En Côte d’Ivoire, avec l’avènement de la pandémie à Coronavirus, le phénomène des Violences basées sur le genre (Vbg) a pris des proportions inquiétantes au sein de la population. Même si le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant ne donne pas des taux nationaux mais préfère les chiffres, la sensibilisation, la prévention et la réduction des Vbg. Cependant, ces violences se sont accentuées dans le district autonome d’Abidjan et villes du pays, depuis la Covid-19.
Selon un Rapport de l’Ong Citoyennes pour la promotion et défense des droits des enfants, femmes et minorités (Cpdefm), les violences faites aux filles et aux femmes, réalisé dans six communes d’Abidjan auprès d’un échantillon de 5 556 personnes, dont une majorité de femmes. A Abidjan, note le Rapport, qui compte 5 millions d’habitants, 416 féminicides ont été enregistrés en 2019 et 2020.
En Côte d’Ivoire, comme partout dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), les violences envers les femmes ont explosé lors des périodes de restrictions liées à la pandémie. Ainsi, 30 % des violences sexuelles répertoriées par le rapport (mariage forcé et viol) ont eu lieu pendant le couvre-feu (mars-mai 2020). Si 1 290 cas de mariages de mineures ont été recensés entre 2019 et 2020, un pic a été observé en période de restrictions.
Pour l’année 2019, il y a eu 3 193 cas rapportés et 5 405 cas rapportés en 2020, en Côte d’Ivoire.
Les foyers conjugaux sont le lieu de la manifestation de ces violences. La peur, le stress etc sont, entre autres, facteurs qui pourraient expliquer cet état de fait.
Selon les statistiques de mobilisation sociale du Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, pour l’année 2019, il y a eu 3 193 cas rapportés et 5 405 cas rapportés en 2020, en Côte d’Ivoire.
« C’est un peu le stress des uns et des autres. Il y aussi certaines habitudes qui se retrouvent chambouler. Le fait d’être enfermé, ça fait développer beaucoup de stress et celui-ci normalement va agir. Dans l’environnement conjugal, il va s’en dire que la tension est persistance. En plus, les écoles étant fermées, les enfants à la maison. Les parents sont aussi à la maison. Le stress d’être à la maison, de s’occuper de ses enfants, l’un mis dans l’autre, avec sa conjoint(e) qui est là, tout le monde avait les nerfs à fleur de peau », explique Socrate Koffi, chef de service communication et mobilisation sociale au Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (Ndlr, la structure en charge contre les violences basées sur le genre en Côte d’Ivoire).
Pour lui, a défaut d’avoir une forte résilience, on bascule dans la violence. Au niveau des Vbg, il y a des types de violences : la violence sexuelle, la violence physique, le mariage forcé, le viol etc. Au sein du ministère en charge des Vbg, il existe des plateformes de collaboration, où il y a le médecin, le policier, l’acteur de justice, prestataire psycho-social à même de contribuer à la réponse Vbg. Pour les plateformes mises en place par la structure, il y a des plaintes déposées par les survivants. « On a des viols, des agressions sexuelles et beaucoup d’agressions physiques. A côté des agressions physiques, il y a des mariages forcés d’enfants et des dénis de ressources d’opportunité ou de services, qui souvent des personnes, qui ont les moyens de s’occuper de leurs conjoints, arrêtent sans raison valable. Il y a aussi les violences psychologiques (humiliations, injures) », souligne l’expert en Vbg, Koffi.
Des chiffres alarmants
En Côte d’Ivoire, les Vbg occupent une place de choix dans la stratégie du ministère de tutelle. Des Ong et société civile sont mises à contribution pour apporter une réponse significative face à ce phénomène qui prend de l’ampleur dans tout le pays. En 2020, il y a eu 5 405 cas rapportés (toutes violences confondues) et 2019, 3 193 cas rapportés. Mais, l’on note que le déni de ressources d’opportunité ou de services bat le record en termes de nombre, qui est de 2 119 cas rapportés. « La violence ne trie pas en termes d’âges. Toutes les couches sont vulnérables. En Côte d’Ivoire, il y a eu une recrudescence de cas de viol sur les enfants », ajoute-t-il.
