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Côte d’Ivoire, Universités/ Faut-il désespérer des syndicats et des enseignants-chercheurs et chercheurs ?

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La Fesci invite les élèves et étudiants à la reprise des cours/Ph DR

Les universités et grandes écoles publiques de Côte d’Ivoire sont à l’agonie depuis des années. La mauvaise gouvernance des dirigeants, des enseignants-chercheurs et chercheurs sans salaires, des salaires indécents, des primes de recherches pas versées à temps, des responsables syndicaux corrompus, prêchant leur propre chapelle au détriment des intérêts du groupe etc. Alors que ces « Maîtres » pourtant magnifiés par la société, semble perdre leur dignité et morale. Dr Traoré D.K, enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody à Abidjan, dans cette opinion libre, il dénonce et invite les professeurs et chercheurs à la responsabilité.

La crise sanitaire du COVID-19, heureusement ou malheureusement, aura pour effet de couvrir la mauvaise gestion de nos universités par leurs premiers responsables. A l’heure où nous écrivons ces lignes, nul besoin d’être un charlatan pour savoir que nous nous dirigeons inéluctablement vers une année blanche dans nos universités. Car la plupart des UFRs et Départements étaient, à la date du 16 mars 2020, en train de lutter pour terminer l’année académique 2018-2019 là où ailleurs, on prépare déjà l’année académique 2020-2021.

Dans un tel contexte, il n’est point question de parler de l’année 2019-2020 puisque la reprise des activités académiques, si elle a lieu d’ici là, consistera à terminer ce qui reste de l’année académique 2018-2019. Comme nous le présageons déjà, la plupart de nos responsables rejetteront la faute sur le COVID-19, coupable bien désigné, pour masquer leur incompétence et camoufler les nombreux maux qui minent nos Universités. Moins de 10 ans après un investissement de près 200 milliards (FCFA) de l’argent du contribuable ivoirien, qui aurait cru que nous en serions là ?

  • A côté de la malgouvernance de nos dirigeants qui a été signalée à de nombreuses reprises (même dans un rapport étatique), il faut aussi pointer du doigt la responsabilité des leaders syndicaux et des enseignants-chercheurs et chercheurs eux-mêmes.

Pourtant, les responsabilités dans la crise que connaissent nos universités et grandes écoles publiques sont partagées à divers niveaux. A côté de la malgouvernance de nos dirigeants qui a été signalée à de nombreuses reprises (même dans un rapport étatique), il faut aussi pointer du doigt la responsabilité des leaders syndicaux et des enseignants-chercheurs et chercheurs eux-mêmes.

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À propos de nos leaders syndicaux :

Pour les avoir côtoyés de près, je suis en position de vous affirmer que nombreux sont ceux parmi eux (pas tous heureusement !), responsables syndicaux tapis dans nos universités, qui mettent leurs intérêts personnels en avant au détriment de ceux de leur corporation. Ils sont en embuscade de petits avantages (bon de carburants, versements occultes, voyages, paiement de primes et HC avancées, nombres de cas de bacheliers illimités, etc.) pour sacrifier leurs propres collègues. Par ailleurs, le défaut congénital malencontreux des syndicats estudiantins affiliés aux partis politiques et/ou en quête de profits personnels se répliquent malheureusement au niveau des syndicats d’enseignants.

Nous prenons pour preuve récente de cet état de fait un de nos leaders syndicaux, dont je préfère taire le nom, qui est allé sans vergogne faire publiquement allégeance à un responsable d’un grand parti politique de la place, par irresponsabilité et immaturité syndicales. C’est ce même leader syndical qui, sans retenue aucune, a traité le gouvernement de l’État de Côte d’Ivoire de « désordonné » sur une chaîne publique nationale, sans oublier qu’il avait déclaré publiquement vouloir « boxer » et même démettre le Président de son université d’origine. Nous connaissons tous la suite de l’histoire. 

Ce genre d’attitude irresponsable et aux antipodes de la fonction d’un leader syndical est de nature à jeter l’opprobre et le courroux des autorités gouvernementales et même de l’opinion sur toute une corporation d’éminents enseignants et chercheurs. Aujourd’hui, c’est cette image qui trotte dans la tête de nos gouvernants quand ils pensent aux enseignants d’université. Comment et quoi revendiquer quand ceux que nous avons désignés pour nous représenter sont constamment dans des petits calculs politiques et le défi suicidaire de l’Autorité ?

