Accueil A la une Côte d’Ivoire, personnes âgées/Covid-19 : Vie amputée, horizons bouchés…tout au ralenti!

Côte d’Ivoire, personnes âgées/Covid-19 : Vie amputée, horizons bouchés…tout au ralenti!

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Les personnes du 3e âge en Côte d'Ivoire/Ph DR

La Côte d’Ivoire–depuis l’apparition du Covid-19, le 10 mars 2020–a adopté des mesures drastiques pour lutter contre cette pandémie, qui fait des ravages imprévisibles dans le monde. En sa deuxième séance, le Conseil national de sécurité (Cns) a décidé, entre autres mesures, le confinement obligatoire des personnes fragiles. Parmi elles, figure en bonne place les personnes du 3e âge. Confrontées aux conséquences humanitaires de cette pandémie, et qui souhaitent un soutien de l’Etat ivoirien.

Le temps est clément pour vaquer tranquillement aux activités quotidiennes. Même si la maladie à Coronavirus fait peur et crée chaque jour une psychose générale mêlée d’inquiétude et de méfiance dans l’esprit de la population ivoirienne. Un réaménagement technique de l’agenda s’impose : s’occuper utilement pour pouvoir vivre avec le virus importé de l’épicentre de Wuhan, en Chine, et même après.

Lundi 27 avril 2020. 11h. Une course urgente à faire dans une structure de retraite, à la Coopérative d’épargne et de crédit (Coopec) de Port-Bouët, à Abidjan pour le renouvellement du carnet de paie. Sinon, dans quelques jours, la paie ne pourra être effective dans ma poche.

Ce sont là quelques paroles lancées par notre interlocuteur au pas de course de cette journée spéciale. Aimé Gnago est retraité depuis avril 2009. C’est un ancien machiniste à la Société de transport abidjanais (Sotra), après 30 ans de loyaux et bons services. « Il y a deux mois que je devais faire remplacer mon carnet de paie de Coopec. Le mois passé, la jeune dame à la caisse m’a recommandé de le faire ce mois d’avril. Auquel cas, je ne serai pas payé. Alors je m’empresse d’aller faire cette course », dit-il, avec un air sérieux mais souriant. Non loin de l’association de la Coopec, nous prenons place pour patienter quelques minutes, afin d’échanger avec le retraité de 69 ans.

« Cette pandémie m’affecte en ce sens que je ne sais comment, avec des questions que je me pose sempiternellement, si on pourra résorber cette crise sanitaire mondiale », s’interroge Patrice Gnago. « Aujourd’hui, moralement, je suis atteint. Comment comprendre qu’une maladie devenue une épidémie décime le monde entier, en un temps record. Je suis encore vivant, mais j’avoue que je suis peiné de voir ces milliers de morts dans le monde et particulièrement en Afrique, explique-t-il. Le fait d’entendre les informations relayées par les médias, je suis abasourdi par ce qui se trame dans ce monde aujourd’hui ».

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La vie des hommes ne peut pas être un long fleuve tranquille. Des paramètres inattendus constituent parfois des chemins auxquels on s’y attend le moins. Cette allégorie de la vie est celle d’une mère de famille de huit enfants. Hémiplégique des membres inférieurs, il y a 8 ans. Cette octogénaire de la région des Grands ponts perçoit la triste réalité à laquelle le monde assiste impuissamment, depuis mars 2020.

« Il y a deux ans maintenant, que je suis dans l’incapacité de me mouvoir parce que malade. J’ai eu écho de cette maladie imprévisible et insaisissable tant par l’homme que la nature », décrit Henriette Ablé. Pour elle, « mes activités au quotidien sont au point mort depuis deux ans. Je suis affectée par deux éléments essentiels de la vie présente : ma maladie et celle du monde actuel, le Coronavirus. Je me résous à cela malheureusement. Tout est arrêté pour moi. Rien ne vit à part mon cœur qui bat pour la vie.»