Concernant les tranches d’âges, en 2020 : enfants de 0 à 4 ans, il y a eu 26 filles. 18 à 24 ans, nous avons 132 filles survivantes dont 1 garçon violé. De 15 à 18 ans, 275 filles pour 3 garçons et 10 à 14 ans, il y a eu 294 filles pour 4 garçons. De 5 à 9 ans, il y a 81 filles pour 2 garçons violés. 25 et plus, on a 55 filles et 2 garçons. Par sexe, on dénombre un total de 805 femmes et 14 hommes violés. Moins de 18 ans, il y a 631 personnes et plus de 18 ans, on a 191 survivants « En Côte d’Ivoire, le viol est un crime. Il faut pouvoir dénoncer et protéger celui qui dénonce. C’est pourquoi, en matière de Vbg, nous avons des principes directeurs, que tout intervenant doit pouvoir observer. »
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Une vie difficile, amputée… et un centre de secours
Au centre de Sauvetage de Toits-rouges de Yopougon, un centre de transit mixte accueille les enfants victimes de pires formes de violences et d’abus. L’Ong Dignité et droits pour les enfants en Côte d’Ivoire (Dde-Ci), qui a pour mission, entre autres, protection, réhabilitation et réinsertion des enfants abandonnés, exploités et abusés, à ses locaux depuis quelques années. Cette association héberge des enfants ivoiriens et non ivoiriens abusés et exploités, âgés de 5 à 17 ans. Il reçoit également des enfants migrants de l’Organisation internationale des migrants (Oim). De 2018 au 30 juin 2021, 422 enfants dont 195 filles ont séjourné au centre Sauvetage. Depuis août 2021, il y a 24 enfants dont 10 garçons bénéficiant des conseils, de l’encadrement et de l’assistance morale et juridique de Dde-Ci.
Le 2 avril 2021, Annie, âgée de 16 ans, arrive dans ce centre, après avoir été violée, plusieurs fois, par son beau-père. « Il me disait qu’il m’aimait à chaque fois. En retour, je lui disais d’arrêter ces choses-là. Un jour, ma mère n’était pas à la maison. Nous étions deux, et c’est en ce moment là qu’il a profité de moi. Après son acte, il m’a interdit de ne dire à personne. Etant donné qu’il payait mes études. Si je disais à une quelconque personne, il ne paierait plus mes cours et mettrait à la porte ma mère », confie Annie, qui a arrêté l’école en 6è. Prise de remords après des jours, elle s’est confiée in fine à la voisine qui a appelé la police.
« Ma mère informée de l’acte de son mari n’a pas réagi…selon elle, c’est à cause de moi que ce forfait est arrivé », s’est étonnée la jeune fille. « J’ai expliqué à la voisine, qui s’est rendue chez nous. Après les échanges avec ma mère, qui a finalement a compris, la voisine a demandé à ma mère de faire enfermer son mari. Ma mère a refusé au prétexte que c’est le père de ses enfants. Un jour, la police s’est rendue à la maison et nous embarque pour la brigade des mineurs. Mon beau-père violeur fut arrêté et emprisonné. C’est de la brigade des mineurs, je suis arrivée dans ce centre », explique-t-elle.
« …J’ai été informée de mon mariage par mes parents, il y a quelques jours. J’ai fui Séguéla parce que je ne voulais pas de ce mariage forcé que me proposaient mes géniteurs », témoigne Mariam.
Le mariage forcé fait également partie des violences faites aux survivantes. Séguéla, ville du nord du pays, fait face à ce genre de situation malheureuse et pénible pour la plupart des filles. Une fillette de 15 ans contrainte au mariage forcé a quitté précipitamment cette ville pour se rendre dans la métropole abidjanaise pour fuir cette réalité, sans connaitre Abidjan. Elle fut recueillie par une dame.
