Pour obtenir justice dans des affaires d’assassinats de journalistes, trois grandes organisations de défense de la liberté de la presse créent un tribunal chargé d’enquêter sur ces meurtres et de demander des comptes aux gouvernements. Ce tribunal composé de juristes internationaux de premier plan s’appuie sur des enquêtes et des analyses juridiques pointues portant sur des cas spécifiques qui se sont produits dans trois pays, le Sri Lanka, le Mexique et la Syrie. Ce 2 novembre s’est tenue à La Haye une audience sur les crimes commis contre les journalistes
La violence contre les journalistes est en hausse dans le monde entier. Depuis 1992, plus de 1 400 journalistes ont été tués, et dans huit cas sur dix où un journaliste est assassiné, les meurtriers ne sont pas appréhendés. Le niveau élevé et persistant d’impunité perpétue un cycle de violence contre les journalistes, ce qui constitue une menace pour la liberté de la presse.
Dans un élan majeur pour une plus grande justice, les principales organisations de défense de la liberté de la presse, Free press unlimited (FPU), Reporters sans frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), ont demandé au Tribunal permanent des peuples de convoquer un tribunal éponyme pour statuer sur l’assassinat de journalistes. Ceux-ci ont pour objectif de faire en sorte que les États responsables des violations du droit international assument leurs responsabilités en sensibilisant le public et en regroupant des preuves juridiquement recevables. Ils jouent un rôle important dans l’autonomisation des victimes et l’enregistrement de leur témoignage. Le tribunal du peuple chargé du meurtre des journalistes en question mettra en accusation les gouvernements du Sri Lanka, du Mexique et de Syrie pour ne pas avoir rendu justice dans les affaires de meurtres de Lasantha Wickrematunge, Miguel Ángel López Velasco et Nabil Al-Sharbaji.
“L’audience d’ouverture du 2 novembre marque la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes. Cette initiative va au-delà de la dénonciation des autorités qui permettent ce niveau d’impunité terrible. Elle vise à donner un exemple concret et utile de la réponse judiciaire qui devrait être apportée à ces crimes, “ déclare Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).
“Le rôle du tribunal est important pour obtenir justice pour ces journalistes courageux, mais il donne également aux membres de leur famille et à leurs collègues l’occasion de s’exprimer et de partager leurs propres témoignages ainsi que l’impact que ces meurtres brutaux a eu sur les proches des victimes. Ceux qui survivent et travaillent sans relâche pour donner voix au destin de ces journalistes font souvent face à des menaces et à du harcèlement. Leurs voix sont cruciales dans les efforts actuels pour lutter contre l’impunité,” ajoute Joel Simon, Directeur exécutif du Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
“Trop de journalistes courageux ont été assassinés pour avoir fait leur travail : rapporter la vérité. Le tribunal du peuple exige que justice soit rendue pour ces crimes odieux, et souhaite créer un effet de levier pour mobiliser les États afin qu’ils luttent contre l’impunité pour les meurtres de journalistes. Nous pouvons et nous devons faire davantage pour traduire en justice les auteurs de ces crimes. C’est ce qui a inspiré le projet ‘A safer world for the truth’,” conclut Leon Willems, Directeur, Politique & Programmes de Free Press Unlimited (FPU).
La célèbre avocate des droits de l’homme Almudena Bernabeu dirigera l’accusation pendant la première audience. « La liberté d’expression est un droit humain essentiel. Pourtant, la fréquence des violations graves commises à l’encontre des journalistes, conjuguée au niveau élevé d’impunité qui prévaut, est alarmante. Il est temps que les États assument leurs responsabilités,” explique celle qui œuvrera en tant que Procureur du tribunal du peuple sur l’assassinat des journalistes.
Parmi les témoins clés qui livreront leurs témoignages figureront l’éminente journaliste philippine Maria Ressa, Hatice Cengiz, universitaire et fiancée du journaliste saoudien Jamal Khashoggi assassiné en 2018, Matthew Caruana Galizia, journaliste et fils de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia assassinée en 2017, et Pavla Holcová, journaliste d’investigation et collègue du journaliste slovaque Ján Kuciak assassiné en 2018.
Source : Rsf