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Côte d’Ivoire, salaires suspendus d’enseignants, gouvernance des universités, système Lmd, infrastructures inadéquates…Dr Yéo Kanabein, Pca de la nouvelle Plateforme des enseignants-chercheurs, explose et interpelle les autorités du pays

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Dr Oumar Yéo Kanabein interpelle les autorités universitaires et Premier ministre Amadou Gon Coulibaly sur les cas des enseignants dont les salaires sont suspendus/Ph Credo

La nouvelle Plateforme des organisations et des syndicats des enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire (Posec-Ci), regroupant sept syndicats universitaires,  créée le 10 octobre 2019, fait face à de nombreuses difficultés. Dr Yéo Kanabein Oumar, Président du conseil d’administration (Pca) de cette Plateforme, expose les multiples difficultés liées à la formation universitaire, aux libertés syndicales et en appelle à la bonne foi des dirigeants des universités et des gouvernants du pays. (1ère partie)

Quatre mois après sa création et deux mois après la tenue de l’Assemblée générale, le 26 novembre 2019, à l’Amphi B de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Abidjan. Comment se porte cette nouvelle plateforme des enseignants-chercheurs ?

La plateforme va bien dans le sens que nous continuons nos réunions de réflexions en prélude aux actions sur le terrain. Elle va bien parce que tous les problèmes qui ont été mentionnés à l’Assemblée générale, les sanctions de nos camarades jusqu’à la question des maquettes pédagogiques, les heures complémentaires en passant par la gouvernance. Toutes ces questions ont été documentées. Aujourd’hui, nous attendons les autorités auxquelles nous avons adressé des courriers, de demandes d’audience et prendre langue avec elles pour discuter de chacune de ces questions.

De quelles autorités parlez-vous ?

Elles sont de plusieurs ordres. Il y a des problèmes spécifiques liés à certaines universités. Nous avons écrit à l’université de Cocody, où il y a beaucoup de problèmes, car c’est la plus grande université du pays. Il y a aussi l’Ecole normale supérieure (Ens) a qui nous avons écrit. Les autres présidents de l’université ont été saisis mais pas forcément pour des problèmes mais leur présenter la plateforme. Nous avons déjà été reçus par le président de l’Université  Alassane Ouattara de Bouaké, Pr Lazare Poamé. Nous pensons que ce fut une rencontre assez riche pour les deux parties.

  • Malheureusement, nous sommes un peu surpris parce que le courrier de la Présidence de l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody a été déposé, avant celui du ministre de tutelle.

Concernant l’université Gon Peleforo Coulibaly de Korhogo, le président nous a fait signe disant qu’il est à l’écoute. Nous attendons aussi que les autres présidents d’universités réagissent. Malheureusement, nous sommes un peu surpris parce que le courrier de la Présidence de l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody a été déposé, avant celui du ministre de tutelle.

Il a été déposé début novembre et nous n’avons pas été reçus. On a eu une rencontre vers la mi-novembre, juste avant l’assemblée générale, du 26 novembre, avec le Secrétaire général de l’Université de Cocody pour préparer la rencontre avec le président, Pr Abou Karamoko. Depuis trois semaines, nous n’avons pas eu de retour. On a dû encore envoyer un courrier, la semaine dernière, que tous les enseignants-chercheurs de l’Enseignement supérieur veulent vous rencontrer pour un certain nombre de problèmes. On attend toujours.

A lire: Côte d’Ivoire, les enseignants-chercheurs créent une plateforme pour la défense de leurs intérêts

Est-ce que le président de l’Université de Cocody est au courant de l’existence de cette Plateforme ?

Je vous dis que son Secrétaire général, à sa demande, nous a reçus déjà pour préparer la rencontre avec lui. Nous avons déposé le courrier de demande d’audience et les actes fondateurs de la plateforme. L’Assemblée générale s’est tenue à l’Amphi B du District de l’université. Les journaux en ont fait écho. D’une manière ou d’une autre, je pense qu’il est informé. C’est la même chose aussi pour l’Ens, où nous n’avons pas encore eu de retour.

Et votre ministère de tutelle, qu’en est-il ?

C’est un des points noirs de cette série parce que juste après le courrier du président de l’Université de Cocody, c’est le courrier du ministre de tutelle, Dr Albert Mabri Toikeuse, que nous avons déposé au Plateau. Lui, aussi, n’a pas reçu. Paradoxalement, le ministre de la Fonction publique, à qui nous avons déposé un courrier bien après, nous a reçus. On se pose des questions et sachant qu’ils ont un calendrier très chargé. Mais nous pensons qu’il devait nous accorder une audience pour qu’on puisse parler, arranger certaines choses dans l’intérêt de tous, du ministère, du président de l’Université et des enseignants-chercheurs des universités.

Vous avez rencontré le secrétaire général de la présidence de l’Université, afin de préparer cette rencontre avec le Pr Abou Karamoko. Selon vous, qu’est ce qui bloque cette audience avec la Plateforme ?