Avec son âge, cette dernière l’a conduit dans un commissariat le plus proche qui la remet au centre Sauvetage de Yopougon Toits-rouges. « J’ai dit à la dame qui m’a recueillie à la gare d’Adjamé que j’ai pris des risques en venant à Abidjan. J’ai été informée de mon mariage par mes parents, il y a quelques jours. J’ai fui Séguéla parce que je ne voulais pas de ce mariage forcé que me proposaient mes géniteurs », témoigne Mariam. « Je ne suis pas prête. Si je dois me marier, c’est lorsque j’aurai 22 ans », clame-t-elle. Depuis son arrivée à Abidjan, elle n’a reçu aucune nouvelle de ses parents.
Son arrivée dans ce centre, le 29 mai 2021, a été favorisé par la justice ivoirienne. Etant dans ce centre de Sauvetage, Mariam compte faire un boulot, celui de fille de ménage. Elle y est pour quelques temps. Tel est son objectif depuis son arrivée dans ce centre qui lui procure tout. « Dans ce centre de Sauvetage, les filles et garçons qui y sont bénéficies de tout. Nous partons souvent accompagner les responsables au marché, à l’église etc. Nous nous sentons très bien dans ce centre d’enfants abandonnés et abusés », souligne Mariam.
Perdre un être cher dans la vie, amène parfois à prendre des virages dangereux. Cette dangerosité de la vie, Yoann l’a vécue difficilement à la mort de sa mère arrachée à l’affection des siens, très tôt. Lui-même reconnait avoir eu pendant ce temps « des comportements déviationnistes » au sein du cercle familial. Son père, qui après des années a jugé que son fils était « un sorcier ». Pourtant, à 14 ans, il était très brillant en classe de 4è au lycée garçons de Bingerville.
« Ce qui a poussé des connaissances de la famille à me traiter d’enfant sorcier. Partant de ce fait, mon père a conclu que j’étais un enfant sorcier. Il m’a enlevé à l’école et inséré dans les camps de prières pour une délivrance. J’ai parcouru les villes de Dabou ; Njem sur la route de Jacqueville (où j’étais enchaîné pour 12 jours de jeûne forcé) ; Yopougon à Béago chez un pasteur qui m’insultait, me frappait etc. J’ai eu recours à ma tante, qui ne pouvant pas me garder chez elle m’a conduit dans un centre social. C’est de centre que nous avons été conduits à la brigade des mineurs de Cocody Abidjan. Je suis arrivé au centre Sauvetage, le temps de trouver une solution à mon problème », raconte Yoann. Qui est arrivé au centre le 30 mars 2021. Son père qui l’avait conduit dans les centres de prières venait le voir sauf lorsqu’il faisait des fugues.
Malgré sa présence dans les centres de prières pour les délivrances, Yoann avoue qu’il n’est pas sorcier. « Pour lui, son père se base sur des actes qu’il posait pour le qualifier de sorcier », affirme-t-il. La nature des actes posés à la maison, le jeune garçon n’a pas voulu aborder ce sujet sensible. Réintégré dans ce centre depuis mars dernier, Yoann dit avoir les 3 repas de la journée. « J’ai des amis, je peux jouer, on fait des activités. On nous apprend aussi à lire, à écrire et à compter ».
En termes de conseils à ses amis, le jeune de 14 ans déclare : « S’ils ont des mauvaises attitudes avec leurs parents à la maison qu’ils changent, demandent pardon et évitent d’être en conflit avec ceux-ci. Par contre, s’ils vivent dans ces situations de maltraitance et ont l’occasion de s’échapper qu’ils n’aillent pas dans la rue, car celle-ci est un mauvais endroit. Ils peuvent aller au commissariat pour expliquer leur problème, car, en Côte d’Ivoire, on soutient les enfants victimes de maltraitance et de traite. Si j’étais un parent et que les gens disaient que mon enfant est un sorcier, j’allais lui demander et faire ensemble des prières que de l’abandonner. »
« Une réponse multisectorielle »
Les Ong ou associations de défense de lutte contre les Vbg sont regroupées au sein de la plateforme du ministère pour une mission de coordination. Au niveau local, elles sont mises en place pour pouvoir travailler à la réponse, à la prévention et à la réduction des Vbg. Le Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant est une structure institutionnelle, qui lutte contre les Vbg. « La réponse doit pouvoir être multisectorielle. C’est à dire le secteur de la santé, de la justice, du social, du psychosocial, de l’économie, les Ong. Au niveau de notre structure, qui a le lead en matière de réponse Vbg, nous coordonnons la réponse. Les données collectées sont analysées et en fonction des données, nous prenons des décisions et orientions les plateformes en régions, quant à la sensibilisation sur tel ou tel sujet. Souvent, nous faisons la prévention, mais vous verrez dans le document de collecte de données », a déclaré Socrate Koffi, chef de service communication et mobilisation sociale.
