Depuis la fin de la crise post-électorale, une nouvelle forme de délinquance juvénile s’est développée à partir d’un groupe d’enfants et adolescents de 10 à 20 ans, appelé « microbes » semant désolations et morts. Une situation très préoccupante que le ministre d’Etat, ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, affirme régler une fois élu maire à Abobo, une commune peuplée d’Abidjan et réputée surtout pour son banditisme à outrance.
En pré-campagne pour les élections municipales du 13 octobre prochain, à Abobo, une commune située au nord d’Abidjan, jeudi 19 juillet 2018, le ministre d’Etat, ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, candidat du Rassemblement des républicains (Rdr), déclarait ceci : « Je vais gérer la question de la sécurité dans la commune d’Abobo ». Ces phrases ont été rapportées par le journal Le patriote dans son édition N°5578.
Abobo et « les microbes »
Abobo, une commune érigée en 1985‒avec une population estimée à 1.500.000 habitants−et une superficie de 10.000 ha (100km2), soit une densité de 167 habitants à hectare. Ces données de 2014 sont fournies par l’Union nationale des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci). Commune du District d’Abidjan, Abobo située au nord de la capitale économique, où l’activité économique du secteur informel est beaucoup développée. Elle connait depuis l’éclatement de la crise postélectorale de 2011, l’apparition d’un type d’enfants agresseurs, voleurs et criminels appelés communément « les microbes ».
Cette appellation aux allures péjoratives et avilies, le gouvernement a dû trouver un autre nom plus conforme et conciliant, « enfants en conflit avec la loi ». Mais dans l’opinion ivoirienne, des observateurs avertis la rejettent et préfèrent les stigmatiser par ce vocable. Ces derniers, estiment-ils, font la pluie et le beau temps, défient la loi, et seraient même protégés par le gouvernement pour leurs actes répréhensibles dans la métropole abidjanaise. Alors que l’Etat devait régler le problème d’insécurité auquel des milliers d’Ivoiriens sont confrontés, hélas, au quotidien.
Election oblige ?
Dans le starting-block du parti au pouvoir, le Rassemblement des républicains (Rdr) a décidé de positionner pour les élections municipales du 13 octobre, à Abobo, le ministre d’Etat, ministre de la Défense, Hamed Bakayoko. En remplacement de l’actuel maire nommé par décret présidentiel Médiateur de la République, Adama Toungara. Qui a été élu sous la bannière de ce parti en 2001. Le ministre candidat aux prochaines élections municipales à Abobo fut pendant six ans ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité de Côte d’Ivoire. Ce n’est qu’en janvier 2017 et juillet 2018, à la faveur d’un remaniement ministériel qu’il a été proposé comme le nouveau ministre d’Etat en charge de la Défense. La commune d’Abobo est stratégique et importante pour les différents candidats et chapelles politiques.
Parce qu’elle compte une importante population et militants engagés qu’on retrouve sous des couleurs politiques Rdr, Pdci-Rda et Fpi. Même si des observateurs affirment que depuis à la fin de la crise, elle est redevenue le bastion inconditionnel du Rdr. En 2000, l’ex-Première dame Simone Ehivet Gbagbo avait été élue députée du Front populaire ivoirien (FPI) dans cette même commune. Si le Rdr a positionné le responsable de la Défense, sans doute, il ne veut pas que ce bastion l’échappe encore. « Ma formation politique m’a demandé de me rapprocher d’Abobo (…) Je suis conscient des défis du développement à Abobo. Si mon positionnement peut permettre de régler ces problèmes, alors je suis d’accord », avait lancé Hamed Bakayoko, à la chefferie traditionnelle, le 10 juillet 2018.
Car, quoiqu’on dise, cette commune peuplée et cosmopolite enregistre des milliers de militants proches du pouvoir. Hamed Bakayoko arrivera-t-il au-delà du discours politique, avec son opération de charme, en pareille circonstance, à endiguer ce phénomène dont ces tentacules ont pris des proportions inquiétantes à Abidjan ? Malgré les multiples opérations de sécurisation d’Abobo et dans tout Abidjan initiées sous sa tutelle de 2011 à 2017, le phénomène s’est plutôt intensifié, et laissant perplexe, au demeurant des Ivoiriens sur le rôle régalien du ministère en charge de la sécurité…
La volonté politique peut-elle épargner Abobo ?
Ce choix politique, opéré par le Rdr, en faveur d’un candidat potentiel à la mairie d’Abobo, mérite que des experts décortiquent, analysent, interprètent le discours politique de cet homme d’Etat. « C’est une marque de volonté politique de lutter contre un phénomène social, qui de plus en plus prend de l’ampleur, inquiète le gouvernement et les gouvernés, principalement les populations de la commune d’Abobo », a affirmé Geoffroy Kouao, analyste politologue et juriste. « Car, cela n’honore pas l’image de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, il sera difficile pour le ministre Hamed Bakayoko de juguler ce phénomène de criminalité », a-t-il fait savoir. Hamed Bakayoko fut pendant six ans ministre de l’Intérieur et de la Sécurité de Côte d’Ivoire, au moment de l’apparition de ce phénomène « enfants microbes », en 2011.
Selon Kouao, le gouvernement doit réfléchir à un programme d’urgence destiné au règlement de cette situation et la création d’un Secrétariat d’Etat chargé de la lutte contre la criminalité des mineurs. « », a-t-il estimé. En outre, le politologue s’est offusqué vertement contre cette appellation « d’enfants en conflit avec la loi ». « Les enfants ne sont pas en conflit avec la loi mais plutôt la conséquence de nos turpitudes, de nos inconséquences. Ils sont le résultat de la crise politique et militaire connue par la Côte d’Ivoire pendant près d’une décennie ».