  • Tous les syndicats et organisations professionnelles de l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire peinent à rencontrer le président de l’Université

Nous sommes dans un milieu scientifique, j’aimerais parler ou dire des vérités scientifiques. Je ne sais pas. Près de deux mois après avoir sollicité une demande d’audience, tous les syndicats et organisations professionnelles de l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire peinent à rencontrer le président de l’Université. Je ne saurais vous en dire plus. Il n’y a que lui seul qui peut vous répondre.

Avez-vous bonne foi d’être reçu un jour ?

Comme je vous l’ai dit toute à l’heure, la Plateforme se porte bien. Celle-ci est dans une vision de construction, de rassemblement,  de considération mutuelle. Nous pensons qu’il va nous recevoir. Nous osons croire que ce ne serait pas trop tard. Une fois au ministère de l’Enseignement supérieur, alors que la Plateforme n’existait pas encore, nous avons dit au ministre que nous sommes contents d’être là avec lui pour résoudre les problèmes de l’enseignement.

Cependant, nous avons un pincement au cœur parce que nous avons voulu être reçus un peu plutôt. Ce n’était pas à la veille de grève que projette un syndicat qu’il faut courir. Non. Il faut rompre avec cette culture et nous devons nous voir pour travailler en temps paisible comme en temps d’échauffourées.

La Posec-Ci se définit comme étant l’union et l’unité de tous les syndicats anciens et expérimentés/Ph Credo

Les problèmes de l’université de Cocody, d’ailleurs la plus grande s’accroissent de plus en plus. Le refus du président de cette université de vous recevoir ne va-t-il pas accentuer les problèmes et fragiliser le milieu universitaire ?

Il ne faut pas jouer avec les problèmes. Il faut parer au plus pressé. Un problème quand il survient et qu’on ne règle pas, même si on pense que c’est quelque chose de résiduel, il peut avoir un effet de contamination. Nous pensons que le président devrait nous écouter au moins, ensuite, il prendra une décision. Nos collègues à qui nous avons donné rendez-vous au mois de janvier 2020, nous leur avons promis de faire mains et pieds de chercher à négocier, puisque c’est la négociation qui est notre credo.

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  • Si jamais, il doit avoir une grève sous la Posec-Ci, on nous aurait contraints à le faire. Parce que la Posec-Ci, c’est l’union et l’unité de tous les syndicats des plus anciens, expérimentés.

Bien que nous ayons usé de tous les moyens y compris la grève, nous privilégions la négociation à 99 fois. Si jamais, il doit avoir une grève sous la Posec-Ci, on nous aurait contraints à le faire. Parce que la Posec-Ci, c’est l’union et l’unité de tous les syndicats des plus anciens, expérimentés. Il y a des syndicats depuis leur existence n’ont jamais fait de grève. Qui vient de la Posec-Ci et entreprend une grève, allez y comprendre quelque chose. Nous pensons que la négociation est l’arme des plus forts comme disait le premier Président de la République ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny.

Qu’on ne pense pas que comme il n’y a pas de grèves sur nos campus et universités, tout va bien ? L’absence de grèves n’est pas synonyme de paix et ne présage pas qu’il y aura pas de grèves. Pour le cas d’espèces, il y a beaucoup de problèmes. Il y a le feu qui couvre ici ; si nous insistons à rencontrer les autorités, on peut baliser et résoudre certains problèmes, mais sans rencontres, les problèmes vont s’empirer.

Je profite pour lancer un appel à tous nos dirigeants locaux et nationaux pour dire que la plateforme des enseignants-chercheurs et chercheurs de Côte d’Ivoire a les mains tendues, elle ouvre portes et fenêtres. Toute personne qui voudrait nous rencontrer dans le cadre de l’amélioration et de la construction d’un système nouveau pour l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique en Côte d’Ivoire, nous sommes disposés à discuter que ce soit à Abidjan, où partout, ailleurs.

Est-ce qu’aujourd’hui, on peut parler de partenariat entre la Plateforme et la présidence de l’Université de Cocody ?

Ce n’est pas le cas pour le moment. C’est l’esprit que nous avons. C’est cet esprit que nous voulons faire entendre et comprendre. Nous croyons que pour que cela puisse prendre effet et rentrer dans le cadre de l’opérationnalisation de cette vision. Il faut qu’il y ait rencontre préalable, échange et consentement mutuel pour aller dans ce sens. De façon, théorique c’est ce qui doit être mais dans la pratique ce n’est pas le cas. Dans les universités, le contact est déjà passé, par exemple à l’université de Bouaké. Nous allons installer notre représentant local pour consolider cela avec le président de l’université de Bouaké.

La Posec-Ci regroupe un ensemble de syndicats universitaires tels la Cnec, le Synares, le Sylec etc. Alors, quels sont vos problèmes urgents pour l’ensemble des universités, instituts et centres de recherches de Côte d’Ivoire ?

