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Côte d’Ivoire, un champion d’Afrique en pâtisserie révèle les attaques dans les confections de gâteaux de mariages

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Serge-Eric Yepié, champion d'Afrique en pâtisserie, parle des attaques dans la confection de gâteaux de mariages/Ph Credochristi

Pâtissier professionnel depuis plus de 20 ans et champion d’Afrique en pâtisserie Cedeao, en mai 2018, au Ghana. Serge Eric Yepié, la quarantaine, a pour spécialité l’entremétier, c’est à dire la confection de gâteaux de mariage, d’anniversaire et desserts. Chrétien catholique engagé et marié, il est l’objet d’attaques, lors des confections de gâteaux de mariages.

Déjà, en classe de 4è, le métier de pâtissier hantait l’adolescent Serge Eric. Consommateur à souhait de friandises, il avait commencé à tracer les sillons de sa nouvelle vocation. Venu passer les grandes vacances chez sa mère, il va être confronté à un exercice culinaire auquel il s’y attendait le moins. Pourtant, feignant de le banaliser, ce sera finalement le déclic qui va consolider son sacerdoce.

« Je confectionnais des merveilles pour recevoir mes amis de classe qui me rendaient visite. Pendant ce temps, la radio de Yopougon organisait des cours de pâtisserie, en 1997. Cela ne m’a pas intéressé. Ce n’est qu’en 1999 que j’ai rencontré une amie au grand Carrefour de Koumassi, qui m’a fait découvrir véritablement cette pâtisserie », explique Yepié. Sa formation en pâtisserie a suivi un circuit en dents de scie avant de s’inscrire à l’Agence nationale de la formation professionnelle (Agefop), grâce à son oncle. Alors qu’il payait une scolarité exorbitante dans une école estimée à plus de 300 000 FCfa.

Conscient que pour réussir dans un domaine, il faut disposer de matériels et d’équipements de travail. « C’est ce qui a fait ma force. Parce que pendant les cours, ce n’était pas facile. J’étais chef de classe, je ne suivais pratiquement pas », avoue Serge.  «  A notre temps, nous n’avons pas bénéficié de stages. Ceux-ci n’existaient pratiquement pas. Je me suis auto-formé et installé à mon propre compte », raconte-t-il, avec un air fier.

En 2000, lors de la crise ivoirienne, avec son corollaire de couvre-feu et la peur généralisée qui s’était emparée des Ivoiriens, il broyait du noir, en commercialisant ses gâteaux dans les quartiers d’Abidjan « Je confectionnais des cakes, des gâteaux. Je me promenais accompagnée de ma nièce dans le quartier Remblais de Koumassi. Nous vendions même à perte ou à crédit. Mais nous étions déterminés, avec foi et persévérance, à conquérir le marché », se souvient-il.

Champion d’Afrique en 2018

Le Ghana, pays organisateur de cette 1ere  compétition, en pâtisserie dans l’espace Cedeao, a regroupé, en mai 2018, des pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina, le Benin, le Togo et le Ghana. La Côte d’Ivoire a eu la meilleure pièce, présentation et entremets. « Nous étions composés de trois personnes. J’étais le capitaine de l’équipe, deux collègues à savoir Alpha Diabaté spécialiste en sucre et Lobognon Richard en chocolat. En compétition, il s’agit des thèmes. Il faut confectionner des entremets au chocolat, 12 desserts à l’assiette au fruit, une pièce artistique en chocolat et en sucre », a déclaré Eric Yépié. En 2011, la Côte d’Ivoire participe et se qualifie à la 12e coupe du monde de pâtisserie au Maroc. C’était le seul pays en Afrique noire qui participait à cette compétition internationale de pâtisserie.

« La pâtisserie est une chimie alimentaire, c’est la rhéologie, c’est-à-dire la transformation et la déformation de la matière », insiste-t-il, démontrant ainsi par une séance la fabrication du gâteau jusqu’à l’obtention finale du produit avec tous les ingrédients nécessaires. 

Selon lui, quand un gâteau vit, il donne une indigestion, une intoxication. « C’est du lait, des œufs qu’on utilise. Ça se décompose très vite. Un gâteau peut sortir d’ici et si vous le transportez mal, en moins de 15 minutes voire une heure de temps, il va se décomposer », avertit l’entremétier. Le gâteau n’est pas du riz, encore moins de la bouillie, estime-t-il, pour qu’il attende le client. « Il est intéressant de couper le gâteau au moment où les gens ont fini de manger dans un mariage ou une cérémonie. Quand on vient avec le gâteau, avant que même les mariés ne soient installés, c’est une perte », conseille-t-il.

« Les attaques, on a tellement reçues »

« Si Dieu ne m’avait pas inspiré, je n’aurais pas eu les idées pour confectionner les gâteaux. C’est grâce à lui que je suis là, j’ai la santé. Je continue de travailler. J’ai la foi », reconnait le champion d’Afrique. Chrétien catholique de la paroisse Sainte Bernadette de Marcory nord-est, il a toujours exprimé sa foi indéfectible au Seigneur dans son travail. A ses yeux, la reconnaissance du croyant en Dieu se matérialise par les faits et gestes concrets.

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Pour la compétition de la pâtisserie, chaque pays a son équipe qui doit avoir des équipements adéquats et des moyens financiers conséquents. « Lorsque je dois participer à une compétition, je mets Dieu devant. C’est lui qui me permet d’avoir ce matériel de travail », souligne le spécialiste.

Confronté à maintes fois à des commandes de gâteaux aux enjeux ou intentions parfois démoniaques, le pâtissier avoue déjouer ces actions maléfiques. Mettre sa confiance en Dieu, affirme-t-il, vous pouvez les déstabiliser. « Les attaques, on a tellement reçues. Pendant les mariages, lorsque nous confectionnons les gâteaux, l’esprit de Dieu intervient. Quand nous travaillons et qu’il y a des attaques, nous les ressentons, explique-t-il. Quand vous êtes attaqués pendant votre mariage, moi je ressens ».

Pour repousser les attaques nuisibles de l’ennemi, Serge Eric se propose des moments de jeûne et de prières lorsqu’il est sollicité pour la fabrication de gâteaux. Les témoignages d’attaques en foisonnent, car, à chaque fois qu’il est sollicité par un client, il en paye les frais.

« J’ai failli perdre ma vie, en 2005. Un couple m’a demandé de faire son gâteau de mariage. Les mariés sont tombés malades et paralysés. Ce n’est qu’à la veille, qu’ils ont pu marcher. On m’appelle à la veille me demandant de venir prendre l’argent du gâteau parce qu’ils affirment qu’ils sont en train de mener un combat. Je me rends au niveau de Liberté Adjamé, je récupère l’argent. Une fois au pont Houphouët-Boigny, mon véhicule se cale dans le noir, vers 20h, en plein virage. A peine je descends, une automobiliste a failli me tuer », témoigne Yepié. « L’avance de l’argent qui m’a été remis cette soirée, une fois arrivé à la maison, je l’avais plus dans les poches de mon pantalon ».

Magloire Madjessou

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