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Bang Mvé Gina : « Dans nos croyances, avoir des rapports sexuels avec son enfant permet d’acquérir des finances… »

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La conférencière Bang Mwé parle des abus sexuels et les pratiques mystiques /Ph Credo

Rencontrée à Abidjan, lors la Conférence internationale sur les violences et abus sexuels initiée par les jésuites, Bang Mvé Gina, doctorante en psychologie à l’université Omar Bongo du Gabon, elle a condamné ces crimes perpétrés sur les femmes et les enfants. Cependant, elle espère être ‘’la voix des sans voix ‘’ dans son pays pour lutter contre ce phénomène.

Pouvons-nous savoir les raisons de votre présence en Côte d’Ivoire ?

Je suis venue ici en Côte d’Ivoire pour présenter une communication sur les violences sexuelles faites sur les enfants et les femmes. Etant informée d’un appel à communications via les réseaux sociaux sur la problématique qui n’est pas méconnue des sociétés, j’ai saisi l’opportunité avec l’accord de mon directeur de thèse de m’y lancée, et ce fut une expérience scientifique enrichissante et bouleversante. Trois axes de recherche nous ont été proposés, et je me suis orientée sur l’axe 2 avec pour canevas : l’influence de l’environnement sur la violence et les abus sexuels sur les enfants.

Cependant en tant que doctorante en psychologie, mon objectif était d’orienter cette vision sur un plan psychologique, en me canalisant de prime abord sur les abus sexuels chez les enfants. Ensuite, en me positionnant sur un âge chronologique spécifique de 0 à 11 ans, car la littérature en dit moins sur la question au Gabon, enfin les raisons qui peuvent expliquer ce phénomène qui ne cesse de faire échos en général dans le monde entier et, en particulier au Gabon et ses retombées.

C’est la raison pour laquelle mon étude s’articule sur « les facteurs explicatifs et les conséquences psychologiques des abus sexuels sur les enfants de 0 à 11 ans ». En effet, ma recherche tente de répondre à ces questions et j’ai pu montrer les différents facteurs, les faits, les motivations pouvant conduire les agresseurs à commettre de tels inconduites sur les enfants et d’éventuels traumatismes liés à ces inconduites au cours de son développement.

Selon votre étude, qu’est-ce qui peut motiver des personnes à commettre de tels actes et quelles peuvent en être les conséquences sur les victimes ?

 Dans mon étude, j’ai dressé un ensemble de facteurs explicatifs, qui découlent des motivations personnelles des mises en causes. En m’orientant dans un aspect traditionnel, culturel, croyances et autres. Je ne citerai que celles y relatives qui s’inscrivent dans le registre des facteurs exogènes : D’une part, nous avons les facteurs liés à l’éducation, comme, la perte des valeurs morales et la perte du respect de l’être, ce que prône sans relâche notre société traditionnelle, qui se voit bafouer au détriment des convictions désorganisées sur les valeurs et la morale. Et les facteurs liés au mysticisme, à l’instar de la quête effrénée de la gloire, de la richesse.

Dans nos croyances, la richesse était représentée par la procréation qui représentait une pérennité familiale, qui est mal conçue de nos jours, car certains (bourreaux) sous-entendent que commettre des rapports sexuels avec son enfant permet d’acquérir des finances, des conventions qui sont proclamées dans des cercles mystiques pour se faire de l’argent ; sans oublier la quête du pouvoir, dans les mêmes principes. C’est réel, et très bouleversant.

Tout se passe comme si la culture, la tradition reste muette face à ce crime ?

 Je ne dirai pas que c’est la culture, la tradition qui est muette. La culture et la tradition sont les faits initiés par les individus. Ils en sont les garants, les initiateurs, les constructeurs, les acteurs.

Si certaines situations dans l’existence humaine nous dépassent ou nous échappent, c’est parce que l’individu (africain), s’est détourné de certains principes culturels

Ces derniers peuvent les conserver, les préserver comme les abolir, en transgressant, en changeant la donne. Les normes et les principes ont été régis pour garder un certain équilibre dans le processus de continuité et de développement.