Le Réseau des hommes engagés pour l’égalisation du genre en Côte d’Ivoire (Rheeg-Ci) existe depuis juillet 2019. Qui a pour rôle la contribution, la sensibilisation et l’éducation ayant pour cible directe les hommes. « On sensibilise à la déconstruction des stéréotypes sexistes, on sensibilise à la déconstruction de la masculinité qui finit par vulnérabiliser les filles et les femmes. C’est une mission de sensibilisation, d’éducation sur les douleurs de la masculinité et faire en sorte que les hommes accompagnent les femmes dans ce processus », a expliqué Ghislain Pelibien Coulibaly, expert en genre, sociologue et président de ce Réseau.
« Les 3% ne reflètent pas la réalité, dans la mesure où les hommes ne dénoncent pas systématiquement les cas de violences basées sur le genre », estime-t-il.
Selon Coulibaly Ghislain, dans le cadre d’une étude, 3 186 personnes ont été interviewées et identifiées dans les ménages. « Lorsque nous avons fini cette étude, ce qui a confirmé effectivement qu’il y avait une recrudescence des cas de Vbg en période de Covid-19, et de façon générale, lorsqu’il y a des cas d’urgence ou des situations de transit », a souligné l’expert en genre. Il y a 3% des hommes exposés aux violences, à l’en croire. « Les 3% ne reflètent pas la réalité, dans la mesure où les hommes ne dénoncent pas systématiquement les cas de violences basées sur le genre », estime-t-il. Les hommes en Côte d’Ivoire sont exposés autant que les femmes sur les Vbg. Même si on ignore aussi qu’ils sont le plus souvent muets sur cette réalité de la vie.
« Les cas de Vbg que subissent les hommes, ce sont les violences psychologiques et émotionnelles. Les jurons, les injures lorsque profèrent les femmes à l’endroit des hommes sont des cas de Vbg avérées. Certes, les cas de violences physiques ne sont pas toujours dénoncés par les hommes de peur d’être stigmatisés, mais il y a des femmes, aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, qui bastonnent leurs hommes », révèle Coulibaly Pelibien G. « Aujourd’hui, les hommes sont victimes du système social et du piège du processus de socialisation, qui associe les hommes à l’autorité du pouvoir et ils sont victimes, justement, des stéréotypes sexistes. Comment voulez-vous que ces hommes puissent dénoncer à la police les cas de Vbg dont ils sont victimes lorsqu’il s’agit des cas de violences physiques ? Ils seront eux-mêmes stigmatisés par leurs propres familles, dans leurs quartiers etc », s’interroge Coulibaly.
Emilienne Coulibaly est directrice générale de l’Ong Dignité et droit pour les enfants en Côte d’Ivoire (Dde-Ci). Cette association existe depuis le 27 décembre 2011. Selon elle, il y a de très bons rapports avec la cellule en charge des Vbg du ministère. Dans le centre de transit des survivants appelé centre Sauvetage Toits-rouges Yopougon, lorsque la fille est victime de viol, souligne Coulibaly, elle nous ait référé. Nous leur apportons assistance sociale, psychologique et alimentaire. « Nous recherchons la famille de la survivante, en cas de problème, nous faisons de la médiation. Nous faisons aussi de l’accompagnement scolaire avec l’enfant. Cet accompagnement se fait aussi longtemps que cette personne est dans le centre. L’assistance sociale va ensuite échanger avec elle etc. Il peut faire maximum plus de 6 mois dans ce centre. Après quoi, nous faisons la réinsertion familiale », détaille dame Coulibaly.
