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Côte d’Ivoire : le secteur de l’eau fait perdre 23 milliards Fcfa à l’Etat, selon le ministre Laurent Tchagba

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La Sodeci de Côte d'Ivoire/Ph DR

En Côte d’Ivoire, chaque année, la Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire (Sodeci) perd des milliards de francs Cfa due à la fraude.  Ce montant varie sans connaitre véritablement si des études ou enquêtes ont été faites dans ce secteur. Le ministre de l’Hydraulique ivoirien, Laurent Tchagba, a affirmé que chaque année, le secteur de l’eau potable fait perdre 23 milliards de FCfa à la Côte d’Ivoire. Vérification des faits.

Le vendredi 26 mars 2021, le ministère de l’Hydraulique a organisé une cérémonie de mise en route de 1000 agents enquêteurs dans le cadre de la fraude sur l’eau en Côte d’Ivoire. A cette cérémonie, le ministre de tutelle, Laurent Tchagba, a signifié que chaque année, le secteur de la Société de distribution d’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci) perd 23 milliards de francs Cfa du fait de la non-facturation de 36% (59 000 000 m3 eau) d’eau potable.

Ce chiffre avancé par le ministre de l’Hydraulique nous a amenés à faire une vérification approfondie des propos tenus. En effet, chaque année, selon les responsables de la Sodeci, le secteur de l’eau leur fait perdre environ 16 milliards de Fcfa, selon le site en ligne Koaci.com.

Le ministre Laurent Tchagba

Joint au téléphone, la responsable de communication du ministère de l’Hydraulique, Koné, a répondu qu’à la veille de la cérémonie, la Banque mondiale en Côte d’Ivoire y avait pris part. C’est ensemble que ce chiffre a été décidé avec l’institution bancaire mondiale. « Concernant les 23 milliards de francs Cfa, se sont des études qui ont été menées par la Banque mondiale, la Sodeci qui fait ses enquêtes etc. Nous avons eu, à la veille, une séance de travail avec la Banque mondiale et tous les acteurs du secteur de l’eau. Ainsi, le montant avancé par la Banque mondiale est de 23 milliards de Fcfa comme perte dans le secteur de l’eau », a affirmé Koné.

Pour elle, il y a des indices qui peuvent expliquer ce phénomène de fraude au niveau du secteur de l’eau en Côte d’Ivoire. La fraude, les canalisations vétustes etc. « Pour cette analyse, c’est de manière globale. Et ce sont des chiffres donnés par la Banque mondiale ».

En Côte d’Ivoire, le mètre cube d’eau est vendu en moyenne à 424 Fcfa par mètre cube. Selon le journal Nouveau Réveil, couvrant un événement d’une association des indignés sur la situation d’eau à Abidjan, a annoncé que pour le 1er forfait coûte 250,3 Fcfa ; 2è forfait à 250,3 Fcfa et le 3e coûte lui aussi 403,3 Fcfa. Selon des informations de la Sodeci, le nombre d’abonnés est estimé, depuis 2018, à 1 155 719 millions.

La réaction de la Banque mondiale

Le 1er avril 2021, nous avons envoyé un mail à Coralie Gevers, Directrice des opérations de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, Benin, Togo et Guinée, afin de nous situer sur ces chiffres dont son institution est l’auteur. A cette réponse envoyée, le mardi 7 avril 2021, elle répond ceci : « En 2018, la Sodeci a enregistré un taux d’eaux non facturées (pertes physiques et pertes commerciales) d’environ 36% à Abidjan. Cela représente 58,5 millions de m3 d’eau produits mais non facturés par an. Traduites en valeur chiffrée, ces pertes sont estimées à 23 milliards de F Cfa par an au prix moyen de vente du m3 d’eau en Côte d’Ivoire ».

 

La Banque mondiale en Côte d’Ivoire ne dit pas si une étude minutieuse de l’eau potable a été menée en Côte d’Ivoire à partir de telle période pour déterminer le montant de pertes avancées.

Alors que depuis des années, le secteur de l’eau potable en Côte d’Ivoire traverse des difficultés de tout ordre. La Banque mondiale en Côte d’Ivoire ne dit pas si une étude minutieuse de l’eau potable a été menée en Côte d’Ivoire à partir de telle période pour déterminer le montant de pertes avancées. A l’analyse, elle nous parle des pertes physiques et commerciales estimées environ à 36 % à Abidjan. Poursuit-elle, traduite en valeurs chiffrées, « ces pertes sont estimées à 23 milliards de Fcfa par an au prix moyen de vente du m3 d’eau en Côte d’Ivoire ».

