Côte d’Ivoire, père Lorougnon (officiant la prière de Dj Arafat) : « Il s’agit de savoir étant là-bas, est-ce que j’ai bien fait ou mal fait la prière ? »

Père Serge Azidé Lorougnon, prêtre jésuite et spécialiste en Droit humanitaire international, est celui qui a fait la prière, lors de la veillée artistique, vendredi 30 août, au stade Félix Houphouët-Boigny Plateau, de Ange Didier Houon, alias Dj Arafat. Depuis cette prière dite, l’abbé Lorougnon est au cœur des critiques les plus acerbes sur les réseaux sociaux et autres. Dans cette interview accordée à Credochristi.com, le père explique avoir reçu l’accord de sa hiérarchie pour dire la prière et interpelle tous à étudier le phénomène Dj Arafat.

Père, connaissez-vous la famille de Ange Didier Houon connu sous le pseudonyme Dj Arafat ?

Je connais bien la famille et l’artiste Dj Arafat.

Lors de la veillée artistique de Dj Arafat, le vendredi 30 août, au stade Félix Houphouët-Boigny Plateau, à Abidjan, vous avez dirigé la prière en la mémoire du défunt. Avez-vous eu l’accord de vos supérieurs hiérarchiques ?

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Je n’ai pas voulu répondre à certaines polémiques qui ont été faites contre ma personne. Ceux qui l’ont dit, l’ont fait sous un effet de colère. Sinon, j’ai parlé avec les autorités ecclésiastiques, raison pour laquelle elles n’ont pas voulu répondre en son temps à ces critiques. Il s’agit de savoir étant là-bas, est-ce que j’ai bien fait ou mal fait la prière ? On peut avoir une autorisation et ne pas bien faire (rire). Je signale que je n’ai pas célébré de messe à cette veillée. Je ne fais pas de palabres avec des grands frères prêtres. Si certains estiment que j’ai célébré une messe ou pas, l’évêque aurait dû m’en informer. Sinon, il n’y a pas eu de messe de requiem à cette veillée artistique à l’honneur de Dj Arafat.

En tant que prêtre, dire une prière pour un artiste est-ce un péché ?

Il n’y a rien de mal. Parce que si je vous connais et que vous n’êtes pas catholique, je peux aller à vos funérailles. On a des parents qui ne sont pas catholiques, et lorsque ceux-ci meurent, on participe à leur veillée funèbre. En fait, cela cause problème parce qu’il s’agit de Dj Arafat qui est populaire. Ce que je ne peux pas faire, parce qu’il est mon ami et je souhaite qu’on fasse une messe de requiem dans une église pour lui. Est-ce normal que vous connaissez une personne qui meurt et vous ne vous rendez pas à ses obsèques ? Nous n’avons pas voulu répondre à ces polémiques. Ce que je veux dire s’il ne remplit pas les conditions, on n’a pas le droit de prendre son corps et venir dans une église pour faire une messe de requiem. Car, une messe de requiem prédispose la présence d’un corps. Nous n’avons pas fait.

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Après avoir dirigé la prière du vendredi nuit au stade, quels commentaires ont fait vos confrères ?

Des confrères m’ont appelé pour me féliciter et d’autres pour me donner des conseils en me demandant comment j’ai pu diriger cette prière. En fait, j’ai prié pour la Côte d’Ivoire et confié le bon déroulement des obsèques de l’artiste. Ça on peut le faire. Des parents peuvent demander des messes, aujourd’hui, pour Dj Arafat, même s’il n’est pas chrétien. Ce qu’on ne pouvait pas faire, c’est-à-dire le corps est là et on va faire une messe. Parce que de son vivant, il ne remplissait pas les conditions pour avoir des funérailles chrétiennes.

Vous qui avez connu Dj Arafat et en qui des milliers de jeunes appelés « Chinois » se reconnaissent pour avoir impacté  « positivement » leur vie. Comment définissez-vous aujourd’hui cette légende du coupé-décalé, mort à 33 ans dans un accident de moto ?

Je dirais qu’il est signe de contradictions. Pour certains un mauvais exemple et pour d’autres, il a réussi à les canaliser. Je dis qu’il faut toujours étudier le phénomène Dj Arafat pour savoir qu’est-ce qu’on peut tirer et ce qu’on peut faire après. Sinon, on peut rester dans les condamnations. Pourquoi ces jeunes-là se reconnaissent en lui ?  Pas en moi, pas à vous qui êtes journaliste ? Lorsqu’on parle des « Chinois », les gens voient ce qu’on appelle les enfants de la rue. Or,  les « Chinois » ce sont plutôt des gens plus honnêtes, sérieux. Je reste sur le cas des enfants qu’on appelle communément les laissés pour compte du système ivoirien ; je crois qu’il faut faire une étude pour savoir pourquoi ils se reconnaissent en lui sincèrement, qui est l’artiste Arafat, et qu’est-ce qui reconnaissent comme valeurs. Sinon, on tombe dans la négation. Quoique vous fassiez, eux disent que c’est leur idole. Si vous ne faites rien pour comprendre le phénomène, vous passez à côté.

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Il y a eu le samedi noir, avec la profanation de la tombe de l’artiste, dont les images horribles ont circulé sur la toile…

J’avoue que j’ai eu très mal au cœur. Je dis que ces enfants sont le reflet de notre manière de faire. Aujourd’hui systématiquement les réseaux sociaux deviennent le seul moyen de communication pour se faire entendre. Moi, je n’irai pas profaner une tombe, comme vous aussi. Est-ce la douleur qu’on ressent pour nous ses amis, parents, connaissances ? Cependant, c’est une interpellation de la société. Il y a des gens à côté que nous ne devons pas laissés pour compte.

Réalisée par Magloire Madjessou