Chaque soir, au milieu des maquis et restaurants animés de Yamoussoukro, des enfants en haillons, bol en main, quémandent de quoi manger. Ces jeunes garçons, âgés de 11 à 14 ans, errent de table en table, espérant un geste de charité dans une capitale éloignée du tumulte d’Abidjan.
Seydou, 11 ans, Ousmane, 12 ans, et Drissa 14 ans viennent de Bouaké. Leur quotidien : mendier. « Nous sommes ici pour survivre. Nous cherchons simplement de quoi manger », raconte Drissa, vêtu d’un pull déchiré, tout en s’excusant du dérangement causé par leur présence constante dans les lieux de restauration. Il est 20h05. Dimanche 15 septembre 2024.
Leurs journées, et surtout leurs nuits, se déroulent au milieu de tables des maquis, où ils sollicitent la générosité des clients. « Nous dormons parfois à la belle étoile, parfois à la mosquée, près d’ici », explique Seydou. Tous ont quitté l’école.
Seydou a arrêté en classe de CE2 et espère pouvoir y retourner si une âme charitable l’y aide. Ousmane, malgré son absence d’éducation formelle, déchiffre difficilement quelques mots en français, un exploit pour un enfant qui n’a jamais mis les pieds à l’école. Il tient cela de son frère cadet, qui a fait l’école.
Conditions de vie précaires et insécurité
Ces enfants passent leurs nuits dans la rue, exposés à de nombreux dangers. Drissa confie que lui et ses camarades sont souvent accusés à tort de vol ou d’agression. « On nous prend pour des délinquants, mais nous ne faisons que mendier pour survivre », se défend-il. Un homme, attablé dans un maquis, les accuse d’agressions nocturnes, une affirmation que les enfants réfutent avec amertume.
Les récits de ces jeunes soulèvent des questions sur leur sécurité et sur l’exploitation potentielle dont ils pourraient être victimes. Certains affirment avoir été conduits à Yamoussoukro par des adultes, avec pour mission de rapporter de l’argent.
Un phénomène préoccupant
Pour Anne, tenancière de maquis, ces enfants sont un spectacle quotidien. « Ils ne volent pas. Ils demandent juste de quoi manger », observe-t-elle. Cependant, les spécialistes tirent la sonnette d’alarme. Berthe Pohann, psychopédagogue, s’inquiète de cette mendicité organisée : « Ces enfants apprennent à survivre sans effort, exposés à la rue et à des risques de prostitution ou de délinquance. Ce n’est pas un modèle éducatif acceptable ».
La législation ivoirienne protège pourtant les enfants jusqu’à 16 ans, les obligeant à être scolarisés. Les adultes encourageant la mendicité infantile risquent jusqu’à deux ans de prison. « Il est crucial que ces enfants soient retirés de la rue et placés dans des environnements sécurisés », souligne Mme Pohann.
Dans plusieurs villes de Côte d’Ivoire, notamment à Yamoussoukro et Bouaké, ces enfants errants ne sont pas rares. « Ce ne sont pas des enfants en conflit avec la loi, ce sont des victimes d’un système qui les exploite », conclut un habitant. Ils aspirent simplement à une vie meilleure, loin des dangers de la rue, mais leur avenir reste incertain.
Magloire Madjessou, envoyé spécial à Yamoussoukro
Encadré
A ne pas confondre avec les « enfants en conflits avec la loi »
Dans ces grandes villes du pays, que ce soit Bouaké, Yamoussoukro, Daloa… tous les soirs, ces enfants munis de « boîtes de tomates » font la ronde à la recherche de nourritures. Ces enfants, selon des personnes qui les connaissent bien, seraient venus de loin, peut-être de Bouaké, Yamoussoukro, Bouaflé, Daloa…pour mendier, sans doute, afin de donner de l’argent à leur tuteur ou parents.
Ces personnes adultes qui font cette sale besogne, cachent leur identité et envoient ces enfants pour mendier dans les rues et villes du pays. Alors qu’ils sont encore très petits, et ont l’âge d’y aller à l’école. Mais, la rue et les maquis sont devenus leur quotidien
Dans notre reportage, nous avons appris que certains d’entre eux, sont des agresseurs. Cette idée est vite battue en brèche par certaines personnes, qui tous les soirs, les voient errer dans ces maquis.
Ces enfants, qui aujourd’hui, sont à Yamoussoukro, ne sont ni braqueurs ni agresseurs. Ce ne sont pas des enfants à comparer avec ce qu’on appelle « les enfants en conflits avec la loi ». Eux, ce sont plutôt des enfants qui veulent avoir une vie décente comme tout bon enfant. Mais l’avenir ne leur pas sourit.
M.Madjessou