Accueil A la une Violences basées sur le genre : Le drame des victimes incapables de dénoncer...

Violences basées sur le genre : Le drame des victimes incapables de dénoncer leurs bourreaux

PARTAGER
Edwige T, mère a 12 ans, malgré elle.../Ph Credo

Nombreuses sont les jeunes filles dans les quartiers et même dans les foyers ou ménages, victimes de viols ou de Violences basées sur le genre (Vbg), mais qui, pour diverses raisons, gardent le silence. Dans ce dossier, il sera question du calvaire vécu par les victimes et des actions des Ong dans le but de les soutenir.

Parmi les victimes vivant ces drames, figure K. Sita. Vendeuse d’oranges à la gare routière d’une localité non loin de Man. Cette jeune dame de 28 ans, mère de deux enfants, a été violée en pleine journée dans une maison inachevée par un jeune qu’elle connaît bien. Quand même ce viol a eu lieu non loin de la gendarmerie de la dite ville, K. Sita n’a pas eu le courage de porter cette tragédie à la connaissance des forces de l’ordre.

Parce qu’elle savait que ‘’son violeur’’ était membre d’un groupe de malfrats sévissant dans ladite ville. Donc, de peur que sa famille ne soit la cible de ses hommes sans foi ni loi, elle a préféré porté seule son humiliation, sa souffrance. C’est en 2023, lors d’une campagne de sensibilisation sur les Vbg organisée à l’ouest du pays par l’Ong Bloom, que la triste réalité que vit K. Sita a été portée à la connaissance des membres de cette  Ong.

Agissant avec sagesse, une fois de retour à Abidjan, les responsables de l’Ong Bloom lui font bénéficier d’une prise en charge holistique: la prise en charge médicale, psychologique et juridique. Parfois, l’Ong contribue à l’autonomisation des victimes, afin de les aider à s’insérer à nouveau dans le tissu socio-économique.

Parfois, l’Ong contribue à l’autonomisation des victimes

Outre K. Sita, en 2022, dans la commune de Port-Bouët, une jeune innocente de 12 ans a subi le même sort. Appelons-la Tatou Edwige. Elle a été violée à domicile par son oncle. Quelques jours après l’acte, les parents constant que Tatou Edwige ne présentait pas bonne mine, se sont mis à l’interroger. Au cours des échanges avec ses parents biologiques, elle leur a tout expliqué et précisé que c’est son oncle qui est à la base de ce fait. Au lieu de sanctionner l’oncle, la famille a préféré un arrangement à l’amiable.

 Mère a 12 ans  

Par cet acte, non seulement l’oncle l’a dépucelé, mais Tatou Edwige y a contracté une grossesse. Malgré cette grossesse risquée, la jeune fille a  accouché grâce aux soins de l’Ong Bloom. Avec son bébé, Tatou Edwige devient ainsi, mère à l’âge de 12 ans.

Si grâce à l’Ong Bloom, ainsi qu’à de nombreuses autres Ong qui luttent contre les Vbg, certaines victimes arrivent à dénoncer leurs bourreaux, d’autres n’arrivent pas. C’est le cas de nombreuses femmes, qui, au nom de la coutume sont utilisées comme des appâts sexuels mais ne peuvent partager leurs douleurs à autrui ou de peur de subir la furia de leurs époux.

D’autres, en raison de l’affection qu’elles ont pour leurs enfants acceptent de faire un vernissage de leur foyer, tout en présentant une bonne mine dehors, alors qu’à l’intérieur, le feu couve. Celles-ci généralement, quel que soit les conseils et les violences qu’elles subissent, refusent de quitter leur foyer.

Il y aussi une autre catégorie de femmes, qui, elles décident de garder leur foyer, dans l’espérance que leur partenaire changera un jour. Pour les plus chanceuses, ces partenaires changent de comportements, deviennent très dociles. Et l’harmonie revient dans le couple, tandis que pour d’autres ce n’est pas le cas. L’homme devient de plus en plus violent, manifestant une attitude animale qui aboutit souvent au feminicide.

Mais elle a préféré rester dans ce foyer dans l’espoir que son conjoint change un jour

Le meurtre de Tra Lou Grâce, étudiante en fin de formation à l’Institut national de la formation sanitaire (Infas), tuée par son conjoint, le 8 septembre 2025, à Port-Bouët, est exemple éloquent. Vivant avec le père de ses 2 enfants depuis plusieurs années, Tra Lou Grâce était fréquemment violentée par celui-ci, selon les témoins. Mais elle a préféré rester dans ce foyer dans l’espoir que son conjoint change un jour. Mais hélas, loin de changer, son conjoint a plutôt intensifié son animosité contre elle, en la tuant de manière atroce, sans remords.

Les Vbg en Côte d’Ivoire connaissent une hausse. Selon le dernier Rapport du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (MFFE), les Violences basées sur le genre (VBG) ont augmenté de 9,39% en un an. En 2024, le pays a enregistré 9 607 cas de Vbg, dont 920 viols et 2287 agressions sexuelles, selon la même source.

Aka Ahoussi

Entretien avec Alain Prao, psychologue clinicien et enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny Cocody Abidjan.

Il explique les raisons qui peuvent conduire un homme à la violence sexuelle, sans manquer de parler du rôle combien important de l’Ong Bloom dans la prise en charge des victimes.

« La violence est un système de relation dans lequel l’un des conjoints use d’intimidation, des coups, de la peur, du contrôle sur l’autre conjoint. A partir du moment où l’un commence à contrôler l’autre, à dominer l’autre, on parle de violence. Il faut savoir que quand on parle de violence, l’objectif c’est de détruire l’autre », soutient-il.

« Quand on parle de violence sexuelle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de consentement du partenaire. A partir de ce moment, on parle de viol. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent emmener l’un des partenaires à la violence sexuelle. Ça peut être le refus constant de son partenaire. On peut avoir des partenaires qui ont une emprise sur l’autre. ‘’C’est moi qui décide. C’est moi qui dit à quel moment on doit faire ceci ou cela, tu n’as pas d’objections à poser’’. C’est un seul partenaire qui fait la loi ici », fait-il remarquer.

Alain Prao, enseignant chercheur UFB Cocody Abidjan,/Ph Credo

Avant de faire remarquer que de manière générale, le viol est d’abord lié à une incapacité pour l’homme, de gérer ses impulsions sexuelles. « Parce que dans le viol, il y a ce désir inconscient de détruire l’autre, de l’anéantir. De sortir l’autre de la communauté des humains car le viol va déshumaniser la femme. Dans son acte, il va emmener la femme à une jouissance non voulue et cela peut provoquer la fragilité, des blessures génitales chez la femme ».

C’est pour tenter de reconstruire la femme déshumanisée, humiliée que l’Ong Bloom a créé un centre de refuge temporaire où celles-ci sont accueillies, hébergées, soignées et suivies psychologiquement par des spécialistes avant d’être à nouveau réinsérer dans la société.

Aka A.

PARTAGER