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Côte d’Ivoire, en moins d’un mois, un autre journaliste de Fraternité Matin décède

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Lambert Aka, anciennement journaliste au journal pro-gouvernemental a tiré sa révérence/Ph DR

Terrible mois de janvier et de février ! Deux journalistes de renom dont Gaoussou et Lébry quittent le monde des vivants. Lébry n’a pas encore été mis en terre. Les larmes n’ont pas encore fini de sécher. Lambert Aka les rejoint. Nous vous proposons le message émouvant, considéré aussi comme une Lettre d’adieu, du journaliste Michel Koffi, ex Chef de service politique à Fratmat, à son confrère défunt, mais surtout à celui qui a été témoin, par sa plume des grands sujets de l’Eglise catholique ivoirienne.

Encore un autre jour de tristesse qui tombe sur le monde de la presse en Côte d’Ivoire, notamment Fraternité Matin. Après les rappels à Dieu de Hien Solo un lundi 18 novembre 2019, Gaoussou Kamissoko (3 janvier 2020) et Lebry Léon Francis (dans la nuit du 20 au 21 janvier à Paris) que nous n’avons pas encore mis en terre, voilà une autre page sombre qui s’ouvre : Lambert Aka, cet autre « spécialiste des affaires papales », rejoint dans l’au-delà les deux devanciers, Jean-Pierre Ayé, Lebry Léon Francis qui avaient donné aux reportages religieux, surtout les questions relevant de la chrétienté, toutes leurs lettres de noblesse dans les pages du quotidien.

La fin d’une époque

Auprès d’eux, Lambert, qui part, formait dans les années 80 surtout, cette troïka qui ne laissait nullement passer une activité religieuse sans la médiatiser. Ils étaient, écrivais-je, rendant hommage à Lebry Léon Francis (Frat-Mat du 22 janvier 2020. P. 11) « de grands croyants, des défroqués pour ainsi dire, qui avaient contracté très tôt le virus de la presse, cette drogue qui ronge et bouffe la vie. Journalistes, ils payaient, en retour, en quelque sorte leurs dettes envers ce monde qui les avait formatés ». Lambert, décédé, le lundi 3 février 2020, signe donc la fin de cette époque.

Je le revois ce 21 janvier dans l’après-midi, à mon bureau, pendant que j’écrivais les premières lignes de l’hommage à Lébry Francis. Il y était venu, dubitatif d’abord, ne croyant guère à ce qui se racontait déjà sur les réseaux sociaux depuis la journée et avait voulu en avoir le cœur net. Il était parti de mon bureau effondré et avait promis de nous faire parvenir son hommage lorsque les dates des funérailles auront été fixées.

La mort imprévisible

Voilà que les dates ne sont encore annoncées que lui aussi s’en va. Hélas, Lambert Aka n’écrira plus son hommage ; il le rejoint dans la mort, aussi surprenant que cela puisse paraître, comme Cyprien Tiessé, si tôt parti le 28 juillet 2014, auquel le liait une amitié si particulière et pour lequel il avait écrit ces lignes : « (…) Tu aimais la vie et tu la mordais à pleine dents… Dis-moi Billie, toi qui n’étais jamais pressé, pourquoi tu t’es pressé à passer de l’autre côté de la rive ? » 

La réponse, je la sais depuis : Lambert, ainsi la mort. Imprévisible. Comment ne pas le dire ? Lambert n’était pas malade. D’ailleurs, le week-end (samedi et dimanche) à Dabou, plus précisément à Débrimou, il y était pour les obsèques de sa cousine, en compagnie, entre autres de ses nièces, Berthe Adou et sœur Pascaline. Il s’y rendait régulièrement et était heureux d’y aller les week-ends, surtout depuis qu’il y a achevé sa modeste maison.

Le bonheur du retraité

Le bonheur se lisait sur le visage de cet homme qui n’eut pas une grande carrière à Fraternité Matin. Mais c’était avec beaucoup de satisfaction personnelle qu’il présentait à ses invités sa maison de retraité. Elle n’était pas achevée, en septembre dernier, lors des 25 ans de vie religieuse de sa nièce, Sœur Pascaline (14-15 septembre 2019). Qu’à cela ne tienne, il ne manquait aucune occasion d’inviter les uns et les autres à la découvrir.

Il vivait heureux sa retraite, surtout qu’il avait eu une autre planche de salut au ministère de l’Assainissement et de la Salubrité, grâce à la ministre de tutelle. Il se hâtera de l’achever pour recevoir ses amis, nombreux, en prévision du 21 décembre, fête de l’Ebeb, la fête de la richesse, la plus grande fête des Adjoukrou. Il avait invité plein d’amis, et ce fut la mort dans l’âme qu’il ne vit aucuns d’eux. Sa colère fut homérique. Malgré les excuses des absents, dont moi.

Comme un dernier tour

A Fraternité Matin, il avait fait valoir ses droits à la retraite il y a de cela deux ans et plus. Mais il ne déserta point les lieux. Il y venait quand son temps le lui permettait. C’était aussi sa famille. Pas un mur de cette maison ne lui était étranger. Hier d’ailleurs, quand le mal le surprit en route pour son lieu de travail, il n’eut que ce seul réflexe : dire à son chauffeur de l’y conduire rapidement, à l’infirmerie de l’entreprise, afin d’être sauvé.

Hélas, le temps de le conduire dans une clinique proche il rendit l’âme, tout juste arrivé dans la cour de la clinique. C’était comme un dernier tour, là où il fit toute sa carrière professionnelle, à Abidjan, hormis ses années parisiennes en tant que correspondant permanent à Paris de Fraternité Matin.

Retour au pays natal

C’est en 1999 qu’il revient au pays malgré lui, après le coup d’État d’un mauvais décembre 1999, le premier du genre survenu en Côte d’Ivoire. Il était venu pour fêter la nouvelle année, et surtout la naissance du Christ quand le surprit, comme tout le monde, une autre naissance qui annonçait des jours sombres pour le pays : le règne des kakis en armes.

Revenu au pays donc, il travailla, tour à tour, aux Avis et communiqués, à la Direction commerciale et marketing, puis à la Rédaction. Il terminera avec le titre de Grand médiateur avant d’aller à la retraite. Il en était si heureux, de se sentir ainsi logé à un palier qui le plaçait au cœur de la marche de l’entreprise. Et avait animé, avec un brio certain, Le journal de l’entreprise.

 

Toi qui nous devances…

Je l’appelais Lambus. C’était un chrétien, aux pardons singuliers qui ne faisaient pas bon chrétien – un de nos différends majeurs – même s’il ne manquait à aucunes messes. Surtout celles des dimanches. Passons. Alors, comme tu l’avais écrit encore à Cyprien, je recopie, mot à mot, tes phrases consignées dans le carnet d’hommages à lui dédié : « Toi qui nous devances, entre donc dans la joie de ton Père et de là-haut, veille sur les tiens. »

Requiescat In Pace, aurais-tu ajouté aussi sans aucun doute. Tu aimais les formules et expressions latines, apprises au Séminaire et dans la Bible. Moi, je te dis, tout simplement : ce n’est qu’un au revoir. Sur le seuil de Sa porte, ton Père t’attend. En attendant notre tour. Personne n’en sortira vivant ! En vérité et en vérité.

Chapô et le titre sont de la Rédaction

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