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Benogosso et Terre rouge : Ces populations exposées aux bactéries et infections des eaux de forages

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Le faubourg de Benogosso en proie à des problèmes d'eau potable depuis 1945/Ph Credo

Les populations de Benogosso et Terre rouge, deux gros faubourgs de la commune de Port-Bouët (Abidjan) dans le quartier de Gonzagueville, vivent des difficultés d’approvisionnement en eau potable depuis 1965, comme si l’on était dans un village reculé de la Côte d’Ivoire.

Mardi 14 juin 2022, nous sommes à Benogosso et Terre rouge, où plusieurs nationalités de la sous-région et des Ivoiriens évalués à 3000 âmes partagent leur quotidien depuis des années. Notre regard se pose cette après-midi sur les va-et-vient des femmes et des enfants, qui se dirigent vers l’eau de forage ou des puits faisant l’objet de consommation.

Dans ce faubourg, l’eau fourni aux populations n’a pas transité dans une usine de traitement, encore moins par la Sodeci pour la décontaminer. À Benogosso, l’eau qui sert de cuisson et à boire à cette population, ne sort pas des réservoirs de stockage ou des châteaux d’eau ou de canalisations souterraines.

Traoré Amidou. « Ici, la majorité des populations consomment l’eau de puits et de forage », indique-t-il

Le risque de contamination est énorme, mais face à ce danger sanitaire les populations doivent boire, manger et se laver. C’est une réelle préoccupation pour chef de village, Traoré Amidou. « Ici, la majorité des populations consomment l’eau de puits et de forage », indique-t-il. Par ailleurs, il explique que l’entretien de forage n’est pas aussi facile et appelle à l’aide. « Si ceux qui sont chargés de la distribution d’eau peuvent venir en aide à la population, cela nous fera plaisir. Avant ma nomination, c’était un tout petit campement. Aujourd’hui avec nos intelligences, on a su créer le développement et il s’est agrandi aujourd’hui. On a un besoin croissant d’eau potable », soutient-il.

Cependant, hormis la Sodeci, Traoré Amidou rappelle que des entreprises de forages étaient venues pour faire des expertises, et que dans leur rapport, celles-ci ont indiqué que l’eau de cette zone était de bonne qualité. Dame Maï, commerçante est préoccupée par les pommes de terre qu’elle épluche pour les proposer le soir aux clients. Elle nous explique qu’elle utilise l’eau de forage pour la préparation et la consommation. En revanche, elle ignore sa provenance et les éventuels dangers que causerait cette eau.

Le problème de manque d’eau se pose avec acuité doublé de coupure intempestive de la fourniture d’électricité. « Il y a des gens qui proposent leurs services afin de nous raccorder au forage. Celui fonctionne avec l’électricité, or ce n’est pas toujours que nous avons ici de l’électricité en permanence. On prie Dieu que la Sodeci arrive et nous fournisse de l’eau en bon état », explique Ahmed Barry, fermier et résident depuis 7 mois dans ce village.

afin que nous pussions préparer et consommer, malgré nous. Or, dans le puits, imaginez-vous les conditions hygiéniques

Une situation qui les expose aux personnes de mauvaise foi. À quelques 200 mètres de ce village, David Djomo de nationalité togolaise vivant à Benogosso depuis 7 ans, rencontre le cas d’un individu qui, selon lui les aurait sauvés. « Il y a quelques jours, un homme qui nous proposait ses services d’eau de forage a été arrêté. Nous étions obligés de rester des semaines sans eau », explique-t-il. Ici, avoir de l’eau de potable est un véritable trésor. « Actuellement, nous n’avons pas d’eau pour la consommation et la préparation. Derrière les concessions, il y a un puits. Les enfants sont obligés d’y aller et recueillir de l’eau afin que nous pussions préparer et consommer, malgré nous. Or, dans le puits, imaginez-vous les conditions hygiéniques », confie-t-il. Il nous conduit dans une autre concession, où se trouve son logis. « Regardez le robinet qui est là, il manque d’eau. Il est sec. J’attends que le jeune technicien vienne me raccorder au forage afin d’avoir l’eau pour la petite famille », raconte-t-il.

Des factures au prix du donneur

À Benogosso, tous ceux qui y habitent reçoivent tous les mois des factures d’eau comme si c’était la Sodeci qui leur fournissait l’eau. Les prix varient entre 2500 Fcfa et 3000 Fcfa. Certains se mettent ensemble et payent à la fin du mois, en divisant le montant total. Selon Djomo, le prix fixé doit être payé à la fin du mois, peu importe le nombre de personnes que vous avez. Par contre, s’il (distributeur) constate un voisin prendre de l’eau chez vous, il vous interrompt l’eau.

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Benogosso souffre de problème criant d’eau potable depuis qu’il est devenu un gros faubourg dans la ville d’Abidjan. Il y a plus de quatre ans, la Sodeci était venue pour des expertises. Ces expertises à ce jour n’ont jamais connu leur réalisation. Pourtant, ce gros village moderne du quartier Gonzagueville est situé sur une presqu’île, en traversant les voies pour y accéder par la route.