À côté de ceux-là, il faut aussi dénoncer ces leaders syndicaux qui ont décidé d’être les ‘haut-parleurs’, exégètes et aussi des agents infiltrés pour le compte de certains dirigeants de nos universités, au prix de quelques petits « profits » et au mépris de l’intérêt de leurs propres collègues. Ceux-là qui rasent constamment les murs pour aller se blottir dans les bureaux climatisés afin de recevoir la rançon de leur duplicité et de leur traitrise. Leur comportement n’est-il pas lié au silence des enseignants-chercheurs et chercheurs ?

À propos des enseignants-chercheurs et des chercheurs :

Les livres saints nous disent que tous les peuples ont le type de dirigeants qu’ils méritent. Plus que les dirigeants, cette maxime tend surtout à pointer du doigt la responsabilité collective de ceux qui sont dirigés face aux actes indignes de leurs dirigeants. Des dirigeants autoritaires et tyranniques ont toujours régné sur des peuples laxistes et attentistes.

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  • Les enseignants-chercheurs et chercheurs des Universités Publiques de CI, surtout ceux de l’UFHB, se comportent en mon sens comme des cobayes d’expérimentation dans un laboratoire de médecine…

Les enseignants-chercheurs et chercheurs des Universités Publiques de CI, surtout ceux de l’UFHB, se comportent en mon sens comme des cobayes d’expérimentation dans un laboratoire de médecine, à qui l’on arrache progressivement les organes vitaux sans que cela ne provoque une quelconque réaction de leur part. Aujourd’hui, par nos propres turpitudes et laxisme, nous en sommes réduits à nous (dé)battre pour des choses qui il y a longtemps nous étaient garanties. D’ailleurs, nous avons tous décidé, avec nos titres et grades confondus, de nous coucher face à l’autoritarisme exacerbant d’un groupuscule qui a compris que la menace répétée de suspension de salaire et de voir son dossier CAMES bloqué sont des armes redoutables et redoutées pour tenir en joue, infantiliser et humilier toute une génération de diplômés de « haut-rang ».

Cher(e)s collègues, bientôt les parkings pourraient devenir payants, et même l’oxygène pourrait être rationné dans nos universités sans que cela n’émeuve qui que ce soit. Sommes-nous tous devenus des zombis sans âmes errant dans une prison à ciel ouvert ? J’irai même jusqu’à croire un collègue qui nous disait que c’est comme si les enseignants-chercheurs et chercheurs de l’Université FHB avaient été mystiquement enchantés tant leur attitude laisse le commun du mortel perplexe. Toutes ces années d’études, tous ces « gros » diplômes et tous ces grades pour ça ?

En fin de compte, tous ces diplômes, grades et autres rangs, dont nous nous enorgueillissons tant, ne sont que des assortiments pour flatter notre propre égo. Il faut que chacun comprenne qu’aucun d’entre nous n’emportera ses grades et rangs dans la tombe et ce ne sont pas nos toges bombardées de cauris et autres artifices aussi mystiques que mystifiants que nous laisserons en héritage à nos enfants. Comptons tous ensemble le nombre inédit de veillées funéraires académiques organisées à l’UFHB ces trois dernières années et vous comprendrez qu’il y a quelque chose d’étrange qui se passe. Combien d’entre nos collègues (tous grades confondus) ont perdu la vie dans nos hôpitaux publics par manque de moyens pour se soigner ? Certains pour 500 000, d’autres pour 1 ou 2 millions.

L’excès de travail pour rien, le stress, l’angoisse de l’avenir, le harcèlement constant de supérieurs hiérarchiques zélés finiront par nous rendre tous malades pour finalement nous emporter dans la tombe dans l’indignité la plus totale. Toutes ces nuits blanches d’études pour devenir Docteur, Maître-Assistant, Maître de Conférence et enfin Professeur Titulaire pour ne pas pouvoir se soigner décemment, ni se loger dignement encore moins assurer l’avenir de nos enfants paisiblement.

Il nous faut tous prendre un peu de recul et de hauteur pour comprendre d’où nous sommes partis pour tomber aussi bas et ainsi incarner l’universitaire dans sa version la plus méprisante et humiliante.