Les situations évoquées par les survivants dans ce centre, confirme Emilienne Coulibaly, sont le viol et les agressions physiques causés par le parent et le voisinage. Souvent, la mère de cette jeune fille informée de l’acte sexuel, mais préfère rester dans un silence de marbre, en protégeant son époux. « Les personnes survivantes sont des enfants 10 à 16 ans. Il y a aussi un garçon de 13 ans, qui a été sodomisé », a-t-elle affirmé.
Au nombre des chiffres mis à notre disposition par le ministère, nous n’avons pas pu avoir le taux de pourcentages des commune et villes qui a le record d’incidents rapportés. Notre interlocuteur ministériel dit ne pas maîtriser cet aspect.
*Les noms des survivants sont des noms d’emprunt
Magloire Madjessou
Socrate Koffi (Chef de service communication et mobilisation sociale de Vbg au MFFE)
« Nous avons enregistré des avancées »
Qu’est-ce qui expliquerait que les foyers conjugaux soient les lieux de la manifestation des Violences basées sur le genre ?
Souvent, il y a le poids de la tradition. Parce qu’il y a des violences commises pensant qu’on fait du bien à une personne, à un enfant peut-être au nom de la tradition. Cela n’est pas toujours vu comme une vie. Ça peut constituer souvent aussi des violences. Les parents, qui souvent disent être les garants de l’éducation, de la tradition et des valeurs de la société, refusent certaines violences. En parlant de violences, on pourra parler de mutilations génitales féminines. Ce sont des parents qui donnent leurs enfants pour qu’on fasse l’excision bien que ce soit une pratique ancestrale mais interdite en Côte d’Ivoire.
Mais, ces parents vous diront que moi-même, j’ai subi ces violences, ces rites et qui ne sont nullement des violences pour le bien des enfants. En Afrique, nous avons une réalité qui n’est pas celle des Occidentaux. Chez eux, on parlera de papa et maman. Alors qu’ici, nous avons papa, maman, le cousin, le neveu, l’oncle… et l’oncle même souvent vient passer quelques jours à la maison, qui ne se privera pas souvent d’agresser les enfants. Châtiments corporels qu’on inflige à nos enfants. Aujourd’hui, combien de parents en Côte d’Ivoire n’ont jamais levé la main sur les enfants ? C’est pour dire que ce sont des choses, qui sont souvent dans nos mœurs.
A côté de cela, nous avons l’histoire de notre vie. J’ai, vécu peut-être, dans un environnement, où la violence était de mise. Donc, la violence devient, pour moi, une seconde nature. Malheureusement, la Côte d’Ivoire, à travers ces crises successives depuis 1999, a connu cela. Aujourd’hui, vous voyez la recrudescence des enfants en conflit avec la loi ou « microbes », ces enfants-là, sont les adultes de demain. Ils seront appelés à fonder des familles mais ils fondront ces familles sur quelle base ou élevés les enfants qu’ils auront. Je pense que l’Etat est sur la bonne voie, avec tous ces programmes mis en place pour répondre à ces problématiques.
Quelles actions mène votre ministère afin d’endiguer ce phénomène aujourd’hui ?
Ce n’est pas seulement le ministère qui coordonne. C’est une action multisectorielle. Nous coordonnons la réponse au niveau de l’Etat. Vous savez même que la Côte d’Ivoire, en termes de lutte contre les Vbg, nous avons enregistré des avancées. L’ancien Code pénal ne définissait même pas le viol. Souvent, le viol qui est un crime, les auteurs étaient condamnés à 6 mois voire 1 an de prison parce qu’on correctionnalisait. Aujourd’hui, nous avons des cours d’assises pour juger les affaires criminelles et la définition normale du viol. Nous avons ramené la minorité en Côte d’Ivoire. Toutes les minorités ont été ramenées à 18 ans. C’est un alignement sur l’international. Or, avant la minorité en Côte d’Ivoire était de 21 ans. Plus de mariage avant 18 ans, et cela est une avancée.