Envies et projets mis en veilleuse

  • D’où le Plan de riposte économique, social et humanitaire contre le Covid-19 évalué à 1700 milliards de FCfa. Cette initiative est fort appréciée par les personnes fragiles et retraités de Côte d’Ivoire

Face à cette pandémie qui impacte les activités économiques et sociales, le gouvernement ivoirien a décidé de soutenir les entreprises des secteurs du pays. D’où le Plan de riposte économique, social et humanitaire contre le Covid-19 évalué à 1700 milliards de FCfa. Cette initiative est fort appréciée par les personnes fragiles et retraités de Côte d’Ivoire.

Pour eux, la vie n’est pas mesurable et quantifiable à ce fonds de solidarité, même s’ils estiment que cela peut aider, un tant soit peu, des vies humaines. « Nous avons déjà notre petite pension de retraite du mois. Somme qui est constante, depuis quelques années, avec quelques augmentations », déclare Yayi, un autre vieillard rencontré au grand marché de Treichville. Ces personnes âgées ou retraités ont pour jeux favoris : dame, ludo, scrabble, lancée de boules, des rencontres sous les arbres pour échanger de tout, avec des balivernes déroutantes.

  • « On ne peut même plus nous donner ce désir, cette liberté de vie et d’association entre amis. On a tout pris, notre vie essentielle et existentielle », clame-t-il

Des envies ordinaires que les mesures gouvernementales leur enlèvent depuis deux mois pratiquement, à cause de la sale et imprévisible maladie du siècle. Un autre retraité d’Abobo Anador, Doumbia âgé de 72 ans, pense que la vie leur a été arrachée froidement par la maladie. « On ne peut même plus nous donner ce désir, cette liberté de vie et d’association entre amis. On a tout pris, notre vie essentielle et existentielle », clame-t-il.

Dans son atelier de réfrigérateurs usagés à Koumassi Progrès, loin de cette baraque, un groupe de jeune échange et d’autres vaquent à leurs occupations. Le copropriétaire de cet atelier de réfrigérateurs, Vincent Kouamé, épuisé par les rayons du soleil est emporté par un léger sommeil. A notre vue, il sursaute et nous lance un sourire empreint de civilités.

Yopougon, une commune populaire du District d’Abidjan, où vit le responsable diocésain des retraités et personnes du 3e âge catholique, Arsène Nda. Il est connu sous le pseudonyme de Djo Papy. Il est 19h. Il est déjà à la maison avec toute sa famille. Ce père de famille tient à ce que tous les membres soient à la maison à cette heure précise de la soirée. En évitant de tomber sous le coup du couvre-feu de 21h. Cette heure de la nuit est rythmée par le partage de la nourriture, la causette entre parents et enfants.

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Après le dîner, Nda préfère regarder la télévision pour s’informer de l’évolution de la maladie à Coronavirus dans le monde. « Je suis une personne très active. En tant que retraité, je fais du sport, non pas un sport de compétition. Tous les matins, je me lève et fais la marche sur 2 ou 3 kilomètres. Cela me remet en forme, relate Arsène Nda. Je fais des rencontres avec les membres de mon bureau, afin de pouvoir discuter de certaines choses de la Fraternité. Je suis pratiquant catholique, avec l’avènement du Covid-19, je ne peux plus faire de messe sur ma paroisse

De l’illusion à l’espérance

Le désespoir fait désormais front avec la vie de ces deux compères retraités Armand et Samuel. Tous les vendredis et samedis, bien endimanchés, avec une préférence particulière de vêtements blancs assortis de pairs de souliers blancs,  ils se retrouvaient chez le vendeur de café de Cocody Blokhauss pour éplucher les faits de la vie.

Le 3e âge se sent-il oublié dans la lutte contre le Covid-19?

Au besoin se prodiguer des conseils sur leurs vieux projets et papoter parfois des choses futiles de la vie. « Mon gars, la vie est devenue très difficile depuis que cette maladie a fait irruption dans nos vies. On ne peut plus se voir. Et lorsque nous nous voyions, ce sont des salutations à l’indienne que nous nous lançons comme si nous nous ne sommes jamais vus. Une vie éprouvée et qui nous pousse à rester confinés et  qui fait déchanter nos projets en perspectives », continue Samuel, qui avait promis réaliser, à la fin du mois d’avril, un projet d’élevage de lapins.