 

  • Quand vous avez des enseignants-chercheurs et chercheurs, qui ont vu leurs salaires suspendus depuis bientôt un an, sans qu’aucun texte législatif, juridique et administratif ne puisse justifier cela. Il y a une injustice inacceptable parce que nous sommes, avant ou après tout en Côte d’Ivoire.

D’abord, il y a la situation à l’université de Cocody et à l’Ecole normale supérieure (Ens). Que nos camarades comprennent qu’il n’y a pas ces universités ou grandes écoles seulement qui font la Côte d’Ivoire. Mais, celles-ci ont des urgences importantes. Quand vous avez des enseignants-chercheurs et chercheurs, qui ont vu leurs salaires suspendus depuis bientôt un an, sans qu’aucun texte législatif, juridique et administratif ne puisse justifier cela. Il y a une injustice inacceptable parce que nous sommes, avant ou après tout en Côte d’Ivoire, une république donc un Etat de droit. On ne peut accepter cela. Depuis près d’un an, des enseignants ont eu leur compte d’épargne fermé ; ils n’arrivent plus à se soigner avec leur assurance Mugefci et Ivoire santé, etc qui ont été suspendus.

Il n’y a aucune preuve, aucun élément qui permet à ceux qui l’ont fait de le faire. Nous n’avons pas pour habitude d’envoyer nos problèmes à la justice raison pour laquelle nous recherchons des voies administratives. Nous voulons rencontrer d’abord les autorités pour qu’elles puissent régler ce problème, qui est identique pour l’Ens.

Certains de nos collègues ont été suspendus d’encadrement et autres activités parce qu’ils auraient refusé de remettre les copies aux étudiants. Des travaux effectués sur le terrain qui ont été refusés par le directeur de l’Ens pour des missions. Afin de mettre la pression sur lui, ils ont fait la rétention des copies. On a proclamé les résultats sans tenir compte des compositions des étudiants ; on a inventé des notes.

Dans notre jargon, on appelle cela de la fraude. Non content de faire cela, on suspend nos camarades enseignants. C’est le monde de gouvernance aujourd’hui qui pose les problèmes. Quand on veut poser le problème, on lève la chicotte, la brimade. Nous pensons que cette question de l’Ens mérite d’être réglée. L’Ens et l’université de Cocody ont les mêmes problèmes similaires quant aux indemnités de corrections ou heures complémentaires.

Le phénomène des ponctions de salaires et autres…

Depuis trois ans et de façon successive, à Cocody, chaque année, il y a des ponctions qui sont faites abusivement sur les revenus des enseignants. Des raisons sont avancées et qui ne convainc personne. Cette année, il faut évacuer ces questions parce que ça empoisonne et pollue l’atmosphère universitaire.

  • Depuis trois ans et de façon successive, à Cocody, chaque année, il y a des ponctions qui sont faites abusivement sur les revenus des enseignants.

Il y a aussi les maquettes pédagogiques. Parce que la vocation d’une université ou grande école, c’est la recherche et l’enseignement. Avec les nouvelles maquettes pédagogiques que nous avons dans nos universités, il y a réellement problème. On ne peut venir sous des intentions de petits calculs financiers ou économiques taillader des heures de cours, dans le système Licence master et doctorat (Lmd), en 32 heures, qui passent à 12h alors que c’est le même cours.

Nous ne voulons pas transiger avec la formation. Nous avons été formés pour être des enseignants-chercheurs et chercheurs qui enseignent ce qu’ils ont appris et dans les règles de l’art. Il y a une maquette pédagogique qui avait été initié depuis l’atelier de Bingerville, en 2014 ; nous marchons là-dessus jusqu’à ce que Cocody de façon unilatérale, on nous impose une autre maquette, où on taillade les heures.

Pourquoi, parce qu’on estime que les enseignants ont trop d’heures complémentaires ? La maquette pédagogique doit être retirée. La question  des règlements intérieurs à l’Ens et à l’Université de Cocody est l’accord de toutes les parties contractantes. Si par le passé, on a laissé l’administration d’écrire pour tout le monde, c’est parce qu’il n’y avait pas de problème. Maintenant que cela pose problème, nous disons qu’il soit désormais consensuel. Enfin, une autre urgence est la question de la gouvernance. Tout tourne autour de cette dernière. Quand nous sommes allés à la concertation nationale, en juin dernier, au Golf à Cocody, il a été dit en plénière, un mode d’élection pour nos gouvernants.

 

  • Le Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, depuis 2017, nous a donnés une bonne nouvelle concernant la hausse des salaires et primes de recherches.

Il y a également l’épineuse difficulté des infrastructures. Même si on ne peut rien faire, il faut qu’il y ait au moins le Wifi, cette année même 2019. Le Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, depuis 2017, nous a donnés une bonne nouvelle concernant la hausse des salaires et primes de recherches. Nous lui faisons confiance et demandons de regarder dans le sens de sa parole pour la tenir et donner un souffle nouveau aux enseignants- chercheurs qui ne demandent que d’avoir les moyens pour vivre et faire leurs recherches et enseignements.

Interview réalisée par Magloire Madjessou

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