La définition du viol va plus loin. S’il y a eu contact sexuel avec une mineure de 15 ans, avec pénétration, c’est un viol. Parce que la Loi dit à 15 ans, elle n’a pas de consentement sexuel. Cette disposition se trouve dans le Code pénal nouveau de 2019. Au niveau encore des avancées, la Loi 98 sur les mutilations génitales féminines a été reprise dans le Code pénal, aujourd’hui. Nous avons procédé à la formation des magistrats, de la police, des gendarmes sur des thématiques d’actualités en rapport avec les Vbg. En définitive, nous coordonnons toutes les activités de réponses en matière de violences basées sur le genre, avec le chef de l’Etat, qui en 2017, il s’est engagé à travers le programme « He for she ». Il a pris des engagements assez forts. Il semble qu’il doit éradiquer d’ici 2030 les mutilations génitales féminines et les mariages des enfants.
Quels sont vos rapports avec les Ong et associations de lutte contre les Vbg ?
C’est la collaboration. Aujourd’hui, en termes de centre d’hébergement de transit par rapport aux survivants (victimes), l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas de centres d’hébergement. Ce sont des activités sur lesquelles nous nous appuyons directement avec les Ong ; des communautaires qui ont été formés, qui deviennent des familles d’accueil. Il y a plusieurs défis. L’Etat seul ne peut pas bien qu’il soit puissant ou disposant certains moyens. Nous nous appuyons sur certaines Ong pour colmater les brèches et avancer.
Les sociétés civiles et les Ong vous donnent-elles satisfaction dans les réponses que vous attendiez d’elles ?
Oui, pour la majorité. Je pense qu’elles font ce qu’elles peuvent avec les moyens dont elles disposent. Nous avons un devoir d’encadrement pour ne pas que les choses partent dans n’importe quel sens. Il faut pouvoir les orienter, parce que souvent, elles ont des financements et les aider à orienter leur réponse locale. C’est une collaboration qui est intelligente. Un des problèmes avec les Ong, c’est la pérennisation de certaines actions qu’elles mènent. Généralement pour que cela marche bien, elles doivent travailler avec toutes les structures au niveau local.
Les centres de transit, est-ce possible de les avoir d’ici quelques années pour le bonheur des survivants ?
Nous y travaillons. Je suis mieux placé pour vous en parler. Mais, je ne mettrai pas la charrue avant les bœufs. Je vous donnerai rendez-vous, en décembre prochain. Les choses sont bien engagées dans ce sens. Il y a le centre Pavios, qui a été fermé et vient d’être réhabilité et équipé l’an dernier. Qui, aujourd’hui, est à même d’accueillir mais ce sont les capacités d’accueil, qui laissent à désirer. Nous sommes en train de travailler à dupliquer le modèle Pavios au centre du pays, notamment à Bouaké et à Korhogo, pour l’année 2021. Le modèle du centre Pavios se veut un centre intégré à l’image de ce qui est fait au Rwanda. Dans ce pays, leurs centres intégrés, on les appelle les « One stop center ».
Magloire M.
Coulibaly Pelibien Ghislain, président du Rheeg-Ci.
« Nous préconisons la masculinité positive »
Tout dépend de notre position dans notre stratégie d’intervention. Nous n’intervenons pas directement avec les hommes ou femmes survivants, depuis que nous avons créé l’organisation. Nous nous positionnons dans les analyses genre situationnel, qui nous permet d’identifier les défis en matière de stratégies, de mise en route ou de mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre les Vbg. Il y a d’autres structures qui sont en avant-garde du combat et qui prennent en charge les cas de survivant (es). Le Rheeg-Ci n’a pas de positionnement dans l’écosystème, mais plutôt dans la réflexion. Il évalue les mécanismes et les projets de prévention, de prise en charge des cas de Vbg mais n’est pas dans une position d’appuie direct en termes de mécanismes, d’appui communautaire ou prise en charge médical.
Le Rheeg-Ci, pour l’heure, est dans la sensibilisation, dans une démarche d’éducation, de transformation avec les hommes. Le Rheeg-Ci est dans une démarche d’un concept appelé « la masculinité positive ». Aujourd’hui, nous voulons un changement de paradigme, et celui que nous préconisons est bien la masculinité positive. Celle-ci commande que les hommes prennent conscience de leur faiblesse, de leur force et comprennent qu’il faut justement déconstruire l’image des stéréotypes des femmes.
M.M