Dans le cadre de l’amélioration de la mobilité urbaine et du déroulement de la Coupe d’Afrique des nations (Can 2023), le gouvernement a décidé de l’extension des activités de la Société des transports abidjanais (Sotra) dans les grandes villes du pays telles que Bouaké et Yamoussoukro. 3 ans après, comment fonctionnent ces bus dans ces deux grandes villes du pays. Reportage.
2 à 3 ans après l’arrivée des bus Sotra à Bouaké et Yamoussoukro, ces véhicules ont transformé la vie des habitants. Nous sommes le 13 septembre 2024. Il est 9h09 lorsque le bus N°308 quitte le quartier Commerce de Bouaké. À bord, quelques élèves et étudiants, les yeux fatigués mais sereins. Au loin, une file interminable de jeunes attend patiemment l’achat de leurs cartes de transport, sous un soleil déjà brûlant.
Aujourd’hui, Bouaké compte huit lignes de bus, desservant des milliers de passagers chaque jour. « Les élèves et étudiants représentent 70 % de notre clientèle », confie Olivier Bokoua, chef d’exploitation de la Sotra Bouaké
Brice Kouassi, 16 ans, est parmi eux. « Je suis là depuis plus d’une heure », soupire-t-il. Mais l’attente ne semble pas éroder son espoir. Il sait que ce bus est son seul moyen d’arriver à l’école sans se ruiner. « Avec 200 Fcfa, je parcours de longues distances », raconte M. Zady, la soixantaine, assis à l’arrêt de bus, scrutant l’horizon. Il se remémore le temps où les routes étaient encore rares, et les motos la seule alternative.
Aujourd’hui, Bouaké compte huit lignes de bus, desservant des milliers de passagers chaque jour. « Les élèves et étudiants représentent 70 % de notre clientèle », confie Olivier Bokoua, chef d’exploitation de la Sotra Bouaké. Pourtant, malgré les efforts déployés, certains, comme Aïchasatou Diallo et Koné Largaton, deux élèves du lycée classique et moderne de Bouaké, demandent plus de bus. « Nous sommes souvent en retard à cause de l’attente », disent-ils.
Au fil des kilomètres, les machinistes, comme dame Lasme Mélème, l’une des rares conductrices, veillent. « Les passagers nous encouragent souvent », sourit-elle, fière de participer à ce changement.

Les motos-taxis, un fléau pour Bouaké ?
À Bouaké, une ville en pleine effervescence, les motos-taxis règnent en maître sur les routes principales. Chaque jour, des milliers de ces engins à deux roues inondent les voies, rendant la circulation difficile et parfois dangereuse pour les autres usagers. Les bus, tout juste arrivés dans la ville, peinent à naviguer à travers ce flux incessant de motos, souvent incapables de leur céder le passage.

Djè Bi Tra, machiniste Sotra depuis 2021, confie : « Il faut être constamment sur ses gardes, de peur de provoquer des accidents inutiles ». Une vigilance permanente devient alors la norme pour les conducteurs de bus, comme Francis Bohoussou Konan, qui doit redoubler de prudence face à ces conducteurs non formés. « À tout moment, une moto peut surgir de n’importe où », explique-t-il, avec une pointe de lassitude.
Quant à Siaka Koné, directeur de la communication et marketing Sotra, en dehors des problèmes de motos-taxis, il a évoqué quelques écueils, à savoir « la méconnaissance de l’offre de transport par les usagers, générant des pertes de temps à certains arrêts ; le refus des paiements systématiques à la montée par certains usagers souhaitant le paiement à la descente comme il est d’habitude avec les modes de transports traditionnels ».
Les passagers transportés par jour et en moyenne sont de 95.500 estimés à 2.700.000 le mois
Par ailleurs, Siaka Koné a indiqué que son institution a acquis un parc autobus de 50, au 30 juin 2024. Les passagers transportés par jour et en moyenne sont de 95.500 estimés à 2.700.000 le mois.