Bien qu’Abobo soit considérée pour son grand banditisme, il n’en demeure pas moins qu’elle est « la plus sécurisée ». « Nous faisons régulièrement des patrouilles à Abobo et cela a permis de diminuer le taux de criminalité. Il n’y a plus trop d’agressions. L’indice de sécurité a considérablement baissé aujourd’hui à Abobo », rassure le Commissaire Begromissa Alain, Chef de service enquêtes générales à la Préfecture de police d’Abidjan. « Les rafles ont contribué à la baisse de l’insécurité. Alors qu’avant on était à 120 rafles jour. Aujourd’hui, nous sommes passés à 250 rafles. C’est toujours possible que l’indice de sécurité baisse mais on ne peut la régler la sécurité définitivement », confirme-t-il.
Ces dernières années, la Côte d’Ivoire a atteint un taux de croissance spectaculaire oscillant entre 8 et 9% estimé d’ailleurs comme un indicateur économique performant par les institutions financières. Ce taux semble être battu en brèche en raison que des fruits de la richesse ne profiteraient pas aux Ivoiriens. De plus, il y a une paupérisation généralisée dans le pays, qui a des répercussions également sur l’insécurité et économie. Rodrigue Fahiraman Koné, sociologue en charge des questions de paix, sécurité et développement à African security sector network (ASSN), analyse l’évolution de la criminalité juvénile sur l’aspect économique.
« Il faut d’abord comprendre les mécanismes structurants de ce phénomène. L’économie est impliquée parce qu’elle créée davantage des inégalités sociales. Lorsqu’on examine l’origine sociale et familiale de ces enfants, ils sont issus de familles démunies. En dehors d’Abobo, il y a des zones déclassées, où l’Etat est totalement absent, c’est-à-dire pas d’école, de centre de santé, manque d’infrastructures de base et d’emplois », a-t-il analysé. « Ces enfants sont récupérés par d’autres milieux alternatifs dans lesquels ils sont impliqués. Dans la rue, les stratégies de survie tournent à l’usage de la violence », a commenté Koné.
Autres cibles
En dehors de la commune d’Abobo, où est partie le concept, la criminalité juvénile et son mode opératoire, la violence s’est répandue aussi dans les communes d’Abidjan, qui payent l’indécence, la délinquance et la force des armes sur la loi, par la faute des enfants malfrats. C’est quasiment tous les jours que des communes de Yopougon, Attecoubé, Koumassi, Port-Bouët, Adjamé, Cocody, Anyama…ces gamins armés d’armes blanches, de gourdins, de pistolets etc agressent, dépouillent et assassinent des honnêtes citoyens sur leur passage. De jours comme de nuits sans qu’ils soient nullement inquiétés de leurs actes et mouvements.
CLASSEMENT PAR REGION ABIDJAN ET PERIPHERIE DE MAI 2016 A MAI 2018 | |||||
TRANCHE D’AGE | NOMBRE | % | REGION | NOMBRE | % |
16 à 18 | 834 | 7 | Nord | 20265 | 60 |
18 à 25 | 6402 | 53 | Ouest | 5870 | 16 |
25 à 35 | 4476 | 37 | Sud | 2739 | 9 |
35 à 50 | 216 | 2 | Centre | 953 | 3 |
55 à 80 | 66 | 0,05 | Est | 616 | 20 |
TOTAL | 12 012 | TOTAL | 30 443 |
– Enfants interpellés 834 | |
– Hommes interpellés 11. 178 | |
– 0,5% de sexe féminin dont 53% femme |
Un taux de criminalités préoccupant à Abidjan
Au début de l’apparition de cette nouvelle forme de criminalité, et à chaque opération ponctuelle, quelques 5.000 forces de l’ordre sont déployées pour la sécurisation de certains quartiers d’Abidjan à travers des opérations « Epervier 1, 2 et 3 ». Selon les chiffres du service des enquêtes générales du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, indiquant un bilan de criminalité à Abidjan et périphérie, sur la période du 1er décembre 2016 au 22 mai 2018. Le bilan mentionne que sur cette période des ivoiriens et non ivoiriens étaient impliqués dans ce banditisme. Dont 4700 ivoiriens interpellés soit 39% ; concernant les enfants de 16 à 18 ans, on a enregistré un taux de 7% et 90% d’adultes interpellés. Pour la période de mai 2016 à mai 2018, l’opération Epervier 1 et 2 a permis d’interpeller 3. 326 enfants soit 6,6% et 87 filles mineurs soit 0, 2%. Une importante quantité de drogue saisie au cours de ces opérations : 49, 945kg cannabis; 651dose de cocaïne ; 13 sacs de cannabis et 14 737 comprimés PPNE.
A ces opérations, 830 fumoirs détruits, 10.475 armes blanches, 19 armes à feu et 678 munitions saisies.
PERSONNES INTERPELLEES SUR LA PERIODE DE MAI 2016-MAI 2018 | ||||
( OPERATION EPERVIER 1 ET 2) | ||||
NATIONALITE | NOMBRE | % | ||
Ivoirien | 30443 | 60 | ||
Burkinabè | 7964 | 15,7 | ||
Nigérian | 4876 | 9,6 | ||
Malien | 2796 | 5,5 |
- 7% sont des enfants
- 98% sont des adultes
SEXES ET CATEGORIES |
||
NOMBRE | % | |
Enfants mineurs | 3326 | 6,6 |
Filles mineures | 87 | 0,2 |
Adultes | 47187 | 93 |
Femmes adultes | 123 | 0,2 |
Magloire Madjessou