Père Jean Messingué, jésuite et directeur du Centre counselting professionnel et pastorale clinique (Copac) d’Abidjan, revient sur les conférences publiques qui ont été données, ce samedi 21 octobre 2023, à l’Itcj Angré Cocody. A l’occasion de la Journée mondiale sur la santé mentale, le Coapc a réuni des sommités pour aborder les thèmes percutants, dans leur diversité. C’était autour de la thématique intitulée : « Comment réduire les risques de dépression et de suicide chez les adolescents et les jeunes ? ».
Ce matin, vous avez réuni des sommités pour aborder des thématiques, si importantes pour notre société ivoirienne, notamment la dépression et le suicide. A la mi-journée, que retenir des thématiques abordées ?
La santé mentale des jeunes préoccupe l’Organisation mondiale de la santé (Oms), le Programme national de santé mentale et donc préoccupe aussi l’Eglise. C’est pourquoi, le Copac, au nom de l’Eglise participe aux initiatives pour sensibiliser, partager avec les jeunes eux-mêmes, les parents et éducateurs sur la santé mentale des adolescents et des jeunes.
le Copac, au nom de l’Eglise participe aux initiatives pour sensibiliser, partager avec les jeunes eux-mêmes, les parents et éducateurs sur la santé mentale des adolescents et des jeunes
Les deux intervenants, de ce matin, ont aidé à comprendre la réalité tumultueuse, créatrice, dynamique mais aussi complexe de l’adolescence et comment accompagner ce processus pour que les enfants, l’a traverse et acquièrent des ressources pour la vie adulte et ne laissent pas leur vie être détruite par cette étape de l’adolescence ou du jeune adulte.
Donc, c’est principalement cela. On a essayé de mettre en relief certains facteurs de risques liés à l’adolescence tout simplement. C’est une manière d’attirer l’attention des jeunes et adolescents eux-mêmes, parce que ce qui a été dit est de vivre dans leurs corps. Surtout attirer leur attention.
Donc ce que je vis là, si je ne fais pas attention…Il y a aussi des conseils aux parents, afin qu’ils sachent davantage gérer cette situation, en évitant une rigidité extrême ou une permissivité dangereuse. Comment trouver un équilibre, le langage pour pouvoir maintenir la relation, la communication avec les enfants ? Ce sont des conseils principaux qui restent un défi pour les parents.
Hélas, au cours de cette année 2023, à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody Abidjan, il y a eu deux étudiants qui se sont suicidés. Aujourd’hui, vous organisez une conférence publique, au cours de laquelle, un maximum de jeunes élèves et professeurs y sont. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je voudrais remercier les établissements, qui ont cru à notre proposition et mobilisé les élèves. On aurait pu avoir plus d’élèves, parce que plus ont exprimé la volonté mais des établissements n’avaient pas prévu prendre des dispositions que de transporter plus de 50 élèves. Je saisis l’occasion pour remercier ces collègues, à savoir Notre Dame de Bietry de Marcory, Collègue Don Bosco de Treichville, Notre Dame de la Paix du Plateau et le Groupe scolaire Victor Schœlcher etc.
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Parce que nous voulons que des jeunes qui se prennent en charge soient responsables de leur propre destinée et responsables de l’avenir
C’est exceptionnel pour nous d’avoir une conférence avec une participation majoritaire qui sont des jeunes. Toute à l’heure, nous aurons la table ronde, c’est eux les jeunes, qui auront la parole, qui vont intervenir. Parce que nous voulons que des jeunes qui se prennent en charge soient responsables de leur propre destinée et responsables de l’avenir.
Je pense que si ces jeunes sont venus, c’est qu’il y a cette flamme en eux. C’est pourquoi, tous les élèves présents, nous allons en faire, officiellement des ambassadeurs de la santé mentale. Nous avons donc prévu des certificats, on va célébrer cela avec eux. Si un jeune adolescent accepte de sacrifier un samedi pour venir assister à ces conférences publiques, cela voudrait dire que se sont des jeunes sur qui nous pouvons compter. Il faut savoir saisir la flamme, valoriser et accompagner cela.
La problématique, aujourd’hui, est l’échange entre les parents et enfants. On l’a dit. Il faut que les parents changent leurs manières de parler à leurs enfants. C’est une éducation…
Il ne m’appartient pas de dire à qui la faute ? Parents ou enfants. C’est une réalité à gérer dans la relation mais c’est sûr que les parents, s’ils veulent restés dans un modèle rigide, ça ne passera pas. Il faut donc trouver le langage. Il ne s’agit pas de relativiser les valeurs. Non. Il faut distinguer les valeurs que nous voulons communiquer et le processus qu’on y arrive.
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Si tu restes ferme sur le chemin que tu veux utiliser, et que la personne ne passe pas, cela aboutirait à la violence. Comment maintenir les objectifs d’éducation, comment trouver le langage ? Mais, en fait, le langage, c’est comme la danse à deux. Avec chaque enfant, il faut trouver le langage approprié. Donc cela reste un défi mais les parents en sont capables parce que nous parlons de suicide, de la dépression. D’où viennent ces choses-là ?
Est-ce qu’il y a une possibilité de réduire les risques de dépression et suicide chez les ados et les jeunes, aujourd’hui ?
Vous-même savez que cela est possible. C’est quoi réduire les risques ? C’est de faire passer qu’il y ait moins de jeunes qui souffrent de la dépression ; qu’il y ait moins de jeunes qui tentent de suicider. C’est même très possible.
Mais cela va demander qu’on comprenne davantage pourquoi cela arrive aujourd’hui autant. Qu’est ce qui fait dans le contexte actuel, nous avons ces choses ? Il y a donc une dimension sociale qu’il faut explorer et ensuite comment on intègre la santé mentale, le bien-être psychologique dans nos pratiques éducatives ?
Dans les écoles, combien d’écoles disposent de psychologues ou enseignants assez outillés pour identifier les signes d’alertes chez une élève. Il y a des initiatives pratiques qu’on peut porter. Les parents, s’ils sont sensibilisés, l’enfant, avant de commettre un suicide, la personne a déjà alerté autour d’elle qu’elle va commettre un acte dangereux.
Mais, elle alerte par certaines paroles, comportement, parfois, qu’on prend à la légère. C’est la sensibilisation des parents qui fait quand un enfant dit : « On verra si vous me verrez encore ? ». Vous devez vous poser des questions. Donc c’est possible, mais il faut d’abord qu’on s’engage.
Quels conseils, vous en tant que spécialiste donniez-vous aux parents, enfants et décideurs par rapport à cette dépression et suicide dans la société ?
Nous voulons le développement de nos pays. Nous voulons le développement de notre Afrique. La véritable richesse est le capital humain. Si nous voulons un capital humain de qualité, demain, il nous faut travailler et promouvoir le bien-être et la santé mentale des jeunes.
Magloire Madjessou