  • Le doyen, Armand lui aussi, présente un visage agonisant à tout point de vue. Ancien médecin, il croit que cette pandémie passera, avec la prière et la foi en Dieu

Armand, lui, croit à la foi catholique depuis son baptême, en juin 1948, dans une des paroisses de Korhogo. Cette pandémie passera, selon lui, avec ses milliers de victimes et de malades à travers le monde. L’Afrique subit de plein fouet cette pandémie, avec de nombreux cas positifs, qui incontestablement inquiètent l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Le doyen Armand lui aussi présente un visage agonisant à tout point de vue. Ancien médecin, il croit que cette pandémie passera, avec la prière et la foi en Dieu.

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« C’est une épreuve de Dieu. La terre nourricière qui nous donne tout est gangrenée par nos comportements et antivaleurs dans nos relations avec le prochain », justifie Dr Armand. Ajoutant, par ailleurs « que la Côte d’Ivoire, l’Afrique, et les autres continents sortiront grandis et guéris, s’ils se mettent ensemble pour cultiver de nouvelles valeurs d’amour, de paix, de réconciliation, d’entraide économique ».

L’espérance triomphera de nos incrédulités et insouciances notoires, estime-t-il, face à un monde, qui nous ouvre plus que jamais les bras de l’amour et de solidarité internationale face à une pandémie plus coriace que nos richesses et égoïsmes érigés en dogme.

Magloire Madjessou

Encadré

62 ; 65, 73 ans…Un plan spécial pour eux !

Les personnes âgées dans cette pandémie sont celles qui paient le plus lourd tribut en termes de décès liés au Covid-19 (1183 confirmés, ce mardi 28 avril). A chaque communiqué, le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique ne peut finir son message, en les invitant expressément à rester chez elles ou à se confiner obligatoirement, vu la propagation rapide du virus. Dans le Grand-Abidjan, où les malades confirmés de la pandémie sont à 98% ; les personnes âgées occupent sans doute 50% du taux de létalité dans les centres  de  prise en charge des Maladies infectieuses et tropicales (Mit) de Treichville Abidjan.

  • L’Etat, conscient de ce fait, doit pouvoir dégager un fonds spécial pour les personnes du 3e âge dans cette pandémie, qui sont de potentiels malades

Parce qu’elles sont les plus fragiles mais aussi traînent depuis leur mise à la retraite certaines pathologies sévères : le diabète, le rhumatisme, l’Avc, l’hypertension, la colopathie, la cécité, etc. Des maladies qui les exposent dangereusement et réduisent leur espérance de vie, sans omettre la survenance et l’accentuation de la maladie à Coronavirus. L’Etat, conscient de ce fait, doit pouvoir dégager un fonds spécial pour les personnes du 3e âge dans cette pandémie, qui sont de potentiels malades, comme ceux qui en attente, afin de prévenir que la maladie ne les expose davantage.

D’autres pays, pas forcément développés, le font extraordinairement et garantissent une bonne santé, parce qu’ils estiment que ce sont des ressources indéniables de toute société, les sages d’une Nation et contributeurs de démocratie à l’africaine avec de solides expériences dans les médiations/règlements de crises ou conflits.

Certes, dans le plan de riposte économique de 1700 milliards de Fcfa qui a été dégagé par l’Etat ivoirien et une partie du fonds estimé à plus de 13 milliards de francs Cfa revient aux 117 198 ménages. Ce fonds de solidarité, bien que salué par les Ivoiriens, ne prend pas en compte ces milliers de personnes du 3e âge considérées comme de potentiels oubliés de la société.

Les dons de solidarité donnés ici et là pourront permettre de survivre. Les communautés religieuses et ethniques devraient être mises à contribution pour la distribution des dons, car, ce sont des canaux réels par lesquels ils pourront apprécier la véritable valeur de solidarité sociale de l’Etat. Il y a trop de dons et sommes détournés depuis que cette affaire à débuter. Alors que l’Etat consciemment fait sa part.

Mais a-t-il un regard bienveillant et de contrôles sur ceux qu’il envoie pour la mission ? La distribution? Dévoyée quelquefois parce que, tous veulent se servir, en ignorant les plus nécessiteux et démunis dans la société ivoirienne. Un Covid-19 qui est tout de même profitable pour certains…

M.Madjessou

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