Décédé, le 2 novembre 2022, à Abidjan, l’écrivain ivoirien Charles Nokan ou Charles Zégoua Gbessi Nokan était âgé de 85 ans. Sur sa page Facebook, l’écrivain et dramaturge, Tiburce Koffi, rend hommage à l’ancien compagnon du président Félix Houphouët-Boigny.
Charles Nokan disparaît à un âge relativement avancé. 86 ans. Il part, riche d’une production abondante qui incorpore romans, pièces de théâtre, poèmes. C’était un intellectuel sans histoires, à l’image de ses livres sans tourments, conduits avec conscience didactique (c’était un enseignant), et surtout dans une ligne idéologique saine et rigoureuse : combattre la suprématie capitaliste, bourgeoise.
Il était le chantre modéré d’une littérature de la libération et du refus de l’asservissement. Ses textes s’inscrivent dans la thématique marxiste de la lutte des classes. Ils sont à ranger dans l’esthétique du réalisme social qui prospéra dans la Russie du XIX e siècle, en URSS et dans la Chine maoïste.
Sans être un stylistique, Nokan est, historiquement, le précurseur de l’écriture dite « nzassa » que professera de manière flamboyante et bellement désordonnée Jean-Marie Adiaffi. Tout différemment de J.-M Adiaffi, Nokan militera, lui, pour une écriture à la fois libre et encastrée dans une sobriété formelle qui était loin de m’exalter.
Héraut du communisme, il n’était pourtant pas un idéologue hystérique. Il croyait plus en l’engagement individuel qu’aux mouvements de masse (comme les partis politiques). Je ne lui ai pas connu d’acte d’adhésion à un parti politique. C’était un homme de gauche libre, et surtout sincère. Je le tiens, avec le Pr Wodié, pour les hommes de gauche ivoiriens les plus intègres.
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Charles Nokan portait dans son cœur chargé de feux qu’il ne manifestait pas publiquement, le douloureux souvenir de son incarcération à Assabou. Son anti houphouétisme était aussi viscéral que son anti impérialisme. Il était pourtant le cousin d’Houphouët-Boigny. Mais Assabou les auras divisés à jamais. Son alter ego dans le champ universitaire était le Pr Barthélémy Kotchy. D’aucuns les traitaient de dogmatiques.
J’ai connu Charles Nokan. Il a toujours incarné à mes yeux, le bon stakhanoviste, « bosseur », fidèle à son pays et à l’idéologie qui a forgé son attachante personnalité. Sobre, d’une droiture presque mécanique, il nous a « traversés » de son regard toujours lointain et un tantinet moqueur. Il partageait avec Zadi Zaourou ce sens du dépouillement qui les rendait tragiquement admirables ; et ils furent nos repères à nous autres étudiants contestataires des années 1970.
En Diogènes modernes de la cité, ils vivaient dans un superbe détachement face aux valeurs matérielles. Charles Nokan est mort dans le dénuement propre aux intellectuels africains qui se sont murés dans une intégrité qui a résisté aux airs du temps. « Violent était le vent » reste son texte majeur. Hommage à un respectable aîné. À un intellectuel intègre surtout.