmes de forum tech pour mieux les attraper.
Akwaba, donc. Mais attention où vous posez vos valises — Sur les bords de l’Ebrié, l’accueil peut désormais rimer avec traquenard, et le tapis rouge peut mener tout droit à la case prison de Gléxhoué.
Ah, Abidjan ! Ses ponts, ses maquis, ses salons d’honneur… et désormais, ses extraditions clandestines en smoking et tapis rouge. On connaissait déjà le soft power ivoirien, version tech et digital, mais voilà qu’on découvre sa version trouble, calibrée pour livrer un journaliste réfugié politique comme un colis DHL express, sans même le luxe d’une audience devant un juge. Le tout dans un Beechcraft 1900D, svp. Pas de la camelote. On se livre entre frères, mais dans le confort.

Hugues Comlan Sossoukpè, journaliste béninois et empêcheur de gouverner en rond, s’est retrouvé pris dans ce qui ressemble à un cocktail mafieux : une invitation officielle, un salon international, un hôtel militaire, des flics dans sa chambre, un vol privé, et paf : direct à la CRIET. On dit souvent que la vérité fait mal. Mais dans ce cas, elle voyage en première classe.
c’est la réalité d’un continent où l’asile politique se désactive à la frontière, à la convenance de ceux qui tiennent les manettes
Quand l’Afrique se mange elle-même.
Ce n’est pas un film d’espionnage : c’est la réalité d’un continent où l’asile politique se désactive à la frontière, à la convenance de ceux qui tiennent les manettes. La Côte d’Ivoire, terre d’accueil ? Apparemment, tout dépend de l’invité. RSF, indignée, parle d’une « violation manifeste du statut de réfugié ». Mais visiblement, entre États qui se tiennent par la barbichette, les conventions internationales sont aussi décoratives que le képi d’un chef de brigade de Markory.
On imagine bien le script : « Invitez-le, traitez-le comme un VIP, et dès qu’il est à l’aise, on l’emballe, direction Cotonou ». Un plan d’une élégance sinistre, où la perfidie se niche dans la soie des rideaux du salon d’honneur. Qu’on se le dise : désormais, être invité dans un forum tech en Afrique de l’Ouest, c’est peut-être un guet-apens numérique.
Olofofo à l’ombre, la liberté d’informer aussi
Son journal Olofofo interdit, ses papiers d’exilés tamponnés, ses enquêtes dérangeantes, son ton sans fard… Il en fallait peu pour faire de Hugues une cible. Mais voilà, il croyait encore pouvoir circuler librement. Erreur fatale. Dans ce club fermé des journalistes exilés, mieux vaut éviter les déplacements diplomatiques trop bien organisés.
Et pendant que la Côte d’Ivoire fait la sourde oreille et que le Bénin joue à la CRIET version remake judiciaire, le silence des autres pays africains est tonitruant. L’omerta, version CEDEAO. Pendant ce temps, Sosoukpe croupit à Ouidah, accusé de «rébellion» et «apologie du terrorisme». La routine, quoi, pour tout citoyen qui a osé lever la plume.
Pendant qu’on y est… ?
abolissons l’asile politique, faisons des salons tech des pièges numériques, affrétons des avions pour chaque dissident…
Pendant qu’on y est, abolissons l’asile politique, faisons des salons tech des pièges numériques, affrétons des avions pour chaque dissident, et appelons ça coopération bilatérale intelligente. Pendant qu’on y est, criminalisons la pensée libre, réduisons les journalistes à l’exil ou à l’enfermement. Pendant qu’on y est… mais non. Justement, il est grand temps que ça cesse.
Pendant qu’on y est, le prochain salon à Abidjan pourrait bien s’intituler : « Innovation, répression et extradition 3.0». Avec, en panel d’ouverture, des journalistes silencieux, des gouvernements complices et une démocratie en mode avion.
Et si, pendant qu’on y est… on commençait à protéger ceux qui nous informent ?
Source: La depêche