Les bus, une bouffée d’air pour les villages éloignés
Yamoussoukro, capitale politique du pays. Ce dimanche 15 septembre 2024, à 16h45, je monte dans le bus qui dessert la ligne Morofè-Kami. La quiétude qui règne ici est saisissante. Contrairement à Bouaké, ici, le silence des routes offre une rare sérénité. Les bus de la Sotra, déployés depuis décembre 2022, sillonnent paisiblement les villages environnants, apportant un souffle d’espoir à des habitants souvent isolés.
Vincent Kouakou, un jeune de Sahabo, témoigne avec émotion : « C’est une bénédiction pour nous. Payer 200 FCFA pour rejoindre notre village, c’est inespéré. Avec un taxi, cela nous aurait coûté dix fois plus cher ». Ces lignes desservent des localités éloignées, offrant à la population une alternative abordable et efficace.
Une chance pour les habitants
Les populations de ces villes, surtout les élèves, étudiants et commerçants…
Ces bus représentent une véritable bouffée d’oxygène pour Bouaké et Yamoussoukro. Bien qu’ils ne soient pas comparables à ceux d’Abidjan, ils ont conquis le cœur des habitants. Les populations de ces villes, surtout les élèves, étudiants et commerçants, en bénéficient grandement, comme Amoin Yvette qui se réjouit de pouvoir transporter ses marchandises à moindre coût. « Le bus me permet de faire des économies considérables », confie-t-elle avec gratitude.

Un pari réussi pour le gouvernement
L’extension de la Sotra dans les grandes villes ivoiriennes, une politique phare du gouvernement, prend forme sous nos yeux. Mais malgré les efforts déployés, les bus sont parfois presque vides, notamment en dehors des périodes scolaires. Ce pari semble pourtant être une réussite, bien que la sensibilisation de la population à utiliser ces transports soit encore nécessaire pour assurer leur pleine utilisation.
Magloire Madjessou, Envoyé spécial à Bouaké et Yakro
Encadré 1
Ah, ces grands villages…
Enfin, la Sotra arrive à Bouaké et Yamoussoukro ! On souhaite la bienvenue à cette Société des Transports Abidjanais (Sotra) dans ces villes du pays. Bouaké, deuxième ville après Abidjan, abrite de nombreux villages Baoulé. Les bus, parcourant de longues distances, desservent des localités comme Pitiessi, Kongodekro, Kouassiblekro et Bendekouassikro, sur près de 15 km. Quelle belle initiative ! Félicitations à cette entreprise de transport public qui, malgré des pertes financières, offre confort et sécurité à des tarifs très abordables.
Les habitants de ces villages, autrefois réticents, empruntent désormais les bus, même si cela reste nouveau pour eux. Pour 200 Fcfa, ils parcourent des distances qu’ils auraient autrefois payées plus de 3 000 Fcfa. À Yamoussoukro également, des villages comme Sahabo, Kami et Bonzi, éloignés de la ville, bénéficient de ce service.
Un grand merci à la Sotra pour son engagement à desservir les populations, où qu’elles soient, et au gouvernement ivoirien pour avoir décentralisé le transport en commun, permettant à chacun de profiter de ces services. Sotra, toujours au service du public !
M.M.
Encadré 2
Qui en profite ?
Les deux grandes villes du pays, Bouaké et Yamoussoukro, sont désormais les centres névralgiques du transport par bus dans ces zones rurales. L’arrivée des bus dans ces villes, bien que nouvelle pour les habitants, a rapidement été adoptée. Des personnes âgées aux enfants, tous empruntent ces moyens de transport pour se déplacer librement et en toute sécurité. Aujourd’hui, ils sont les principaux bénéficiaires de ces véhicules qui leur permettent de se rendre, où ils le souhaitent, sans contraintes.
Bien que la Sotra, en collaboration avec le gouvernement ivoirien, ait progressivement introduit ces bus dans ces villes, les populations locales s’y sont rapidement habituées. Deux ou trois ans plus tard, elles se réjouissent d’avoir accès à des bus, comme dans la grande métropole d’Abidjan. Elles peuvent légitimement être fières de cet acquis apporté par l’État ivoirien, qui décentralise ainsi les moyens de transport au profit de millions d’habitants.
Certes, la Sotra n’a pas déployé ces bus dans l’espoir de réaliser des profits immédiats, mais elle ambitionne de faire rayonner sa réputation de transport urbain dans la sous-région. À terme, elle vise à développer son réseau au-delà des frontières ivoiriennes.
Magloire M.