Nous avons joint la direction de la Sodeci de Treichville Abidjan, qui nous a répondu par mail, le mardi 13 avril 2021. « Il y a un déséquilibre financier annuel du secteur de l’eau de plus de 16 milliards de francs Cfa dont 6 milliards directement à la Sodeci », note Fofana Mariama Attar, Chef de service sponsoring et relations publiques à la Sodeci. Des actions ont été menées sur le terrain, déclare la Sodeci, pour remédier à cette problématique de la fraude qui aura pour conséquences, la baisse de ce chiffre.  Pour elle, ces chiffres datent de 2019. Néanmoins, elle a indiqué que le chiffre de 2020 nous sera donné à l’issue de l’Assemblée générale de la Sodeci d’ici juin 2021.

La loi du 26 juin 2019

Chaque année, ce sont des milliards de francs Cfa qui sont volatilisés dans la nature par la faute de malhonnêtes personnes. En Côte d’Ivoire, la fraude à plusieurs conséquences. La pollution de l’eau par les réseaux d’assainissements, la destruction de matériels de distribution ; la mauvaise qualité de la pression d’eau ; la mauvaise qualité de la fourniture d’eau, les pannes à répétition causées par les réseaux frauduleux.

Face à cette situation, l’Etat de Côte d’Ivoire a fait adopter par l’Assemblée nationale une loi N° 2019-574 du 26 juin 2019, portant Code pénal pour réprimer la fraude sur l’eau en son article 465. Afin de mettre fin à ces opérations de fraude sur le réseau, depuis le 21 novembre 2019, des contrôles ont été engagés.

Selon la Sodeci, les fraudeurs d’eau font perdre à l’Etat de Côte d’Ivoire et à l’entreprise 16 milliards de Francs Cfa chaque année. « Cette situation met à mal l’équilibre financier du secteur de l’eau et ne favorise pas la réalisation des investissements à faire pour alimenter de façon convenable les populations ivoiriennes », indique la Société de distribution de l’eau en Côte d’Ivoire sur le site 7info de décembre 2019.

Polémique sur les chiffres

Le ministère de l’Hydraulique s’est fondé sur le chiffre avancé par la Directrice des opérations de la Banque mondiale pour dire qu’en Côte d’Ivoire, le secteur de l’eau potable fait perdre à l’Etat 23 milliards de francs Cfa.

Le ministère de l’Hydraulique s’est fondé sur le chiffre avancé par la Directrice des opérations de la Banque mondiale pour dire qu’en Côte d’Ivoire, le secteur de l’eau potable fait perdre à l’Etat 23 milliards de francs Cfa. Alors que l’institution bancaire ne précise pas l’année à laquelle le montant a été déterminé. A-t-elle fait des enquêtes ou études dans ce domaine pour savoir réellement si ce secteur perd autant de milliards comme affirmé lors d’une cérémonie de mise en route ?

Mais fait des hypothèses sur le mètre cube d’eau potable en Côte d’Ivoire. Quant à la direction de la Sodeci, elle nous informe que les chiffres en sa possession sont ceux de 2019. Autrement dit, le déséquilibre financier préconisé par la Banque mondiale et le ministère est différent des chiffres de la Sodeci. Pour la Sodeci, le chiffre réel sera proposé, lors d’une assemblée générale, en juin 2021.

Peut-on affirmer qu’en cette année, est-ce le bon chiffre de pertes financières de l’eau potable, qui a été dit par le ministre de l’Hydraulique ? Nous pensons que non. La Sodeci, structure en charge de la distribution et la gestion de l’eau sur tout le territoire national, n’a pas encore de nouvelle donnée de cette année 2021. Elle mentionne que les nouvelles données seront disponibles d’ici juin 2021. Autrement dit, la Sodeci ne dispose pas encore de nouveaux chiffres et donc ne peut se prononcer dans ce débat, qui a lieu en ce moment en Côte d’Ivoire.

Sur quoi donc le ministre en charge de l’Hydraulique peut-il se fonder pour parler d’un secteur vital qu’est l’eau qui perd par an plus de 23 milliards de francs Cfa ? Une somme énorme pour l’Etat de Côte d’Ivoire et dont des dispositions et lois ont été prises pour parer à ce genre de situation désastreuse pour l’eau. Pourtant, chaque année, des mesures sont prises tant par la Sodeci et l’Etat pour éviter ces nombreuses problématiques qui font que le secteur perd beaucoup d’argent, et qui hélas, n’est pas compensé…

 Magloire Madjessou

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