Albert Mashika, Secrétaire exécutif de Caritas Africa, dont le siège est basé à Lomé (Togo) regroupant 46 pays en Afrique subsaharienne et dans les îles de l’Océan indien et atlantique. Invité par l’Eglise catholique en Côte d’Ivoire, dans le cadre du Forum de la Pastorale sociale, il a accordé une interview à Credorchristi.com en décortiquant l’actualité brûlante qu’est le phénomène migratoire en Afrique.
Au niveau de Caritas Africa, qui regroupe 46 Etats en Afrique et des Iles, qu’est ce qui est fait pour endiguer le phénomène migratoire ?
Au niveau régional, certes, nous ne sommes pas une structure opérationnelle mais nous appuyons les membres, à travers des actions de renforcement de leurs capacités afin qu’ils puissent aborder la question de manière professionnelle. C’est ainsi que nous avons organisé au Burkina Faso, en février 2018, un atelier sur la problématique migratoire et le rôle des structures de l’Eglise. C’était dans le cadre du groupe de travail de Caritas internationalis pour le Sahel. Il y avait une formation sur les problématiques migratoires.
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Précisément qu’avez-vous fait au niveau régional ?
A ce niveau, nous avons mené une étude pour savoir qu’est-ce que les Caritas font vis-à-vis des réfugiés, des migrants et de la traite d’Etres humains. Cette étude est en cours d’analyses et les résultats que nous avons reçus d’une vingtaine de Caritas sont en train d’être analysés et le Rapport final sera disponible vers le mois de février ou mars 2019. Sur la base des résultats des études, nous pourrons développer des actions appropriées qui pourraient concerner les Caritas d’Afrique par rapport à cette question. Cependant, Caritas a participé à la rencontre qui s’est tenue à Marrakech au Maroc pour l’adoption du Pacte mondial sur les migrants.
Il y a eu au cours de cette rencontre, 20 points d’actions élaborés par le Dicastère (ministère Ndlr) pour le service du développement humain et intégral dont nous nous servons. Parmi ces actions, elles sont été ramenées à des grandes thématiques, à savoir accueillir, protéger, intégrer et promouvoir. C’est-à-dire que lorsque nous sommes en face d’un migrant, on analyse la situation à travers les quatre verbes précités et on apporte des réponses aux questions migratoires à la lumière des 20 points d’actions qui ont été proposées par le Saint-Père.
Vos actions sont encourageantes pour les populations en Afrique. Est-ce que vous rencontrez les Chefs d’Etats ou gouvernants pour leur expliquer le bien-fondé de vos actions de sorte qu’ils puissent jouer le rôle qui est le leur ?
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Par exemple, à Marrakech, c’était une rencontre de décideurs politiques. Caritas Africa y était à cette rencontre pour influencer les discussions. Il y a eu des actions qui ont été menées dans cette ville marocaine mais bien avant elle, des actions ont été menées à New York au siège des Nations unies pour pouvoir influencer le processus.
Avant d’en arriver au Pacte mondial sur les réfugiés et migrants, il y a eu beaucoup de consultations et Caritas a participé pour donner son avis sur le contenu des documents en amont. Il y a aussi au niveau de certains pays, des actions qui sont menées pour attirer l’attention des dirigeants sur les questions migratoires. J’ai suivi par la voie de la presse que le Niger dispose d’une loi pour la protection des migrants ou réfugiés. C’est évident que Caritas Niger a joué un rôle qui a abouti au processus de l’élaboration, à l’adoption et la promulgation de cette loi. Car, Caritas Niger est très engagée dans la politique migratoire.
La Caritas Africa est certes une structure de l’Eglise catholique. Quelles actions concrètes synergiques menées pour que la problématique migratoire trouvent un début de solutions efficaces ?
Je pense que le problème ne se pose au niveau de l’Eglise et Caritas. Caritas fait partie de l’Eglise. Comme nous le disons toujours, l’Eglise a trois grands piliers : l’évangélisation, administrer les Sacrements et enfin le service (Diaconie) aux frères et sœurs. Caritas est l’un de ses trois piliers et elle est intrinsèquement liée. Ces piliers-là se soutiennent mutuellement. Lorsque vous voyez Caritas agir, c’est le droit social de l’Eglise par rapport à toutes ces questions.
Par contre, Caritas n’a pas le monopole pour les questions de charité parce que d’autres commissions travaillent sur ce volet. C’est le cas de Justice et Paix, la Santé et l’Education, etc ainsi que Caritas sont tous responsables des questions qui rentrent dans le grand chapitre de la Pastorale sociale de l’Eglise catholique. A ce titre, chacune des commissions a reçu un mandat spécifique de la part des autorités de l’Eglise.
Il y a des Caritas d’Afrique qui sont très engagées dans les réponses aux problématiques migratoires, par exemple, fournir aux migrants une assistance sanitaire, médicale, alimentaire et également leur fournir des informations sur leurs Droits et obligations dans les pays de transit pour qu’ils puissent prendre des décisions en connaissance de cause. Fournir aussi des informations aux migrants comme le fait Caritas Mali à travers son centre qu’est à Gao.
C’est une initiative qui est très appréciable parce qu’en plus de donner une assistance médicale ou alimentaire, on fournit l’information qui permet à la personne de prendre une décision. Il y aussi des actions qui sont menées en direction des gouvernements pour qu’ils améliorent la gouvernance, créent des emplois et une redistribution juste des ressources dont les pays disposent pour pouvoir assurer aux jeunes qui migrent un avenir acceptable dans leurs propres pays.
Le Rapport sur «l’engagement de Caritas sur les questions migratoires », va être connu et publié. Mais avant, tous les jours, ce sont des milliers de jeunes africains, qui au péril de leur vie, traversent l’Océan pour rejoindre l’Eldorado européen.
Migrer, c’est un choix. Si une personne décide de migrer, elle a ses raisons. Il y a d’autres qui migrent à cause des questions sécuritaires, certains le font parce que le changement climatique a détruit tout leur capital, en termes de bétail ou des champs qu’ils avaient. Ils ont le droit de migrer dans des lieux sûrs, où ils peuvent refaire leur vie. Donc on ne peut leur interdire. Mais Caritas peut fournir des informations sur la question et cela permettra à la personne de faire un choix en connaissance de cause.
Pour ceux qui choisissent par exemple de s’engager sur les routes, ils sont informés des dangers qui les attendent mais également de leurs droits et obligations en tant qu’être humain. Il y a des instruments juridiques internationaux auxquels les différents pays ont ratifié, donc il faut qu’ils les appliquent dans le respect de la personne humaine. Nous, en tant que service de l’Eglise, nous nous engageons à leur coté pour leur fournir des informations.
Réalisée par Magloire Madjessou