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Si certaines situations dans l’existence humaine nous dépassent ou nous échappent, c’est parce que l’individu (africain), s’est détourné de certains principes culturels qui maintiennent l’équilibre et la plénitude existentielle, en se créant d’autres lois, en empruntant des voies égocentriques, en nourrissant des motivations dépréciatives, désirs malsains, pour répondre aux besoins présents.

Bien que nous soyons à présent sous l’effet des pressions, tendances sexuelles désorientées, des sensations et des émotions, qui sont moins contrôlées et moins orientées. Cet homme africain dans une moindre mesure est muet à ce phénomène, malgré les efforts consentis dans les sensibilisations, par des organismes, des ministères, des ONG, des particuliers, dans la préservation de l’enfance.

Nos cultures dénoncent la question de commettre un acte sexuel sur un enfant parce que l’enfant est l’espoir de la famille, l’avenir de la famille, la lumière de la famille. Il est le garant de la famille. Donc, détruire un enfant sur le plan sexuel, c’est détruire toute une famille, c’est détruire toute une génération. Nos traditions dénoncent cela, mais il est difficile de voir nos chefs de communautés se lever pour dire qu’il faut mettre fin à ces inconduites.

Si sur le plan traditionnel, il n’y a pas de moyens efficaces pour lutter contre les abus sexuels, nous osons croire que tel n’est pas le cas sur le plan juridique ?

Ce ne sont pas des moyens efficaces qui manquent pour résoudre ou prévenir un problème, mais des hommes et des femmes vrais, audacieux, humanistes, soucieux de l’avenir d’une nation, soucieux de la préservation et des valeurs humaines pour une société en bonne croissance qui manque. Je tiens à féliciter ceux-là qui livrent bataille jours et nuits pour que les droits des enfants et leur avenir soient meilleurs.

La justice fait son travail, les articles de condamnations nous en trouvant dans le code pénal, les services de polices judicaires traquent les potentiels abuseurs, plusieurs sont dans les barreaux, et s’occupent avec dévouement les dossiers relatifs ces crimes.

Vous l’avez dit, ce phénomène est connu. Est-ce que des mécanismes sont mis en place pour la prise ne charge des victimes ?

les psychologues ne sont pas en contact avec les associations, ajouté à cela la méconnaissance de la chose…

Mon pays, le Gabon rentre dans la dynamique de prévention, mais également de prise en charge de ces enfants. Donc, il y a plusieurs structures, institutions, ONG qui sont créées comme l’Observatoire national des droits des enfants (ONDE), des associations pour lutter contre l’impact des violences sexuelles sur les enfants. Maintenant la question de la prise en charge, elle est très compliquée parce que sur le terrain, les psychologues ne sont pas en contact avec les associations, ajouté à cela la méconnaissance de la chose qui fait qu’on ne prend pas d’initiatives, on ne prend pas au sérieux ce problème.

Vous êtes venues à Abidjan participer à titre personnel à cette conférence internationale. Cela servira certainement pour vos travaux de recherches. Mais est-ce que vous pensez que le rapport de ces assises que vous présenterez dans votre pays aidera à amplifier la lutte contre ce fléau ?

Je pense que c’est une initiative pour moi de me consacrer à ce phénomène là parce que c’est une question d’ordre humanitaire, elle est très oubliée parce que chacun pense à sa vie. Chacun pense à sa survie, à son avenir. Donc on a du mal être charitable, c’est-à-dire à se soucier des autres. Moi, je pense qu’à travers cette communication que j’ai faite, je serai peut-être une voix des sans voix dans notre pays le Gabon. Je l’espère.

Pensez-vous que les résolutions prises lors de ces assises pourront être d’une utilité dans la lutte contre ce phénomène en Afrique ?       

La présence de chacun ou le courage, l’effort ou l’audace de chacun n’est pas fortuit. Ce sont des résolutions, mais également des perspectives d’espoir. On a prôné tout à l’heure l’action, l’audace. Je pense que les choses vont maintenant mieux se concrétiser, se hâter parce que l’interpellation a boosté les consciences. On a essayé d’enlever ce qui était dans l’ombre pour mettre à la lumière ce qui était tabou. En effet, les choses iront pour le mieux. Ce sera avec difficulté mais les choses iront pour le mieux si nous nous engageons corps et âmes.           

 Interview réalisée par Aka Ahoussi

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