Des canalisations y sont installées mais dont on ignore leur présence dans ce village depuis quelques années. Fragile Rabé vit depuis environ 6 mois avec ses 4 enfants à Terre rouge, un autre faubourg de Gonzagueville. Il a la chance d’avoir de l’eau potable de la Sodeci tout comme les autres habitants de ce quartier, mais ils sont plusieurs sur un compteur. « J’ai un compteur Sodeci devant la porte. Sur ce compteur, nous sommes 3 locataires qui payons tous les mois la facture à hauteur de 7500 Fcfa. Nous la divisons pour payer cette facture au concerné », relate Fragile Rabé. Une situation intenable, objet de causerie et de supplication en famille chez les N’Guessan.

En Côte d’Ivoire, depuis des années, des sous quartiers d’Abidjan qui n’avaient pas de compteurs d’eau de la Sodeci sont en train d’être raccordés par le ministère de l’Hydraulique. Une politique hardie mis en place par le gouvernement afin de permettre à tous les ménages en Côte d’Ivoire d’avoir de l’eau potable, sans difficulté. Un ministère dédié essentiellement à l’approvisionnement de l’eau dans les ménages et autres.

Nous avons à cet effet, interrogé Mme Koné, directrice de communication de ce ministère de l’Hydraulique, à cette époque nous donne des détails. « Le programme Aptf (Amélioration des performances techniques et financière du secteur d’eau) doit prendre en compte tous ces sous quartiers d’Abidjan. C’est un projet qui permet le raccordement de 155 quartiers et sous-quartiers non canalisés du Grand-Abidjan », dit-elle. A l’en croire, la première phase du projet fut lancée le 8 mai 2020, et qui est pratiquement à 90% du taux d’exécution.

Toutefois, dame Koné fait remarquer que certains sous quartiers de Port-Bouët, même de Gonzagueville ont été pris en compte. « Les travaux se poursuivent », précise la directrice de communication de l’Hydraulique. 

L’eau de forage, un danger ?

Rencontré, Dr François Say, spécialiste en gériatrie au CHU de Cocody Angré indique qu’on doit se méfier des eaux de forage mal entretenu. « L’eau ingérée peut être le vecteur de pathologie plus ou moins sévères, notamment de la diarrhée virales, bactériennes ou parasitaires (Hépatite A, typhoïde, cholera, Amibiase) », explique-t-il.

« Il est déconseillé de boire l’eau provenant de forage, sans avoir préalablement utilisé des moyens individuels de décontamination », conseille-t-il.

La transmission se fait, selon lui par ingestion, soit l’eau de boisson, soit d’aliment contaminés (en particulier les fruits et les légumes consommés crus) soit encore lors de contacts interhumains par le manu portage. « Il est déconseillé de boire l’eau provenant de forage, sans avoir préalablement utilisé des moyens individuels de décontamination », conseille-t-il.

Le combat que mènent les populations de Benogosso et Terre rouge, exposées aux bactéries et infections des eaux de forages est loin d’être terminé. On dira qu’il ne fait que commencer.

 Magloire Madjessou

Encadré

Pourtant, il y a un ministère dédié à l’eau

Dans ces deux gros faubourgs que sont Terre rouge et Benogosso, le problème d’eau se pose avec acuité. Le gouvernement de Côte d’Ivoire a depuis, 2018 institué un ministère de l’Hydraulique afin de renforcer l’approvisionnement en eau potable des populations. Malheureusement, en ce XXI è siècle, dans les périphéries d’Abidjan, il y a encore des Ivoiriens qui souffrent de manque d’eau potable. « La Côte d’Ivoire a investi plus de 400 milliards de FCFA pour résoudre les problèmes urgents et rétablir l’équilibre de production d’eau potable dans certaines localités. De 2010 à 2017, ce sont 2 250 localités qui ont été desservies en eau potable, à travers tout le pays », a souligné le site du gouvernement ivoirien.

Ceux-ci sont obligés à travers les services d’autres personnes de consommer l’eau de forage, quand on sait que ces eaux provenant de ces lieux, ne sont toujours pas de bonne qualité ou ne répondent pas aux normes hygiéniques. Ce qui pourrait causer d’autres pathologies au niveau de la santé humaine.

De plus en plus, ces forages se développent à Abidjan et se multiplient dans les divers foyers ménagers. On y prend garde, parce qu’on ne paye pas de factures tous les mois ou on pense à sa rentabilité financière. Malheureusement, depuis 2022, avec le nouveau remaniement Achi II, ce ministère dédié à l’eau a disparu à jamais. Désormais centré sur un autre ministère, qui lui, à coup sûr regroupera d’autres services importants. Le problème d’eau à Abidjan et ces faubourgs ne sont pas encore réglés. Il faut y aller au fin fond, régler ce problème qui perdure et qui fait souffrir gravement cette population ivoirienne, qui a besoin d’avoir une bonne santé à travers de l’eau potable dans les robinets.

Magloire M.

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