Des raisons d’espérer…

Il faut une catharsis profonde dans l’activité syndicale à l’université. Tous ceux qui pratiquent le charlatanisme syndical en vous faisant croire qu’ils peuvent à eux seuls porter votre fardeau ne sont rien d’autre que des vendeurs d’illusion en quête de gloire personnelle à monnayer auprès des autorités. Ne vous faites aucune illusion, ils n’ont d’autre projet que de vous abuser comme ils l’ont déjà fait dans un passé très récent.

  • Si nous n’avons pas le courage de mettre les diviseurs et autres opportunistes à la retraite syndicale, la roue de l’histoire finira tôt ou tard par les mettre en retrait.

À défaut de faire comme dans de nombreux pays africains tels que le Sénégal et le Ghana, qui ont un syndicat unique d’enseignants-chercheurs et chercheurs, nous pouvons au moins resserrer nos rangs pour nous mettre en ordre de bataille tant les défis à venir sont immenses. A défaut aussi d’extirper de nos rangs les « brebis galeuses », il faudra exercer sur eux un contrôle constant afin de réduire leur influence négative. Si nous n’avons pas le courage de mettre les diviseurs et autres opportunistes à la retraite syndicale, la roue de l’histoire finira tôt ou tard par les mettre en retrait.

Aucun syndicat, s’il a vraiment pour projet le bien-être des enseignants-chercheurs et chercheurs, ne doit se mettre en marge de cet appel ultime à l’union sacrée parce que certains responsables de nos institutions universitaires publiques, à l’UFHB, à l’ENS, à l’UPGC, et l’Université de Man, pour ne citer que ceux-là, sont allés trop loin dans leur sinistre désir d’humilier leurs propres collègues sur l’autel de leur cupidité et de leurs propres ambitions. Pour une fois, laissons de côté nos égos …. pour penser à l’alter égo. Nos enfants nous regardent, nos familles nous regardent, le pays nous regarde, l’histoire nous regarde…

Les défis à relever pour la corporation avant la rentrée académiques 2020-2021 :

  • (…) la démission collective des enseignants-chercheurs et chercheurs d’autre part, et enfin à cause de l’excès de zèle dont font preuve certains Présidents d’universités avec certains Doyens d’UFRs à leur solde.

Le premier défi, et non des moindres, à relever est celui de la respectabilité de notre corporation. Si nos salaires et primes sont payés avec un tel retard, si certains dirigeants osent même payer l’heure d’enseignement à l’université en 2020 à 2 000 FCFA pour ensuite faire des coupes inacceptables sur nos heures, si beaucoup de nos collègues ne peuvent pas aller au CAMES à cause du zèle d’un Président et de ses Doyens, si nous avons perdu les cas de bacheliers et autres avantages, c’est parce que nous avons perdu toute respectabilité du fait du comportement hasardeux de certains de nos responsables syndicaux d’une part, de la démission collective des enseignants-chercheurs et chercheurs d’autre part, et enfin à cause de l’excès de zèle dont font preuve certains Présidents d’universités avec certains Doyens d’UFRs à leur solde.

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Voyez vous-même qu’à l’heure où nous sommes en train de perdre tous nos acquis, c’est à ce même moment que notre ministre de tutelle, insensible depuis longtemps à nos souffrances, offre des primes trimestrielles 3 fois plus élevées à nos collègues du ministère qui ont très souvent des grades inférieurs aux nôtres. Tout est question de respectabilité et de responsabilité ; les deux notions vont de pair. De ceux-là découleront naturellement tous les autres. Tant que nos leaders syndicaux seront dans des guéguerres d’égo à jouer à qui pisse le plus loin comme dans une cour de récréation, personne et absolument personne ne nous respectera.

Par ailleurs, il ne peut y avoir de rentrée académique 2020-2021 si tous les problèmes pendants, spécifiques et/ou transversaux aux universités et grandes écoles, ne sont pas mis sur table avec des solutions concrètes. Que tous ceux qui ont pour unique projet les passages de grade et leurs salaires mensuels se mettent de côté pour laisser les autres mener le combat. C’est notre vie et surtout notre survie qui est en jeu. Il faut qu’on respecte l’enseignant-chercheur et le chercheur dans ce pays. Mais il faut commencer par nous respecter nous-mêmes.

  • Le Chapô est de la rédaction
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